Faire court
TIC, MSN, RSS, HD, Web… Pourquoi faire long quand on peut faire court ? Les formes courtes ne sont pas l’apanage de l’informatique ou du cyberlangage. Le besoin d’écrire plus rapidement, associé parfois à un besoin d’espace, est bien antérieur aux technologies de l’information et de la communication. Le français possède en effet, depuis longtemps, différents procédés d’abrègement, chacun ayant des règles particulières, que l’on ignore parfois. Ces procédés sont l’abréviation, la siglaison et la troncation.
L’abréviation consiste à supprimer des lettres d’un mot en gardant minimalement la lettre initiale. On supprime habituellement les dernières lettres du mot en coupant après une consonne et avant une voyelle ; un point termine l’abréviation ; par exemple : p. pour page, dir. pour directeur, adj. pour adjectif. Certaines abréviations résultent de la suppression de lettres intermédiaires ; aucun point n’apparaît alors après la lettre finale, comme dans st (saint) et dans Mme ou Mme (Madame). Enfin, certaines abréviations figées ne retiennent que quelques consonnes du mot ; on a ainsi qqn pour quelqu’un, cf. pour confer. Les abréviations, sauf celles qui contiennent la dernière lettre du mot, ne prennent pas la marque du pluriel : des adj. mais Mmes ou Mmes (Mesdames). Soulignons finalement que les lettres majuscules accentuées conservent leur accent dans les abréviations ; ainsi Île-du-Prince-Édouard s’abrégera en Î.-P.-É.
Les symboles des unités de mesure constituent des cas particuliers d’abréviations ; ils ne prennent en effet jamais de point abréviatif, ni la marque du pluriel, et ils peuvent combiner des minuscules et des majuscules ; par exemple : 15 cm (centimètre), 200 hPa (hectopascal), 46 MJ (mégajoule).
La siglaison est le procédé d’abrègement qui consiste à retenir la première lettre des mots d’une désignation complexe pour en faire une seule unité lexicale : VIH (virus de l’immunodéficience humaine) et ONG (organisation non gouvernementale). L’économie en temps et en espace est ici patente. Les mots formés par siglaison, c’est-à-dire les sigles, peuvent se prononcer alphabétiquement, lettre par lettre, comme dans les exemples précédents. Mais certains se prononcent par syllabe – on parle alors d’acronymes – comme n’importe quel mot français ; par exemple : CHUQ (Centre hospitalier universitaire de Québec), SAAQ (Société de l’assurance automobile du Québec) et CEFRIO (Centre francophone d’informatisation des organisations).Ce dernier exemple illustre le fait que certains acronymes sont formés avec plus d’une lettre de certains des mots. Par ailleurs, les acronymes et les sigles ne prennent pas d’accent ; on écrira ainsi : ALENA (Accord de libre-échange nord-américain), REER (Régime enregistré d’épargne- retraite) et PEPS (Pavillon de l’éducation physique et des sports). La raison qui explique cette convention est que les sigles et les acronymes sont des unités en soi, autonomes par rapport aux mots dont ils proviennent. Le maintien de l’accent du mot de départ entraînerait souvent des prononciations non conformes à la prononciation française ; ainsi, avec les graphies *REÉR et *PÉPS, le É suggérerait la prononciation d’un é, inexistante en français (standard) en syllabe fermée, c’est-à-dire devant une consonne qui ferme la syllabe. Par ailleurs, on recommande maintenant d’écrire les sigles et les acronymes sans point abréviatif pour des raisons de simplicité et d’uniformité. Grammaticalement, les sigles et les acronymes ont le genre du premier mot dont ils sont issus (genre visible dans le déterminant) et ils ne prennent pas la marque du pluriel ; on aura ainsi une ONG, des REER.
La siglaison est un procédé de formation extrêmement fréquent en français moderne. Et le français étant une langue bien vivante, certains sigles et acronymes donnent naissance à d’autres mots, par dérivation : CEGEP > cégep > cégépien ; BD > bédé > bédéiste. Un sigle devenu nom commun adoptera les règles d’écriture habituelles quant à l’accentuation, au genre et au nombre, et à l’emploi des minuscules. Rappelons enfin que l’emploi d’un sigle demande que l’on en donne la signification à sa première occurrence dans le texte.
Finalement, la troncation consiste à retrancher les syllabes finales d’un mot – on parle alors d’apocope ; par exemple : maths (mathématiques), déco (décoration), ciné (cinéma), labo (laboratoire) ; ou plus rarement en retranchant les syllabes initiales du mot, par aphérèse, comme dans bus (autobus). Aux mots tronqués par apocope s’ajoute parfois un –o final, absent du mot d’origine, auquel on associe ou non une nuance péjorative ; par exemple : intello (intellectuel), proprio (propriétaire), sado (sadique). Ces mots, qui relèvent pour la plupart d’un registre plus familier, prendront la marque du pluriel au besoin : les intellos, des proprios, etc.
Dans un monde où tout va si vite, le recours à des formes abrégées est dans l’ordre des choses. Il suffit de s’en servir à bon escient. Car on peut faire court et bien faire.
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