" />
2024 © Centre collégial de développement de matériel didactique
À propos du décalage entre la passation de l’épreuve uniforme de français et le cours 601-103-04: ses effets sur le taux de réussite

À propos du décalage entre la passation de l’épreuve uniforme de français et le cours 601-103-04: ses effets sur le taux de réussite

P

lusieurs y voient un argument, d’autres une explication : il s’agit pourtant d’une hypothèse qui n’a jamais été validée. Cette hypothèse veut que plus le temps s’écoule entre le moment où un élève termine le cours 601-103-04 et le moment où il passe l’épreuve uniforme de français, plus l’éventualité d’échouer à l’épreuve augmente. On tentera ici de la vérifier, d’autant plus que certains l’invoquent pour discuter du lien, jugé trop étroit, entre le cours 601-103-04 et l’épreuve.

Méthodologie

Nous avons examiné les résultats obtenus à l’épreuve uniforme de français par les élèves qui ont pris un certain temps avant de s’y soumettre pour la première fois ou qui ont été contraints de s’y soumettre de nouveau, à cause d’échecs répétés, à un moment plus ou moins éloigné de celui où ils ont complété le 601-103-04. Ce « décalage » se mesure en nombre de sessions entre la dernière inscription au cours 601-103-04 et le moment de passer l’épreuve. N’ont été considérés que les cas où cette différence est plus grande que zéro, le zéro indiquant que l’élève a passé l’épreuve à la même session qu’il a complété le troisième cours de français de la formation générale commune, comme le prévoit le critère d’admissibilité à la passation de l’épreuve (être en voie de réussir ce cours).

On comprendra que plus ce nombre de sessions augmente, moins il y a d’élèves concernés. Au départ, nous avons souhaité remonter jusqu’à quinze sessions séparant celle de la dernière inscription au 601-103-04 et celle où l’élève a passé l’épreuve, soit cinq ans, à raison de trois sessions par année. Cependant, à cause des petits nombres obtenus dans les dernières sessions « supplémentaires à la normale », il a fallu s’en tenir à douze sessions et regrouper les cinq dernières sous une même rubrique (8+). L’étude couvre donc la période de la session d’hiver 2002 à la session d’hiver 2006 inclusivement. On aura aussi compris qu’un même élève peut faire l’épreuve plus d’une fois et que les reprises sont incluses dans les données analysées, ce qui explique les faibles taux de réussite par rapport aux taux habituels. Ces reprises font logiquement partie des cas concernés par l’hypothèse à vérifier, puisque l’élève qui a réussi son cours 601-103-04 tout en ayant échoué à l’épreuve connaît un délai supplémentaire par rapport à son cours avant de pouvoir la reprendre.

Afin d’apporter des éléments explicatifs, nous avons examiné les données concernant ces élèves quant à leur programme d’études, leur sexe, leur résultat à l’épreuve terminale de français du MELS de cinquième secondaire et leur résultat au cours 601-103-04. Trois aspects sont donc considérés : la force des sujets, mesurée par les résultats obtenus à l’épreuve de cinquième secondaire et ceux obtenus au cours 601-103-04, leur sexe et leur secteur d’études.

Résultats

Aux fins de la discussion, nous présentons ici les résultats traités de manière à dégager les taux de réussite pour l’ensemble des élèves concernés, puis en fonction des trois paramètres retenus pour l’analyse.

L’ensemble des élèves

La représentation graphique des données pour l’ensemble des cas concernés par l’hypothèse (figure I) montre une décroissance du taux de réussite pour l’ensemble des élèves (pente générale négative de –0,2).

Ces données tendent à confirmer l’hypothèse voulant que plus le temps s’écoule entre le moment où un élève complète le cours 601-103-04 et le moment où il passe l’épreuve uniforme de français, plus l’éventualité d’échouer à l’épreuve augmente ; cependant, l’hypothèse s’avère uniquement pour les cinq sessions qui suivent sa dernière inscription au cours. En effet, à partir de la cinquième session « supplémentaire à la normale », le taux de réussite connaît une hausse pour ensuite redescendre à son niveau le plus bas. L’examen des données selon la force des élèves permet de mieux comprendre ce qui se passe exactement.

