La petite histoire du secteur de l’amélioration du français du CCDMD
Q – Comment est né le CCDMD, et plus spécialement le secteur de l’Amélioration du français, connu depuis le début sous l’appellation « programme de français » ?
R – Avant la création du CCDMD en 1993, la Direction générale de l’enseignement collégial (DGEC) du ministère de l’Éducation comportait une division appelée Service de développement de matériel didactique. La mission de ce dernier était d’apporter un soutien pédagogique, technique et financier aux enseignants du réseau collégial qui voulaient produire du matériel imprimé ou informatisé de qualité pour leurs élèves. Suzanne Beauchemin (à l’époque au cégep Saint-Jean-sur-Richelieu, aujourd’hui au cégep du Vieux Montréal) et moi (collège de Maisonneuve) y travaillions à titre de « professeurs prêtés », Suzanne au sein du secteur informatique et moi, de celui de l’imprimé.
Peu après notre embauche, le ministre de l’Éducation d’alors, Claude Ryan, a publié le Plan d’action pour la promotion et l’amélioration du français dans les établissements d’enseignement collégial. Le Ministère, d’une part, convenait d’allouer à chaque collège un montant substantiel pour la mise en place et le fonctionnement de centres d’aide en français (CAF) et, d’autre part, demandait au Service de développement de matériel didactique d’encadrer la mise au point de matériel adapté à cette nouvelle réalité pédagogique : l’assistance individualisée. Comme Suzanne Beauchemin et moi étions tous deux professeurs de français, on nous a confié le mandat de mettre en branle ce nouveau « programme de français » en nous inspirant des méthodes de travail de nos secteurs respectifs : appel de projets, consultation des pairs, collaboration avec des spécialistes de l’édition ou de la programmation.
Dès le départ, nous avons axé notre travail sur l’analyse des besoins qui justifiaient l’existence de ce programme : ceux des enseignants impliqués dans une nouvelle structure physique (les CAF), pédagogique (le tutorat) et disciplinaire (la remédiation en français écrit). Les échanges d’idées répétés avec ces personnes ont en quelque sorte modélisé toutes nos actions. Encore aujourd’hui, ces contacts étroits avec les premiers intervenants sont la clé de voûte du succès du « programme de français » du CCDMD.
En 1993, à la suite d’une importante restructuration à la DGEC, la gestion du Service de développement de matériel didactique a été confiée au collège de Maisonneuve. Le CCDMD venait de naître. Peu de temps après, Suzanne Beauchemin est retournée à l’enseignement, et j’ai assumé seul la supervision du développement tant du matériel imprimé que du matériel informatisé.
Q – Parlons plus particulièrement du site de l’Amélioration du français. Êtes-vous satisfait de sa popularité et de son rayonnement ? Et comment expliquez-vous ce succès ?
R – Il est vrai que ce succès est impressionnant. Imaginez : chaque mois, un site à caractère pédagogique qui enregistre plus de 1,5 million de visites ! Je pense qu’on peut affirmer hors de tout doute qu’il répond aux besoins de ses utilisateurs. C’est là la principale raison de son succès, mais ce n’est pas la seule. Le site est « collé » à la réalité de ses premiers destinataires, c’est-à-dire les enseignants et les tuteurs des CAF désireux de venir en aide aux élèves du collégial qui éprouvent des difficultés en français écrit. L’architecture du site, la terminologie, l’environnement général, tout renvoie le plus possible au quotidien de ces utilisateurs. Rien de surprenant d’ailleurs à ce qu’il en soit ainsi : la plupart des documents offerts sur le site ont été rédigés soit par des enseignants du réseau collégial, soit par des spécialistes de la pédagogie et de la didactique du français. On ne soulignera d’ailleurs jamais assez l’importance de la contribution des quelque 60 auteurs qui ont nourri le site au fil des ans.
D’autres facteurs expliquent aussi la popularité du site. Les visiteurs trouvent gratuitement, à une même adresse, une quantité impressionnante de documents de qualité, variés et constamment mis à jour (plus de 1 200 fichiers, en plus du Répertoire Web – Amélioration du français, des numéros de Correspondance, de l’Index des ressources, etc.). De plus, les contenus étant « granularisés », pour employer un mot à la mode il n’y a pas si longtemps, les enseignants se sentent toujours libres de choisir les documents (théorie, exercices, diagnostics, jeux, etc.) qui correspondent le mieux à leurs propres choix pédagogiques et aux connaissances préalables de leurs élèves.
