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Au-delà des étiquettes

Au-delà des étiquettes

La cohorte des élèves qui atteindra le cégep à l’automne 2002 aura été « traitée » à ce qu’il est convenu d’appeler la nouvelle grammaire ou la grammaire nouvelle. Diantre !… Quelle grammaire parlent-ils ! ? C’est sûrement ce que s’exclameraient, médusés, des professeurs du réseau collégial qui, au contact de ces élèves, entendraient alors « parler grammaire nouvelle » pour la première fois. Voilà beaucoup de conditionnels qui suggèrent une situation fort improbable. Ces professeurs devraient avoir vécu sur une autre planète depuis plusieurs années ou, pire, ne pas avoir lu Correspondance de septembre 2000[1] pour tout ignorer de cette « nouveauté ». Dans l’ensemble, toutefois, les professeurs de l’ordre collégial connaissent bien peu les modifications apportées depuis 1995 au curriculum des études secondaires, en particulier dans l’enseignement et l’apprentissage de la grammaire.

Ainsi, les nouveaux arrivants auront reçu une formation grammaticale fondée sur une approche différente de celle qui a cours depuis des décennies et dont les professeurs de tous les ordres d’enseignement étaient les héritiers, et, jusqu’à tout récemment, les transmetteurs. Même si, au collégial, nous ne sommes pas les responsables de cette formation grammaticale, nous devons en assurer la consolidation et, de ce fait, nous devons partager avec ces futurs cégépiens un discours commun[2].

Nous devons donc nous préparer en conséquence. La nature et la durée de la préparation de chaque professeur varieront bien sûr selon son expertise et son expérience grammaticales. L’effort d’adaptation touche surtout la perspective différente dans laquelle, avec cette approche, on aborde la grammaire. Sans mésestimer l’importance du changement de « mentalité grammaticale » qu’elle implique, nous estimons que cette nouvelle approche n’exige pas, pour autant, de faire table rase de toutes nos connaissances et pratiques en la matière. En effet, la nouvelle grammaire n’est pas une révolution, mais l’aboutissement d’une évolution et la systématisation de changements qui se sont faits petit à petit. L’esprit de la nouvelle grammaire et sa terminologie se sont infiltrés progressivement dans notre discours sur la phrase et sur le texte sans que nous en ayons toujours été conscients[3]. Aussi, pour la plupart, la préparation consistera-t-elle souvent en une systématisation de connaissances et de pratiques déjà acquises et partiellement intégrées.

Quelles qu’en soient la nature et la durée, la réussite de cette préparation exige la compréhension de la perspective dans laquelle on aborde désormais l’analyse de la langue.

Une vision… et une terminologie

On pourrait être tenté de banaliser l’importance des changements véhiculés par la nouvelle grammaire en les réduisant à un simple exercice de dépoussiérage terminologique[4]. Cette nouvelle grammaire est, bien sûr, livrée avec un métalangage comportant quelques termes nouveaux ou quelques définitions nouvelles de termes déjà existants. Le changement terminologique serait cependant purement cosmétique s’il ne sous-tendait une vision ou une conception différente de la grammaire, s’il n’était justifié par celle-ci. Si la création, le remplacement ou la redéfinition de certains termes créent peu de résistance, il en va tout autrement d’une « conversion » à une façon différente d’analyser qui, sans exiger la foi aveugle du néophyte, requiert curiosité et souplesse intellectuelles et exige plus de temps. Il ne s’agit pas de mémoriser simplement des étiquettes grammaticales, mais de s’approprier une vision. La compréhension et l’intégration d’un nouveau mode de pensée grammatical peut s’effectuer en quelques semaines… mais ne s’improvise pas.