La force des élèves

Deux types de données ont été prises en considération pour examiner les taux de réussite en fonction de ce paramètre :

  • les résultats obtenus à l’épreuve de français du MELS de cinquième secondaire, examen similaire à celui de l’épreuve uniforme (la note de 86 % constituant le seuil à partir duquel un élève est considéré comme fort) ;
  • les résultats obtenus au cours 601-103-04, cours que l’élève doit être en voie de réussir pour passer l’épreuve (la note de 81 % constituant le seuil à partir duquel un élève est considéré comme fort).

Les statistiques confirment ce que nous suggère le gros bon sens, à savoir que les élèves forts réussissent mieux que les élèves faibles, même quand ils tardent à se soumettre à l’épreuve uniforme de français du collégial. Les mêmes statistiques font ressortir que l’hypothèse de départ s’avère pour les quatre ou cinq sessions qui suivent la dernière inscription au cours 601-103-04, mais pas au-delà. La figure II illustre l’écart entre les élèves forts et les élèves faibles et l’évolution de leurs taux de réussite respectifs.

On peut dire aussi que l’hypothèse est encore plus vraie pour les élèves faibles que pour les autres à cause des taux de réussite plus élevés chez les forts et les moyens, d’autant plus que la pente négative générale des élèves faibles est plus accentuée que celle des élèves forts (–0,2 pour les faibles contre –0,05 pour les forts). On constate aussi que les élèves forts finissent par retrouver un taux de réussite comparable au taux habituellement observé pour l’ensemble des épreuves passées par tous les élèves (y compris ceux qui ont passé l’épreuve immédiatement après le cours 601-103-04).

Il faut prendre note que la remontée du taux de réussite à partir des sessions « supplémentaires à la normale » survient à peu près un an et demi après la dernière inscription au cours 601-103-04 (session +4 pour les élèves faibles, +5 pour les élèves forts et +6 pour les élèves moyens). Tout se passe comme si les élèves du secteur préuniversitaire ayant terminé leurs études collégiales ou les élèves du secteur technique en voie de les terminer décidaient de se reprendre en main afin d’obtenir le diplôme dont ils ont besoin pour poursuivre leurs études ou entrer sur le marché du travail. On peut supposer que, sous l’impulsion de cette motivation externe, ils vont chercher de l’aide et règlent les problèmes qui les faisaient échouer.

Cette remontée oblige donc à nuancer l’hypothèse de départ. En fait, elle se vérifie pour les quatre ou cinq sessions qui suivent la dernière inscription au cours 601-103-04. Après cette période, elle tend à s’infirmer pour tous les élèves, bien qu’un nouveau fléchissement se constate chez les élèves faibles et moyens à partir de la septième session, comme s’ils s’étaient découragés ou se sentaient « condamnés » à ne jamais réussir l’épreuve. Cela peut être vu comme un indice de la motivation qu’on peut naturellement présumer moindre chez les élèves qui échouent à répétition.

Par ailleurs, les résultats obtenus au cours 601-103-04 reflètent une réalité similaire : le nombre d’élèves forts concernés par l’hypothèse est nettement inférieur au nombre d’élèves faibles et le taux de réussite connaît un redressement plus marqué pour les élèves forts à partir de la cinquième session « supplémentaire à la normale ». Dans la représentation graphique (figure III), à l’exception de la session 8+ (où le nombre d’élèves forts est très faible : 20 cas), on obtient des tendances très similaires à celles constatées lorsqu’on observe le taux de réussite en fonction de la force des élèves à l’examen de cinquième secondaire.

