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L’enseignement de la langue à des «allophones»: l’expérience des collèges anglophones

L’enseignement de la langue à des «allophones»: l’expérience des collèges anglophones

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e présent article vise à renseigner les enseignants de français qui travaillent dans les collèges francophones du Québec au sujet du système du programme de français en vigueur dans les collèges anglophones, sur la base de ce qui se fait dans les collèges Vanier, Dawson et Marianopolis. L’étude reste ciblée sur les allophones, ici considérés comme des non-francophones et non-anglophones.

On comprend aisément que lorsqu’il s’inscrit dans un cégep anglophone, l’étudiant allophone vient apprendre ou se perfectionner avant tout en anglais. Cependant, en vertu de la loi, il est aussi tenu de suivre des cours de français langue seconde. L’enseignement du français en tant que langue seconde[1] est la caractéristique majeure de l’enseignement diffusé dans les collèges anglophones, lequel se démarque ainsi de celui des collèges francophones. Cette démarcation a été clairement définie lors de la réforme de 1994. À cette date, le Ministère a aboli les cours de français langue seconde dans les collèges francophones (cours désormais jugés pertinents dans les collèges anglophones uniquement), et, par conséquent, les cours réservés aux allophones. En contrepartie, des solutions de rechange ont été créées plus tard pour répondre aux besoins des collèges francophones, comme les cours de mise à niveau de 90 h pour les élèves très faibles, dans lesquels la plupart des étudiants sont des allophones.

Les cours du programme de français : présentation

Les étudiants doivent suivre chronologiquement deux cours de 45 h/session appelés A et B, de deux unités chacun. Les cours de bloc A sont des cours généraux, identiques quels que soient le programme d’études ou le secteur (général ou professionnel) de l’étudiant. Ils visent l’acquisition de certaines compétences grammaticales, syntaxiques et de structure de texte selon les niveaux. Les cours de bloc B sont relatifs au champ d’études[2] et visent à approfondir les compétences acquises au bloc A en les arrimant à des textes spécifiques au domaine ou au programme d’études. Par exemple, on peut regrouper des étudiants de sciences humaines seulement, qui rédigeront des textes et feront des exposés oraux sur des thèmes reliés à leur programme d’études. On peut aussi regrouper des élèves de trois ou quatre programmes, mais ils auront chacun des travaux différents à faire selon leur programme d’études.

Devis ministériel du programme de français

FRE-100A Français de base I

FRE-100B Français de base II

FRE-101A Langue et communication

FRE-101B Français adapté au programme
(Thèmes proposés : sectes, famille, système judiciaire, chômage, éducation, environnement, sports, tourisme et voyages, arts visuels et arts de la scène, loisirs, etc.)

FRE-102A Langue et culture

FRE-102B Français adapté au programme
(Thèmes proposés : initiation au théâtre, fictions, médias et cinéma, etc.)

FRE-103A Culture et littérature
(Thèmes proposés : révolutions, chanson française, au théâtre cette saison, le Québec en devenir, arts et littérature en France, la femme dans le roman, Montréal – métropole culturelle, etc.)

FRE-103B Français adapté au programme
(Thèmes proposés : initiation à la traduction, français des affaires, science moderne, littérature française : discussions, regards contemporains, contes universels, histoire de l’amour, Maupassant et la nouvelle, etc.)

Les numéros de cours (100, 101, 102 et 103) correspondent à des niveaux de compétences : en effet, la caractéristique principale de ce système est que tous les étudiants ne suivent pas les mêmes cours. Ils sont classés dès l’entrée au collège dans l’un des quatre niveaux, le 100 étant pour les plus faibles et le 103 pour les plus forts. Une fois classés dans un niveau, les étudiants y restent pendant les deux sessions. Le programme étant étalé sur seulement deux sessions, les étudiants peuvent choisir de suivre les cours à n’importe quel moment durant les deux ou trois ans de cégep. Un même thème peut rejoindre tous les niveaux et tous les domaines, mais en étant traité différemment selon le champ d’études ; d’autres thèmes peuvent être étudiés en séance plénière d’après les niveaux.