Un coffret pédagogique

Plus les professeurs seront « encadrés », dans leur exploration de la nouvelle grammaire, et plus on facilitera leur appropriation en la guidant et en la stimulant, plus ils seront sensibilisés et sensibles à la cohérence et à la puissance de systématisation de cette approche et plus ils découvriront l’originalité et les possibilités des outils d’analyse grammaticale et textuelle ; et plus ils se sentiront « confortables » avec cette approche, plus la préparation sera agréable et profitable.

C’est dans cet esprit que s’inscrit le projet de Correspondance d’offrir, à partir de septembre, une série de fascicules aux professeurs du réseau collégial, pour les aider à mieux comprendre l’esprit de cette approche, à systématiser les notions et à intégrer progressivement des mécanismes d’analyse de la nouvelle grammaire. C’est la linguiste Annie Desnoyers qui aura la tâche non pas d’écrire une nouvelle « nouvelle grammaire>, mais de proposer des pistes d’observation, d’exploration, de réflexion, des exemples pour exploiter efficacement et systématiquement les ressources de cet instrument. Le projet est d’ouvrir des voies, d’emprunter des avenues qui donneront aux professeurs le goût d’en découvrir ou d’en créer d’autres, qui leur inspireront le désir de « parler nouvelle grammaire ».

Les principaux objectifs seront les suivants :

  • Faciliter la compréhension, l’appropriation et l’intégration des notions et des mécanismes d’analyse de la phrase et du texte que propose la nouvelle grammaire.
  • Illustrer le traitement systématique des diverses composantes de la langue, du discours et du texte que facilite la grammaire nouvelle.
  • Sensibiliser à la cohérence avec laquelle s’articulent trois volets (phrase, texte, lexique) de cette grammaire globale.
  • Sensibiliser aux régularités de la langue.
  • Sensibiliser aux buts qu’on doit poursuivre dans la correction des textes selon cette perspective.
  • Proposer des moyens pour rendre plus efficace, plus uniforme et plus cohérente la correction des textes des élèves.
  • Découvrir des effets de ce changement sur l’enseignement de la littérature, sur l’analyse des textes littéraires, sur l’écriture des textes, sur la lecture, sur la correction des textes.
  • Proposer, illustrer et commenter des pistes d’exploration, d’analyse.
  • Proposer des moyens pour assurer et poursuivre l’intégration des connaissances grammaticales des élèves dans leurs activités d’analyse et d’écriture.
  • Stimuler les activités de perfectionnement dans les collèges.

Les principaux thèmes abordés seront :

  • l’esprit des grammaires nouvelles ;
  • la structure de la phrase et les règles (d’accord, de ponctuation, de syntaxe) du français écrit ;
  • la progression et la cohérence textuelles ;
  • le fonctionnement du lexique ;
  • l’adaptation de la phrase et du lexique aux diverses situations de communication.

Je suis assuré que c’est dans la perspective nouvelle selon laquelle ces thèmes seront traités, plus que dans l’énumération sommaire de leur nature, que vous apprécierez l’originalité de ces fascicules et que vous leur réserverez un accueil enthousiaste.

* * *

  1. Correspondance, volume 6, numéro 1. Plusieurs articles sont consacrés à la nouvelle grammaire. Retour
  2. La grammaire nouvelle est là pour rester et son enseignement ou son intégration dans les cours de littérature ne sont pas laissés au choix de chaque professeur. Tous les professeurs de l’ordre collégial seront touchés mais différemment, selon leur préparation et la matière enseignée. Retour
  3. Ainsi, Le Bon Usage, la bible de la grammaire traditionnelle, intègre-t-il, dans sa treizième édition, plusieurs éléments terminologiques qui relèvent de la grammaire nouvelle. Retour
  4. Si une telle vision réductrice existait, elle pourrait expliquer le peu d’intérêt, voire l’hostilité, à l’égard de la « chose grammaticale », l’absence d’enthousiasme et d’ardeur des professeurs au moment de se familiariser avec cette nouvelle approche et, surtout, la vitesse (ou la lenteur) avec laquelle ils intégreront les notions et les outils d’analyse à leur enseignement. Retour

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