Heureux d’un printemps
Vous avez bien lu. C’est effectivement le titre d’une vieille chanson de Paul Piché évoquant la neige et le beau temps qui coiffe le présent numéro. Mettez ce choix éditorial d’une originalité douteuse sur le compte d’une plantureuse bordée qui s’est invitée au moment où je rédigeais cette présentation. J’ai songé en soupirant que notre dernière parution de l’année 2013-2014 verrait peut-être le jour sous les bourgeons. J’ai pris acte du fait que j’étais en train de parler du présent au passé. Que ce décalage était une manière comme une autre de fuir un 13 mars encombré de neige. Puis – plus sérieusement –, j’ai pensé que l’occasion serait belle, en cette fin d’année scolaire, de rendre hommage aux auteurs qui contribuent depuis bientôt 20 ans à l’enrichissement et au succès de Correspondance. C’est véritablement dans un esprit de solidarité que ces personnes acceptent d’ajouter une nouvelle tâche à un agenda déjà bien rempli pour partager récits de pratiques, résultats de recherches, pistes de réflexions et points de vue critiques, parfois même – comme ce fut le cas pour les auteurs du présent numéro – en dépit de la morosité hivernale qui s’acharne. Grand merci à tous et à toutes. Et profitez pleinement des beaux jours qui s’annoncent.
TOUS POUR UN Les enseignants rompus aux assemblées départementales savent combien il est difficile de s’entendre collectivement sur des points délicats. Au cégep de Sherbrooke, les membres du Département de français se sont attaqués à la tâche titanesque d’adopter une méthode unique d’évaluation de la langue, puis de produire un guide encadrant la correction. Une entreprise couronnée de succès… après trois années de travail! Faisant écho à un atelier qu’ils ont animé au dernier congrès de l’AQPF, Guillaume Lachapelle et Julie Pelletier relatent ici les étapes qui ont mené à l’adoption de ces mesures. Le Guide des modalités d’évaluation du français écrit dans les cours de français, langue d’enseignement et littérature, qui est l’aboutissement de ce long processus, sera mis à la disposition des collègues du réseau collégial qui en formuleront la demande.
PROMOUVOIR LA LECTURE Julie Babin est doctorante en didactique de la lecture; Olivier Dezutter, professeur à l’Université de Sherbrooke. Tous deux sont membres du Collectif de recherche sur la continuité des apprentissages en lecture et en écriture (collectif CLÉ). Ils rendent compte ici d’une recherche portant sur l’accompagnement de la lecture d’œuvres littéraires dans les cours de la formation générale. Leur état des lieux s’articule autour des pratiques observées par des enseignants pendant les trois moments clés où les élèves s’approprient les textes : la préparation, la lecture proprement dite et le retour sur la lecture. Le regard qu’ils posent sur leurs données ouvre la voie à de très intéressantes réflexions.
« Un passager dans un autobus bondé se plaint d’être bousculé… Plus tard, le même individu est aperçu à la gare Saint-Lazare en train de discuter avec un ami… » Cette petite histoire, que Raymond Queneau raconte de 99 manières différentes dans ses Exercices de style, a fait l’objet d’une savoureuse communication, par Justine Desmeules, au Symposium pour les enseignants de français au collégial lors du dernier congrès de l’AQPF. Reprenant ici l’essentiel de sa présentation, l’enseignante du cégep de l’Outaouais livre quelques impressions sur sa première expérience en classe de Renforcement, expérience qui lui a donné l’occasion d’explorer les nombreuses possibilités des 99 variations. Le défi qu’elle s’était lancé consistait à dédramatiser la littérature et le travail sur la langue en proposant à ses classes d’y entrer par la voie de la lecture publique – et de l’humour. Une expérience unanimement appréciée des élèves.
POSTURES ÉNONCIATIVES Avec quelque 35 articles à son actif, Julie Roberge (cégep Marie-Victorin) est non seulement une fidèle collaboratrice, mais aussi une auteure qu’on lit avec un plaisir chaque fois renouvelé. Pour sa dernière recension de l’année, elle s’est plongée dans les Légendes pédagogiques de Normand Baillargeon, un essai qui revisite certains courants de pensée dominants en pédagogie. On réalise au fil du compte rendu combien l’attitude que l’énonciateur – N. Baillargeon, en l’occurrence – adopte à l’égard de son sujet et de ses lecteurs peut affecter la portée du message.
Enfin, Suzanne-G. Chartrand (Université Laval) et Lahcen Elghazi (Université Laval, UQAM) signent dans ce numéro un article en deux volets sur l’argumentation. Le premier propose une définition de l’acte d’argumenter et détaille les composantes d’un texte argumentatif. Le second pose les principes de l’efficacité argumentative, en adoptant notamment un point de vue historique sur ce concept. Les auteurs insistent sur le fait qu’argumenter efficacement, c’est mettre en œuvre tous les moyens dont on dispose afin de susciter l’adhésion de l’interlocuteur.
SUR UNE NOTE PERSONNELLE Je me permets de clore cette présentation comme je l’ai commencée, c’est-à-dire au je, cette fois pour annoncer que ce numéro est « mon petit dernier » à titre de directrice éditoriale. Isabelle Dufour, du CCDMD, prendra la direction du 20e volume. Nul doute que notre brillante collègue assurera une relève experte et dynamique! Et de même qu’en introduction j’ai rendu hommage à nos auteurs, j’aimerais en terminant saluer trois admirables collaborateurs dont le travail constitue un apport essentiel à la signature de Correspondance : Hélène Larue, réviseure linguistique, qui, depuis les tout débuts, pose un regard clairvoyant et rigoureux sur les textes – un regard portant bien au-delà de la correction orthographique; Daniel Raiche, talentueux graphiste qui donne forme, couleur et vie aux articles; enfin Dominique Fortier, qui, avec un doigté incomparable, réussit à maintenir une cohésion entre les demandes exprimées dans le réseau collégial, les projets développés au CCDMD et Correspondance. Vous me manquez déjà!
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