Le principe du classement, dont nous expliquerons la démarche au paragraphe suivant, permet de ne pas isoler les allophones dans un groupe distinct, mais bien de les diriger vers le programme qui leur convient, au même titre que leurs camarades. Cependant, malgré la non-discrimination entre allophones et anglophones, il est arrivé à Dawson que certains étudiants anglophones aillent jusqu’à tricher pour ne pas se retrouver au même niveau que les allophones très faibles, c’est-à-dire en 100.

Le classement

Comme nous l’avons évoqué au paragraphe précédent, un test de classement est imposé à l’entrée au collège. Il importe de souligner que le classement ne se fait pas par ethnie ou en fonction de la langue maternelle, mais bien en fonction du niveau de français. De plus, le test se fait à échelle locale et diffère considérablement selon les établissements :

  • À Vanier, les francophones sont classés selon leurs notes de 5e secondaire, qui les divisent entre les niveaux 102 et 103 ; les anglophones et allophones passent un test (exercices d’écoute et d’expression écrite) qui les classe en 100, 101, 102 ou 103, ou en mise à niveau.
  • À Marianopolis, tous les étudiants passent le test, mais le classement se fait selon une grille d’évaluation en fonction de la langue maternelle et de la langue d’enseignement au secondaire[3]. Il faut savoir que la clientèle de Marianopolis contient 42 % d’élèves scolarisés en français au secondaire.
  • À Dawson, le classement se fait en fonction des notes de 5e secondaire et du test de classement. Dans le 103, ce sont surtout des francophones, dans le 102 ce sont des élèves forts en français. Le 100 regroupe beaucoup d’allophones et d’anglophones en grande difficulté[4]. Le test de classement est actuellement en révision à Dawson. On veut un test qui soit plus équilibré et qui contienne plus d’écrit[5].

Les cours de mise à niveau

En plus des cours obligatoires, certains collèges anglophones proposent également des cours de mise à niveau.

  • À Vanier, il y a deux sortes de cours de mise à niveau : « Préparation au français » est un cours qui se déroule sur une session pour les débutants intermédiaires, et « Débutants 1 à 4 », destiné aux vrais débutants, est un cours évolutif où les apprenants passent du niveau 1 à 4 sur une année.
  • À Dawson, on propose trois cours de 45 h de trois niveaux différents : débutants 1 (gens qui arrivent de l’extérieur ; il s’agit purement et simplement de cours de français langue étrangère), débutants 2 (faibles, mais un peu meilleurs), 001 (anglophones qui viennent d’autres provinces, par exemple). Ces cours sont destinés à ceux et celles qui ne peuvent même pas entrer au 100.
  • À Marianopolis, il n’y a pas de cours de mise à niveau en français. Les quelques élèves qui en ont besoin vont à Vanier ou à Dawson pour les suivre.

L’évaluation en français

Les cours de français langue seconde ne sont pas sanctionnés par une épreuve uniforme finale. Cet examen existe seulement pour l’anglais (English exit test). Par contre, dans chaque niveau (100, 101, 102, 103), les étudiants ont un examen (comprehensive assessment) et un travail à remettre à la fin du cours B. Il s’agit d’un examen de lecture et d’écriture. L’oral est très peu évalué, mais travaillé tout au long de la session pendant les cours (à Vanier, par exemple, on consacre seulement 10 % de la note à l’oral pour les niveaux 102 et 103, et 20 % pour les niveaux 100 et 101). La réussite des cours A et B est obligatoire pour l’obtention du DEC.

L’aide en français

Comme dans les collèges francophones, on propose de l’aide en français. Les centres d’aide en français des collèges anglophones sont appelés CLEO (centres de langue écrite et orale). On y fait du tutorat professionnel ou monitorat (universitaires rémunérés), du tutorat par les pairs en cours de relation d’aide ou par volontariat, des ateliers de préparation aux examens, de la rédaction française, etc.

La place de la grammaire dans l’aide diffusée au CLEO est au centre des préoccupations et des interventions pédagogiques. On n’utilise cependant pas encore l’approche « nouvelle grammaire ».

Quant au matériel utilisé dans les CLEO, comme dans les CAF, il diffère selon les collèges, mais on se sert en majorité du matériel proposé sur le site du CCDMD.

