Les dictionnaires de la langue française: de la Nouvelle-France au Québec contemporain
À la question de Marie-France Bazzo qui lui demandait, il y a quelques mois, quel était le livre qui avait été le plus important pour lui dans toute sa carrière, Bernard Pivot répondait : le dictionnaire. Parce que, je résume de mémoire ses propos, le dictionnaire contient en puissance tous les chefs-d’œuvre que j’ai pu lire, parce qu’il se compare au marché qui expose tous les aliments dont on peut tirer des plats extraordinaires.
Bernard Pivot a raison, peu d’ouvrages exercent autant d’attirance, à tout âge. On a déjà comparé sa force à celle de la Bible. Le dictionnaire nous dépasse, nous enveloppe, sans nous écraser. Il suffit de l’ouvrir pour s’y sentir bien. Jamais nous ne réussirons à en posséder tout le savoir, mais il nous offre celui-ci si généreusement, en nous le mâchant si bien, qu’on le referme toujours avec le sentiment d’être plus intelligent. Ce qui n’est pas rien.
Le 4 avril 2008 se tiendra la 3e Journée québécoise des dictionnaires. Les deux premières ont porté sur les Robert et sur les Larousse respectivement. Inspirées de la Journée des dictionnaires, qui se tient annuellement en France depuis 1994 sous la direction de mon collègue et ami Jean Pruvost, professeur à l’Université de Cergy-Pontoise, et nées de mon désir de faire partager ma passion à mes concitoyens, ces journées ont pour objectif de communiquer à des publics larges les principales avancées en matière dictionnairique. Pour la prochaine, nous profiterons du 400e anniversaire de la fondation de la ville de Québec pour nous pencher sur les ouvrages lexicographiques qui nous ont accompagnés au cours de ces quatre cents ans, de la Nouvelle-France à aujourd’hui. Comme pour les deux journées précédentes, il s’agira de faire se rencontrer le grand public intéressé par le sujet et les experts. Puisque c’est le grand public qui achète les dictionnaires – et le Québec en est un grand consommateur –, il doit exister des ponts entre ces ouvrages et ceux et celles qui consacrent parfois une vie entière à les élaborer. C’est le défi d’une journée comme celle que nous organisons : faire de cette rencontre une réussite.
Voilà une occasion en or pour les experts disposés à expliquer le plus simplement possible leurs recherches à un public désireux de les entendre. Une occasion en or pour le public de comprendre la personnalité propre des recueils de mots qu’il fréquente. Une occasion en or, enfin, pour les experts et le public de poser un œil critique sur le secteur lexicographique québécois. En somme, il s’agit de retirer au dictionnaire un peu de son caractère sacré et hypnotique pour le voir comme objet construit, sur lequel tout le monde est appelé à réfléchir. C’est d’ailleurs cette conviction qui m’a poussée à encourager la tenue d’activités dans la semaine qui précédera la 3e Journée. C’est ainsi qu’est née la Semaine des dictionnaires, qui se tiendra cette année du samedi 29 mars au vendredi 4 avril 2008. Des libraires, des enseignants en profiteront pour organiser de petites activités, soit ludiques, soit plus formelles, avec parfois, lorsque c’est possible, le concours de nos conférenciers ou de nos conférencières. Dans tous les cas, il s’agit d’apprivoiser cet ouvrage de référence par excellence. Comme pour tout objet d’étude aussi fondamental, les angles d’analyse sont infinis. Voilà pourquoi une seule journée ne suffit pas. Pour la société québécoise, comme pour toute autre société, nous pourrions dire : dis-moi quels dictionnaires tu hantes, je te dirai qui tu es. Car au bout de cette rencontre entre des experts et le grand public, les exposés, les critiques, les échanges d’idées, ce qui importe, c’est de mieux nous connaître comme collectivité francophone à travers cet extraordinaire miroir de notre langue.
La 3e Journée québécoise des dictionnaires abordera les grandes œuvres dictionnairiques depuis les débuts de la colonie jusqu’à maintenant. Quelles sont les grandes difficultés que les lexicographes ont éprouvées ? Que révèlent de notre identité les divers ouvrages lexicographiques élaborés ici ? Quel est finalement le statut de notre langue ? Que nous manque-t-il sur le plan lexicographique que les ouvrages actuels ne nous offrent pas ou nous offrent insuffisamment? Que valent les dictionnaires que nous donnons à nos enfants ?
À cette occasion, nous accueillerons des experts québécois et français amoureux de notre société et de sa langue. Leur exposé critique se voudra aussi un hommage à la langue française implantée en Amérique du Nord au début du 17 e siècle, avec l’arrivée des Acadiens et la fondation de Québec. En 2008, exceptionnellement, cette journée, qui est une activité de l’Université de Montréal, se tiendra – à tout seigneur tout honneur – dans la ville même de Québec, avec le concours de l’Université Laval, et viendra clore les activités de la Francofête.
Après tout, que nous entrions dans la ville de Québec ou dans un dictionnaire de langue française, les deux ont en commun de pouvoir nous livrer une part importante de notre identité. C’est donc un rendez-vous le vendredi 4 avril 2008, au Musée national des beaux-arts, à Québec.
Renseignements :
dictionnaires@ling.umontreal.ca
Site Web:
www.fas.umontreal.ca/dictionnaires
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