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Survol historique des grands courants en didactique de la grammaire

Survol historique des grands courants en didactique de la grammaire

Le texte qui suit est extrait d’un numéro hors série de Québec français proposant des éléments de réflexion sur la grammaire. Son auteur, Claude Simard[1], est professeur au Département d’études sur l’enseignement et l’apprentissage à l’Université Laval. La reproduction de cet extrait a été autorisée par les Publications Québec français.

Trois mouvements principaux ont marqué l’enseignement grammatical du français langue maternelle. Il s’agit successivement (mais les appellations peuvent varier) de la grammaire traditionnelle, de la grammaire structurale et de la grammaire de discours ou de texte.

La grammaire traditionnelle

Élaborée au fil du XIXe siècle parallèlement à la mise en place de l’école publique, la grammaire traditionnelle est encore très vivante aujourd’hui. Ainsi que Chervel[2] l’a montré, elle s’est constituée surtout en vue de l’apprentissage de l’orthographe d’accord. La plupart des notions qu’elle s’est efforcée de transmettre sont en effet reliées aux règles du code orthographique. Ainsi le complément d’objet direct est distingué du complément circonstanciel pour faire comprendre la différence d’accord entre les structures du type Les 100 dollars que j’ai perdus et Les 100 dollars que cela a coûté. Le champ réservé à l’enseignement grammatical ne déborde donc pas la morphosyntaxe de l’écrit et prend le mot comme unité de base puisque l’objectif primordial est d’apprendre à orthographier les mots correctement. L’auteur le plus connu de ce courant est sans consteste Maurice Grevisse[3].

La grammaire structurale

Avec le développement de la linguistique moderne, l’enseignement grammatical, vers le début des années 1970, s’est renouvelé sur la base des descriptions structuralistes de la langue, particulièrement le distributionnalisme et le générativisme. L’orthographe s’est vue reléguée au second plan au profit de la syntaxe de la phrase, vue non plus comme une simple suite de mots mais comme une structure hiérarchique où les éléments s’emboîtent les uns dans les autres un peu à la manière des poupées gigognes. L’accent est mis sur les groupes fonctionnels (groupe nominal, groupe verbal, etc.), sur leurs relations réciproques et sur leur constitution interne. À la place des définitions traditionnelles d’ordre sémantique, la grammaire structurale dégage les propriétés des groupes fonctionnels et des classes de mots à l’aide de manipulations concrètes d’addition, d’effacement, de substitution ou de déplacement. L’ouvrage que Roger Gobbe a publié en 1978[4] donne un bon aperçu du courant de rénovation associé à la grammaire structurale.

La grammaire de discours ou de texte

Au cours des années 1980, sous l’influence de la linguistique pragmatique et de la linguistique textuelle, un second mouvement de rénovation gagne l’enseignement grammatical. La perspective retenue n’est plus seulement phrastique comme dans la grammaire structurale, elle s’agrandit et devient transphrastique. En étendant l’étude de la grammaire aux énoncés longs que forment les discours ou les textes, on vise à sensibiliser les élèves aux mécanismes grammaticaux responsables de la continuité d’un texte et de son inscription dans une situation de communication. Le numéro 86 de la revue Le français aujourd’hui offre des illustrations pédagogiques intéressantes de ce genre de grammaire.

Une extension progressive du champ de la grammaire

Il convient de préciser que l’historique qui vient d’être brossé convient surtout à l’Europe francophone, car les deux récents mouvements de rénovation se sont moins répandus au Québec où, sur le plan de la description linguistique, la grammaire traditionnelle a continué de primer dans les manuels et les pratiques pédagogiques.

De façon générale, l’évolution de l’enseignement grammatical s’est réalisée en diversifiant son contenu et concurremment en élargissant son cadre. Il est passé de l’accord des mots graphiques à la construction de la phrase pour aboutir au fonctionnement des textes. Plutôt qu’une opposition irréductible entre les trois courants successifs, il s’est opéré une progression vers une discrimination de plus en plus fine des phénomènes grammaticaux. En fait, l’expérience accumulée nous indique une voie prometteuse pour redéfinir l’enseignement de la grammaire et lui donner une forme plus englobante qui correspondrait mieux au rôle central joué par les unités grammaticales.

* * *

  1. SIMARD, Claude. « Pour une approche transversale de la grammaire dans l’enseignement de la langue », Québec français, numéro hors série sous la direction de Réal Bergeron et de Godelieve de Koninck, 4e trimestre 1999, p. 6-7. Retour
  2. CHERVEL, A., …et il fallut apprendre à écrire à tous les petits Français. Histoire de la grammaire scolaire, Paris, Payot, 1977, 304 p. Retour
  3. N.D.L.R. : La dictée, les exercices de grammaire, l’analyse logique et grammaticale font partie des activités types de l’approche traditionnelle. Retour
  4. GOBBE, R., Pour appliquer la grammaire nouvelle. Morphosyntaxe de la phrase de base, Paris/Gembloux, Duculot, 1978, 296 p. Retour

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