Le taux de réussite est plus élevé chez les élèves forts que chez les élèves moyens, qui connaissent un meilleur taux de réussite que les élèves faibles. La pente générale négative est moins prononcée pour les élèves forts que pour les autres (–0,02 si on exclut la session 8+, peu significative pour les élèves forts, contre –0,14 pour les élèves moyens et –0,17 pour les élèves forts), indiquant par là une décroissance moins prononcée du taux de réussite.

Comme on l’a constaté en adoptant le point de vue de la force des élèves avant leur entrée au collège, on voit que les élèves forts au cours 601-103-04 sont beaucoup moins affectés que les autres par le décalage entre le moment de passer l’épreuve et celui de suivre le cours. Par ailleurs, l’évolution en dents de scie du taux de réussite des élèves moyens après la cinquième session, combinée à la remontée de ce taux chez les élèves forts comme chez les élèves faibles après cette même session, rend pour le moins discutable le lien entre le cours 601-103-04 et l’épreuve uniforme de français.

La variable « sexe des élèves »

Pour les élèves concernés par l’hypothèse, la répartition du taux de réussite en fonction du sexe ne nous apprend rien de nouveau : les femmes sont plus fortes que les hommes. Par contre, l’évolution dans le temps du taux de réussite des femmes est similaire à celle des hommes, qui suit une courbe presque asymptotique. On note un redressement du taux de réussite après la cinquième session « supplémentaire », redressement nettement plus marqué chez les femmes. C’est là un autre indice de la variabilité de la motivation, qui serait moindre chez les hommes que chez les femmes. La tendance déjà constatée d’une remontée à partir de la sixième session se confirme de façon plus marquée chez les femmes. Autrement dit, les femmes contribuent plus que les hommes à la remontée du taux de réussite constatée précédemment au-delà de la cinquième session (figure IV).

Par ailleurs, le taux de réussite des femmes présente une pente de –0,22 qui se rapproche de celle des hommes (–0,18) ; la décroissance du taux de réussite est donc à peu près équivalente. On en déduit que le sexe constitue une variable peu significative de la décroissance du taux de réussite.

Le secteur d’études des élèves

Ce qu’on a relevé au sujet de la force des élèves se vérifie également, dans une certaine mesure, au sujet du secteur d’études. La représentation graphique de ces données (figure V) montre en effet une tendance similaire à celle constatée lors de l’examen de la force des élèves (voir les figures II et III).

L’hypothèse se vérifie encore pour les cinq sessions qui suivent la dernière inscription au cours 601-103-04, mais cette fois surtout pour les élèves du secteur technique, qui sont d’ailleurs deux fois, sinon trois fois plus nombreux chaque session à être impliqués dans un décalage entre le cours 601-103-04 et l’épreuve. Chez les élèves du secteur préuniversitaire, de légers redressements se constatent aux sessions +3, +5 et +7. On peut donc dire que les élèves du secteur technique contribuent plus que les élèves du secteur préuniversitaire à la hausse déjà constatée au-delà de la cinquième session ; les élèves du secteur préuniversitaire, eux, « atténuent » la baisse générale constatée entre les sessions +2 et +5 en effectuant des redressements quasi cycliques inconnus des élèves du secteur technique. Ces redressements, qui surviennent un an ou un an et demi après le cours, coïncident avec le moment d’achever les études en vue de l’obtention du DEC ou, dans les cas d’admission conditionnelle, avec le moment d’obtenir une admission définitive dans un programme universitaire. De même, on peut dire, mutatis mutandis, que le redressement constaté à la session +6 chez les élèves du secteur technique coïncide avec leur entrée sur le marché du travail. Ainsi, l’obtention du diplôme devient un facteur de motivation externe très fort qui relativise le lien entre le cours 601-103-04 et l’épreuve.

Conclusions

L’hypothèse selon laquelle plus le temps s’écoule entre le moment où un élève complète le cours 601-103-04 et le moment où il passe l’épreuve uniforme de français, plus l’éventualité d’échouer à l’épreuve augmente est partiellement vraie, puisque le phénomène de la croissance des échecs est limité dans le temps : cette croissance cesse à partir de la sixième session suivant la dernière inscription au cours 601-103-04, pour faire place à une remontée du taux de réussite.

