«Déguisez»-vous… à votre «guise»
Quel est le lien entre le mot guise (dans à ta guise, par exemple) et le verbe déguiser ? Le nom féminin guise (milieu XIe), qu’on trouve en français moderne uniquement dans les locutions à ma (ta, sa, votre) guise et en guise de, vient du germanique wisa « manière, façon ». Le mot, d’abord attesté sous la forme wise à la fin du Xe siècle, a connu une évolution phonétique du [w] initial en [g] : wise > guise. En français, guise conserve un lien avec le sens étymologique de « manière ». Ainsi, la locution en guise de (milieu XIe) signifie « en manière de » et la locution à ma (ta, sa…) guise (fin XIIe) veut dire « selon mon goût, à ta façon ».
C’est le même guise qu’on retrouve dans déguiser (soi desguiser, milieu XIIe), formé du préfixe de négation dé- et de guise « manière d’être » avec le suffixe verbal –er. Se déguiser, c’est, étymologiquement, « sortir de sa guise, de sa manière d’être ». Le mot est employé dans le sens de « vêtir quelqu’un pour le rendre méconnaissable » (en particulier pour les mascarades), puis, par extension, dans celui de « modifier pour tromper » (déguiser sa voix) ou de « dissimuler, cacher sous des apparences trompeuses » (déguiser les faits, la vérité). Déguisement (fin XIIe), seul dérivé de déguiser, désigne d’abord « l’action de déguiser » (sens devenu rare), puis « le costume qui sert à déguiser ».
De robe à dérober, sans dérobade
S’il existe un lien entre la robe, vêtement féminin, et l’action de dérober « voler », cela tient au fait que robe avait à l’origine un sens tout différent de celui qu’on lui donne aujourd’hui. Robe (XIIe) vient du germanique rauba, signifiant « butin ». En ancien français, le mot a le sens de « butin » et parfois de « vol, pillage », comme en témoigne l’ancien verbe rober « piller ». Mais, dès le XIIe siècle, le mot robe désigne aussi, par glissements de sens successifs, le vêtement dont on a dépouillé l’ennemi (le vêtement pris comme butin), puis un vêtement, tout simplement.
Même si le sens étymologique de robe « butin » s’est progressivement effacé, il s’est toutefois conservé dans le verbe dérober. Dérober (desrober, fin XIIe) est dérivé, par ajout du préfixe dé-, de l’ancien verbe rober[1] « piller », issu du francique raubôn. Dérober signifie d’abord « dépouiller, piller » – jusqu’au XVIe siècle –, puis acquiert le sens de « prendre furtivement », de « s’emparer avec adresse ». À partir du XVIe siècle, le mot développera d’autres sens contextuels, généralement en lien avec l’idée d’« enlever, soustraire » ou celle de « secret, cachette ». Ainsi, dérober signifie parfois « cacher, masquer, soustraire à la vue », en particulier lorsqu’il est utilisé, au participe passé, comme adjectif (une porte dérobée). La forme pronominale se dérober à signifie d’abord « éviter d’être vu ou pris, se cacher », puis, au sens figuré, « échapper à quelque chose, se soustraire, s’esquiver » (se dérober à ses obligations). On trouve les mêmes sens dans la locution à la dérobée (milieu XVIe), signifiant « en cachette, furtivement » (observer à la dérobée), et dans dérobade (de à la dérobade, fin XVIe), « échappatoire », tous deux dérivés de dérober.
Signalons enfin que le mot robe, après avoir connu une évolution sémantique de « butin » à « vêtement », a aussi pris d’autres sens par analogie avec celui de « vêtement », notamment le sens d’« enveloppe de certains fruits et légumes ». Le dérivé enrober a subi la même évolution. Enrober (de en et robe, XIIIe) signifie à l’origine « vêtir, fournir des vêtements ». Le verbe est repris, au XIXe siècle, dans le sens que l’on connaît de « recouvrir un produit d’une enveloppe qui protège ou garnit » (des bonbons enrobés de chocolat) et, plus tard, dans le sens figuré d’« envelopper un propos, une critique, de manière à l’adoucir ». Enrobage (XIXe) et enrobeuse (milieu XXe, « machine servant à enrober les bonbons ») sont des dérivés d’enrober.
Toupet et toupie : « c’est le top ! »
Toupet et toupie : voici deux mots arrivés au français par des chemins différents, mais venant chacun du mot germanique top, « sommet, pointe ».
Toupet (XIIe) est le diminutif de l’ancien français top (ou toup) signifiant « touffe de cheveux », mot issu du francique top. Toupet conserve bien sûr un lien avec l’idée de « sommet, pointe », puisqu’il désigne une touffe de cheveux relevée au sommet de la tête. Ce n’est qu’au début du XIXe siècle qu’apparaît le sens figuré d’« audace, effronterie » : il ne manque pas de toupet, celui-là ! Le mot toupie (topoie, début XIIIe), pour sa part, est issu de l’anglo-normand[2] topet, diminutif de l’anglais top « pointe, sommet », rattaché, comme l’ancien français top ou toup, au francique top. L’anglo-normand topet, qui allait aboutir à toupie, garde le sens étymologique de top, le mot désignant déjà un jouet en forme de poire que l’on fait tourner sur sa pointe.
Quant au mot anglais top, issu comme l’ancien français top (toup) du francique top, il a été réemprunté à l’anglais au cours des années 1960-1970 dans le sens de « du plus haut niveau » ou de « ce qu’il y a de mieux » : top secret, top niveau, top-modèle, être au top. Bref, le top du top !
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