Curieusement, on a remarqué que les tuteurs préfèrent être jumelés avec des allophones, car ceux-ci seraient plus motivés et assidus que les anglophones pour apprendre le français. En effet, un allophone peut être motivé ou influencé par sa famille quant à l’apprentissage du français. Il peut s’agir notamment de personnes qui ont fait face à des difficultés de communication et qui souhaitent que leurs enfants n’éprouvent pas les mêmes problèmes. Les CLEO, au même titre que les CAF des cégeps francophones, sont des facteurs d’intégration culturelle et sociale pour les allophones.

Conclusion

À la lumière de cette analyse, il ressort les points suivants :

Un classement par niveau – dans lequel on reste tout au long du parcours collégial – permet à l’élève allophone de développer une certaine confiance en lui puisqu’il est entouré d’étudiants du même niveau, sans distinction ethnique. Les élèves sont évalués selon une grille adaptée à leur niveau et s’en sortent par conséquent assez bien. On ne peut pas accomplir de miracle avec des étudiants très faibles côtoyant des étudiants forts. En effet, ce genre de regroupement mène souvent au découragement et à l’abandon de certains élèves.

De plus, le classement par niveau permet à tous d’avancer à un rythme adapté selon une formation adaptée. L’aspect littéraire, considéré comme difficile, est réservé aux plus forts tandis que les plus faibles travaillent surtout sur les bases grammaticales dont ils ont besoin.

Par ailleurs, ce classement permet un recrutement des enseignants également plus adapté : ceux qui sont spécialisés en littérature peuvent enseigner aux niveaux 102 et 103, et ceux formés en langue seconde ont plaisir à aider les allophones à apprendre la langue et à revoir les bases grammaticales.

L’expérience des collèges anglophones m’a amenée à observer des points intéressants à exploiter. Nous l’avons vu, la principale différence avec les cégeps francophones concernant le programme de français est qu’il s’agit d’une optique langue seconde. Il apparaît donc normal que les programmes de français diffèrent. Cependant, la population allophone dans les cégeps francophones augmente d’année en année. De ce fait, peut-on encore imposer un enseignement de français langue maternelle à tous alors que pour une partie grandissante de la clientèle, il s’agit d’une langue seconde ? D’ailleurs, quelle que soit leur origine linguistique, les élèves très faibles en français ne seraient-ils pas mieux encadrés dans un cours de français langue seconde également ? Ne serait-il pas pertinent d’établir un classement par niveaux, au moyen d’un test équitable et adapté[6], même pour les cours obligatoires, sans pour autant discréditer la perspective d’amélioration du français ? Ne serait-il pas également pertinent de recruter des enseignants spécifiquement formés aux types de cours dispensés et ainsi offrir des ressources adaptées à une plus grande partie de la clientèle ?

  1. La langue seconde, comme son nom l’indique, est apprise après la langue maternelle, souvent en interférence avec cette dernière. La caractéristique de la langue seconde, à l’inverse de la langue étrangère, est qu’elle est apprise parce que le contexte linguistique l’impose. Retour
  2. Excepté pour le 100B, où l’on ne fait pour ainsi dire que de la grammaire. Retour
  3. Ceux qui sortent des écoles francophones et qui obtiennent plus de 70 % au test, et selon leurs résultats de 5e secondaire, sont placés dans le 102 et le 103. Ceux qui sortent des écoles anglophones, mais qui ont suivi un enseignement en français langue maternelle, et qui obtiennent plus de 80 % sont également placés en 102 ou 103. Enfin, ceux qui sortent d’écoles anglophones avec un enseignement en français langue seconde sont partagés entre les niveaux 100, 101 et 102. Retour
  4. Ce cours est réservé aux étudiants qui ont des difficultés d’apprentissage et est presque considéré comme un cours de mise à niveau, mais assorti d’unités. Retour
  5. Le secondaire est très axé sur l’oral alors que le cégep exige plus d’écrit. Retour
  6. Le ministère de l’Éducation travaille actuellement sur un protocole d’entente d’évaluation commune à tous les collèges pour uniformiser les tests de classement. Retour

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