Enfin, il importe de mentionner que, dès le départ, nous avons opté pour des technologies simples, efficaces, fiables et « universelles ». Nous croyons, encore aujourd’hui, que ce choix était le bon. Nous avons aussi privilégié une navigation transparente et « progressive » : plutôt que de tout montrer, nous offrons des outils qui livrent petit à petit leur contenu (à titre d’exemple, le jeu pédagogique Synotetris, qui consiste à regrouper des mots par séries synonymiques, ne contient « que » 12 modules, mais ceux-ci « cachent » en fait 1440 mots !). Je tiens à mentionner ici l’extraordinaire collaboration des « travailleurs de l’ombre », c’est-à-dire les concepteurs du matériel interactif et les programmeurs du site.
Q – Quels souhaits aimeriez-vous formuler quant à la préservation et au développement de cet héritage ?
R – Je voudrais d’abord préciser que cet « héritage » n’est pas limité au seul site Internet. Le bulletin Correspondance, qui existe depuis maintenant 15 ans, et les journées Intercaf, ces rencontres annuelles (occasionnellement bisannuelles) des responsables de CAF, dont on tiendra bientôt la 25e édition, constituent également des éléments clés du « programme de français ». La dynamique générée par ces trois volets, site-bulletin-Intercaf, fait en sorte que le CCDMD offre au réseau collégial un point de convergence incontournable, un lieu unique où les enseignants de français du collégial peuvent à la fois se perfectionner, partager leurs expériences et trouver des documents de qualité adaptés à leur réalité pédagogique.
Pour répondre plus précisément à votre question, je crois fermement que la réussite passe par le maintien de contacts constants avec les premiers intervenants en remédiation : les enseignants et les tuteurs. Tant que le dialogue se maintiendra entre le CCDMD et la base – et je pense que les rencontres Intercaf sont le meilleur moyen d’y arriver –, je n’ai aucune inquiétude pour l’avenir. Pour cela, il faut que les enseignants continuent de s’engager à toutes les étapes du processus de développement des documents produits par le Centre (consultation, rédaction, validation, etc.).
On entend de plus en plus que « l’amélioration du français est l’affaire de tous, pas seulement des profs de français ». Concrètement, cela signifie que le CCDMD devra produire rapidement du matériel pour venir en aide aux enseignants et aux élèves des disciplines autres que le français. Voilà le prochain défi. Là encore, plus que jamais, il faudra consulter le milieu, préciser les besoins, élaborer de nouvelles stratégies et… développer des outils didactiques efficaces, utilisables immédiatement et facilement par ces nouveaux destinataires. C’est aux utilisateurs qu’il faut penser, pas aux développeurs. Je le dis souvent et je le répète : la technologie, oui, mais au service de la pédagogie (et non l’inverse).
Mon dernier souhait concerne en fait tous les intervenants du réseau, quelle que soit leur fonction : qu’ils poursuivent, voire accentuent l’effort de mise en commun des ressources et des expertises, plus particulièrement dans le développement de contenus adaptés à l’ensemble du réseau collégial.
Quelques repères chronologiques
1988 | Premier Intercaf (collège Édouard-Monpetit) Proposition du Conseil des collèges de hausser le taux de scolarisation des élèves du réseau collégial |
1989 | Plan d’action pour la promotion et l’amélioration du français dans les établissements d’enseignement collégial (Claude Ryan) Création du « programme de français » au Service de développement de matériel didactique du ministère de l’Éducation du Québec (MEQ) |
1990 | Premier appel de projets du « programme de français » Création d’un premier cours de « français correctif » au collégial |
1991 | Large consultation menée par le « programme de français » : quel modèle de matériel didactique les responsables de CAF souhaitent-ils utiliser ? Première publication du « programme de français » : le PIFEN – Parcours individualisé en français normatif (650 pages) |
1992 | Premier Intercaf en collaboration avec le « programme de français » (cégep de Baie-Comeau) |
1993 | Réforme des cours de français Le MEQ confie au collège de Maisonneuve l’administration du Service de développement de matériel didactique : création du CCDMD |
1994 | Le « programme de français » a cinq ans ! Implantation des cours de mise à niveau au collégial |
1995 | Fin de la subvention directe aux CAF Création de Correspondance |
1996 | Instauration de l’épreuve uniforme de français |
1998 | Création du site Internet du CCDMD Obligation de réussir l’épreuve uniforme de français pour l’obtention du DEC |
2001 | États généraux sur la situation et l’avenir de la langue française au Québec « Avènement » de la « nouvelle grammaire » au collégial |
2003 | Obtention par le CCDMD du prix Mérites du français au travail, qui récompense la promotion d’une langue de qualité (OQLF) |
2004 | Obtention par le CCDMD du prix Mérites du français dans les technologies de l’information (OQLF) |
2006 | Obtention par le CCDMD du prix Octas, dans la catégorie « Jeux interactifs et ludo-éducatifs », « Coup de cœur du jury » |
2010 | Le secteur de l’Amélioration du français fête ses 20 ans ! L’Intercaf en est à sa 25e édition. Correspondance a 15 ans ! |
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