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Ma passion pour la syntaxe

Ma passion pour la syntaxe

Non, ce ne fut pas un coup de foudre. La syntaxe ne m’a pas séduite, en un éclair, par un beau jour de mai. Elle n’a pas ce pouvoir de séduction et plaît rarement au premier coup d’oeil. Pourtant… la satisfaction qu’elle promet est des plus intenses, pour qui ne fuit pas les longues fréquentations.

À l’automne de 1995, alors que je cherchais à produire du matériel pertinent pour l’amélioration de la syntaxe chez nos élèves, j’ai fait la rencontre d’un homme fascinant, Nicolas Beauzée[1], et mon intérêt pour la « chose » s’est mué en véritable passion.

Je savais déjà que la phrase était régie par une organisation interne stricte, dont il était possible de rendre compte au moyen de règles. L’application maîtrisée de ces règles me procurait un malin plaisir : la syntaxe était alors pour moi le Lego de l’esprit, et ce jeu d’agencements de blocs — les constituants — m’amusait.

Je n’avais pas encore flirté avec le style…

Ma rencontre avec Beauzée est venue troubler mon doux sentiment de contrôle sur la phrase française, glisser un souffle de liberté dans ma conception de l’organisation de la phrase. Et ça m’a plu ! Pour Beauzée, la connaissance et la maîtrise des structures sont essentielles à l’expression, certes, mais il y a plus encore. C’est la pensée (qui, cherchant à s’exprimer, se moule à ces structures syntaxiques) que nous devons nous efforcer de suivre. Or, comme la pensée est rarement linéaire, et que, plus elle est riche et fertile, plus son fil conducteur est entrecoupé de nuances, de précisions, etc., il faut pouvoir la canaliser dans les structures disponibles — pour se faire comprendre –, mais aussi être capable d’assouplir ces structures — pour pouvoir s’exprimer. La seule maîtrise des structures de base de la phrase ne permet pas d’accéder à ce niveau supérieur d’expression ; mais seule la maîtrise de ces structures rend possibles l’apprentissage et l’application correcte des principes stylistiques qui donnent à la phrase le pouvoir d’exprimer le mouvement de la pensée.

Ma relation avec Nicolas Beauzée fut de courte durée. Pourtant, sa pensée, éclairante, m’habite toujours. Depuis, quand je lis attentivement une phrase, non seulement j’en comprends le sens et la structure, mais j’en saisis aussi le mouvement, et je me laisse bercer par son rythme. Ce choc de la raison et des sensations me procure une profonde satisfaction et me permet, maintenant, de goûter toute la richesse d’une phrase. J’en apprécie d’autant les effets stylistiques des grands auteurs.

Imaginez cette « brise Beauzée » soufflant sur vos élèves !

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  1. BEAUZÉE, Nicolas : mathématicien, logicien et linguiste ; a écrit 135 articles de grammaire dans l’Encyclopédie de Diderot ; auteur de Grammaire générale (1767). Retour

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