Réécriture et compétences langagières
Le présent article pose les principales orientations d’une étude sur la réécriture au collégial, effectuée dans le cadre d’une recherche subventionnée par le Programme d’aide à la recherche et à l’apprentissage (PAREA). Cette étude a été réalisée au Collège Mérici entre 2007 et 2010.
Pertinence de l’étude
La compétence en français des élèves québécois n’en finit plus de faire la manchette dans la sphère éducative. Au Québec, dans les cours de mise à niveau collégiaux et les centres d’aide en français, on ne chôme pas. Les compétences lacunaires des élèves entrant au cégep et leurs difficultés à déceler leurs faiblesses sur le plan linguistique sont source de préoccupation : il apparaît que le travail de réflexion inhérent à l’apprentissage de l’écriture pose problème chez les plus faibles des élèves du collégial. Au cœur même de cet apprentissage s’inscrit la réécriture.
Fondements théoriques
Soumis à un processus de rédactions répétées, qui est l’apanage de la plupart des cours de français au collégial, les élèves les plus faibles ne profitent pas toujours de la réécriture pour s’améliorer. Plusieurs chercheurs, depuis Oriol-Boyer, ont pourtant souligné l’importance de cette pratique : « Réécrire, c’est en effet être capable de détecter des erreurs, de les expliciter, puis d’élaborer des stratégies pour les éliminer ou les exploiter. » (1990, p. 38). Reuter (1996), pour sa part, montre que la réécriture est essentielle à la démarche réflexive de l’apprentissage dans le travail d’écriture, et utile au point de permettre à l’élève de modifier sa propre perception de ce travail. Ultimement, c’est tout le rapport à l’écrit, la valeur que les élèves attribuent à cet objet de savoir, qui entre en jeu, comme l’ont avancé Barré-de-Miniac (1995 et 2000) et Bautier (2002).
Notre recherche
Nous avons soumis un groupe d’élèves du cours de mise à niveau à des réécritures systématiques de leurs textes, quatre fois sur deux sessions, et comparé ce groupe à un groupe témoin qui ne s’est pas livré à la réécriture. Les élèves du groupe expérimental ont ainsi eu l’occasion de reprendre une production initiale et de produire un texte amélioré. Par la suite, une dizaine des participants à la recherche nous ont accordé une entrevue portant sur leur travail de réécriture, et tous ont répondu à un questionnaire fermé. Nous avons voulu savoir comment les élèves avaient profité des commentaires de l’enseignant et quel traitement ils avaient fait de la correction. Plus précisément, nous nous sommes demandé quelle attention les élèves portaient respectivement aux aspects linguistiques (orthographe, syntaxe, ponctuation) et discursifs (lexique, pertinence du contenu, clarté des idées, cohérence textuelle).
Retombées
Notre recherche met notamment en évidence qu’un certain type d’élèves profite de la réécriture en réinvestissant dans les rédactions subséquentes, mais, singulièrement, davantage en ce qui a trait aux aspects microstructurels de la langue, ceux qui ne dépassent pas le mot et le syntagme. Par contre, au-delà de cette dimension langagière, dès que des cas plus complexes entrent en jeu, notre expérience de réécriture montre que les élèves les plus faibles donnent peu de sens au fait de réécrire leur texte – comme si, pour eux, l’explicitation d’une idée, le choix des mots ou une piste d’analyse ne méritaient pas d’être retravaillés. Ainsi notre recherche permettra-t-elle de circonscrire, pour les enseignants tentés par cette expérience, des contextes de réécriture adaptés à des élèves aux besoins toujours criants.
Références
BARRÉ-DE-MINIAC, Christine (1995). « La didactique de l’écriture : nouveaux éclairages pluri-disciplinaires et état de la recherche », Revue française de pédagogie, no 113, p. 93-133.
BARRÉ-DE-MINIAC, Christine (2000). Le rapport à l’écriture. Aspects théoriques et didactiques, Villeneuve d’ASCQ, Presses universitaires du Septentrion.
BAUTIER, Élisabeth (2002). « Du rapport au langage : question d’apprentissages différenciés ou de didactique ? », Pratiques, no 113-114, p. 41-54.
ORIOL-BOYER, Claudette (1990). La réécriture, Grenoble, CEDITEL.
REUTER, Yves (1996). Enseigner et apprendre à écrire, Paris, ESF Éditeur.
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