L’hypothèse se vérifie toujours partiellement pour les cinq sessions suivant la dernière inscription au cours 601-103-04, et de façon nettement plus marquée chez les élèves faibles que chez les autres. Autrement dit, les élèves plus faibles échouent davantage que les autres quand ils passent l’épreuve « tardivement » par rapport à la normale, et ce, jusqu’à la quatrième session. À compter de ce moment, un redressement s’opère pendant deux autres sessions, mais jamais aussi fortement que pour les élèves forts qui, à partir de la cinquième session, réussissent aussi bien que ceux qui ont fait l’épreuve dans la même session que leur cours 601-103-04.

On peut établir un constat similaire pour les élèves du secteur technique par rapport à ceux du secteur préuniversitaire : ils échouent davantage. Mais, comme pour les autres, un redressement s’opère à partir de la cinquième session qui suit la dernière inscription au cours 601-103-04, soit vers la fin de leurs études. Comme pour les élèves faibles, ce redressement est limité et ne dure pas. Il apparaît clair que ce n’est pas une bonne idée pour eux de reporter dans la troisième année de leurs études la passation de l’épreuve, pratique plus ou moins répandue dans certains programmes techniques.

La variable « sexe », pour sa part, ne joue pas de rôle déterminant dans la description du phénomène de la croissance des échecs selon l’écart entre le moment de passer l’épreuve et celui de suivre le cours 601-103-04, si ce n’est sur le plan de la motivation : les femmes connaissent une hausse de leur taux de réussite plus importante que les hommes à partir de la cinquième session qui suit la dernière inscription au cours 601-103-04. Elles contribuent de la sorte à redresser le taux de réussite constaté sur l’ensemble à partir de la cinquième session suivant la dernière inscription au cours 601-103-04.

La remontée du taux de réussite amorcée dès la quatrième session « supplémentaire » (pour les élèves faibles) ou la cinquième session « supplémentaire » (pour les élèves forts) relativise le lien à établir entre l’épreuve et le cours 601-103-04. En effet, comment expliquer qu’un redressement s’opère après un laps de temps relativement long (presque deux ans après la tenue du cours) ? Si l’éloignement du cours dans le temps donne l’impression d’expliquer intuitivement la hausse du taux d’échecs, le même éloignement peut-il devenir paradoxalement « bénéfique » sur une longue durée ?

Il faut plutôt regarder du côté de la motivation et de la force des élèves pour expliquer la croissance « temporaire » du taux d’échec : il y a et il y aura sans doute toujours des élèves trop faibles pour réussir l’épreuve. Ces statistiques montrent donc que les élèves faibles qui le peuvent doivent absolument prendre les moyens pour la réussir. Le redressement constaté après la cinquième session « supplémentaire » coïncide avec la fin des études collégiales pour les élèves du secteur technique et avec l’admission définitive à l’université pour les élèves du secteur préuniversitaire. L’obtention du diplôme devient importante au moment d’entrer sur le marché du travail pour les premiers, et elle devient une obligation pour les seconds après une ou deux sessions universitaires (admissions conditionnelles). C’est dire que nécessité finit par faire loi, à tout le moins finit par accroître la motivation, les élèves prenant sans doute les mesures nécessaires pour remédier à leurs faiblesses, notamment en langue écrite, cause principale des échecs. Le lien entre l’épreuve et le cours 601-103-04 devient alors moins patent dans la mesure où ces élèves ne refont pas une deuxième fois le cours 601-103-04, dont la matière est de toute façon bien lointaine et ne concerne pas que le français écrit.

* * *

  1. Il est utile de rappeler que les élèves du secteur technique prennent en moyenne un peu plus de sept sessions régulières pour terminer leurs études (ils les complètent donc dans la quatrième année, soit plus d’un an, si ce n’est pas deux dans certains cas, après le cours 601-103-04). Retour

Télécharger l'article au format PDF

UN TEXTE DE