Le découpage des phrases
La recherche PAREA intitulée Stratégies d’apprentissage et sémantique[1], qui se voulait une recherche de mise au point de stratégies d’apprentissage susceptibles d’aider les élèves aux prises avec des difficultés langagières, a été l’occasion de constituer une banque de ces stratégies. Certaines ont servi pour la préparation du plan d’intervention destiné aux collègues qui veulent faire une place dans leurs cours à l’amélioration de la langue ; d’autres ont été laissées de côté par réalisme et, surtout, par respect pour les collègues qui acceptaient de consacrer quelques minutes, mais seulement quelques minutes, de leurs cours à l’amélioration du français de leurs élèves.
Certaines de ces stratégies non utilisées ont été quand même exposées d’une façon succincte dans un chapitre du rapport qui leur a été consacré. On peut en prendre connaissance en consultant le texte de la recherche sur le site du CCDMD, et en disposer à sa convenance.
La lecture à haute voix comme révélateur
Si l’on demande aux élèves de lire un texte à haute voix, la première chose que l’on remarque, c’est qu’un grand nombre d’entre eux se perdent dans la simple lecture des phrases, surtout quand ces dernières sont un peu complexes. Par l’intonation, on constate que certains arrivent au point final avec encore un souffle, indiquant que la phrase n’est pas encore terminée, mais que la grande majorité d’entre eux finissent leurs phrases en plein milieu puis reprennent, presque sans scrupule, à partir de là où ils ont décidé d’arrêter, comme s’il s’agissait bel et bien d’une nouvelle phrase. À l’exercice, on se rend bien compte que le découpage des phrases ne se fait pas correctement dans la tête des lecteurs collégiens. Or, nous avons l’impression que l’entraînement au simple découpage d’une phrase en ses trois éléments de base traditionnels, sujet, verbe et complément (SVC), avec détermination des éléments subordonnés en fonction de ces trois éléments, est susceptible de mettre de la clarté dans la tête du lecteur et de l’aider à mieux comprendre le contenu, à mieux accorder les éléments entre eux et, tout compte fait, à mieux se retrouver dans sa lecture. C’est là une hypothèse qui n’a pas pu être vérifiée mais que nous proposons à nos collègues intéressés. Il est aussi tout à fait possible de proposer l’exercice en s’appuyant sur la grammaire actuelle. Dans ce dernier cas, il s’agit de découper la phrase en ses deux éléments de base, le groupe sujet et le groupe verbal, ce dernier étant formé d’un verbe et d’un complément du verbe. L’unité de communication minimale ainsi formée, que l’on désigne par le symbole P, peut aussi être complétée par un complément de P (phrase), qui en indique la circonstance.
Il va de soi que le découpage des phrases est un travail élémentaire qui commence d’ailleurs au primaire et qui se complexifie au secondaire avec l’analyse logique. Toutefois, les élèves qui ont des difficultés langagières ont, dans l’ensemble, des lacunes dans leur formation antérieure et notamment en ce qui a trait au travail d’analyse grammaticale et d’analyse logique. Cette dernière, il n’est pas sûr que tous les élèves du secondaire en fassent. En outre, même ceux qui la pratiquent n’en sortent pas toujours avec une maîtrise évidente, et l’élève fragile en français bute souvent sur la complexité de cette analyse avec tous les types des phrases subordonnées et leurs fonctions.
Le découpage des phrases proposé ci-après est réduit à son expression la plus simple : il s’agit d’abord, tel qu’annoncé ci-dessus, de délimiter les trois éléments de base traditionnels pour la constitution d’une phrase, à savoir le sujet, le verbe et le complément (SVC) et, ensuite, de leur subordonner tous les éléments de la phrase en plaçant ces éléments les uns par rapport aux autres dans une relation de subordination ou de coordination. En grammaire actuelle, comme mentionné plus haut, il s’agit de découper la P en ses deux éléments de base, soit le groupe sujet (GS) et le groupe verbal (GV), puis de découper ce dernier en deux éléments, soit le verbe (V) et le complément du verbe (Compl. V). Le complément du verbe peut prendre diverses formes grammaticales, tout dépendant du type du verbe (transitif direct ou indirect, intransitif, attributif, etc.).
Voici, pour mieux faire comprendre le sens de cette stratégie, trois exemples de phrases découpées selon cette approche.
Partons d’une phrase de base.
L’humain (S) est (V) raisonnable (C).
ou
L’humain (GS) est raisonnable (GV),
puis
est (V) raisonnable (Compl. V).
Ajoutons maintenant du détail à l’un ou l’autre de ces éléments.
L’humain [qui est le seul être bipède d’une façon permanente] (S) est (V) raisonnable (C).
ou
L’humain [qui est le seul être bipède d’une façon permanente] (GS) est raisonnable (GV).
Comme on le voit par les crochets, la partie « [qui est le seul être bipède d’une façon permanente] » est de toute évidence subordonnée au sujet (S). En grammaire actuelle, on ajouterait qu’elle fait partie du groupe sujet (GS), qui est, dans cet exemple, de catégorie groupe nominal (GN). Le GN se décompose en déterminant (Dét.), nom (N) et complément du nom (Compl. N), ce dernier élément étant facultatif. La partie qui vient d’être ajoutée dans l’exemple ci-dessus est le Compl. N du GS. Un complément du nom peut apparaître sous différentes formes syntaxiques : un groupe adjectival (GAdj), un groupe prépositionnel (GPrép), une P comme dans l’exemple ci-dessus, etc.
Ajoutons d’autres éléments subordonnés.
L’humain [qui est le seul être bipède d’une façon permanente et qui est créé intelligent] (S) est (V) raisonnable (C), [parce qu’il est fait à l’image de son créateur] (C).
ou
L’humain [qui est le seul être bipède d’une façon permanente et qui est créé intelligent] (GS) est raisonnable (GV), [parce qu’il est fait à l’image de son créateur] (Compl. P).
Nous avons subordonné deux éléments au sujet (S) et un élément au complément (C). En grammaire actuelle, on dirait qu’il y a deux Compl. N (coordonnés) et un Compl. P qui ont été ajoutés à la P de base.
Comme on le voit, on reste, malgré les variations, à l’intérieur d’une même phrase, qui a le même sujet (ou le même N dans le GS), le même verbe et le même complément (ou le même GV), et, d’une version à l’autre, on ne fait qu’enrichir l’un ou l’autre de ces éléments (on a donc enrichi le GS, d’une part, et la P entière, d’autre part).
Bien sûr, si l’on veut échanger sur l’expérience, il vaut mieux prendre la peine de noter les réactions des élèves, leurs hésitations, leurs réussites et échecs, et en faire part aux autres. Il va de soi qu’on peut demander aux élèves de pratiquer le découpage sur des textes ou sur des parties de textes qu’ils ont à travailler dans leurs cours. Cela a l’avantage de les aider à mieux comprendre ces textes.
- Joseph CHBAT et Jean-Denis GROLEAU, Stratégies d’apprentissage et sémantique, Montréal, collège Jean-de-Brébeuf et collège André-Grasset, 1998, 202p. ; www.ccdmd.qc.ca/langue Retour
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