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Une approche plurilingue pour favoriser l’apprentissage du vocabulaire chez les cégépiens allophones

Des études récentes démontrent l’interdépendance des connaissances antérieures des apprenants bilingues et l’importance des liens linguistiques établis entre la langue maternelle (L1) et la langue seconde (L2) dans l’enseignement d’une L2. Cette approche remet en question la méthode traditionnelle d’enseignement des langues en vase clos (García et Li, 2014). Au Québec, le portrait des groupes d’étudiants et étudiantes se diversifie, caractérisé par la présence de plus en plus marquée d’élèves aux bagages culturels et linguistiques variés. Or, la recherche indique qu’il faut un minimum de cinq ans, chez les immigrants apprenant une L2 (de la maternelle à la fin du secondaire), pour atteindre le niveau scolaire de leurs pairs nés ici (Collier, 1987; Cummins, 1981, 2001). Devant ce constat, comment les enseignants peuvent-ils profiter du bagage multiculturel et plurilingue de ces étudiants pour favoriser tant l’apprentissage du français ou de l’anglais que l’intégration sociale de ces derniers?

Le présent article rend compte d’un projet de recherche-action collaboratif réunissant des professeures de français et d’anglais langue seconde au collégial dans le but d’explorer des pédagogies linguistiques efficaces pour mieux soutenir les étudiants d’origines culturelles et ethnolinguistiques diverses, et dont la langue maternelle n’est ni le français ni l’anglais (c’est-à-dire, allophones). Tout particulièrement, cet article souligne des stratégies transversales d’apprentissage du vocabulaire identifiées et employées par ces professeures et illustre de quelle manière ces stratégies promeuvent l’apprentissage du français et de l’anglais chez les étudiants allophones.

Plurilinguisme et approches plurilingues dans l’enseignement des langues

De plus en plus, la recherche récente, y compris des études en neurosciences  (Wu et Thierry, 2010) et des perspectives sociocognitives (Swain, 2006), montre des liens entre les ressources cognitives et linguistiques des personnes bilingues, liens qui remettent en question la conception traditionnelle selon laquelle le locuteur bilingue est considéré comme « deux personnes monolingues en une » (Grosjean, 2008) avec des compétences complètes, égales, mais séparées, dans les deux langues. Le plurilinguisme, dérivé d’une approche sociolinguistique de l’interculturalité et des pratiques langagières, et élaboré à l’origine en Europe, met l’accent sur une vision complexe des langues et de leurs interactions dynamiques, qui reconnait l’influence des langues entre elles (Coste, Moore, et Zarate, 1997; Piccardo, 2013).

Le plurilinguisme admet l’interdépendance et la complémentarité des différentes langues et des apprentissages ainsi que l’importance des ressources pluriculturelles et plurilingues des apprenants. Selon cette conception, pour favoriser l’apprentissage des langues, il est impératif de :

  1. Mobiliser plutôt que rejeter les connaissances et les ressources pluriculturelles et plurilingues des étudiants et étudiantes de façon à les amener à la construction de sens et de savoirs. (Castellotti et Moore, 2010)
  2. Promouvoir et établir les points de convergence et trouver les processus complexes d’intermaillage entre les langues. (Conseil de l’Europe, 2016)

La connaissance du vocabulaire est largement reconnue comme une clé assurant la réussite en lecture autant en L1 qu’en L2 (Proctor, Carlo, August et Snow, 2005). La recherche sur les transferts entre les langues indique que la conscience morphologique et l’identification de l’étymologie des mots peuvent favoriser le développement de la connaissance du vocabulaire en L2 et augmentent la compréhension en lecture. De plus, ces habiletés se transposent dans les autres langues. La conscience morphologique fait référence à l’habileté à réfléchir aux structures morphologiques, qu’elles soient des dérivations (ex. : le suffixe –tion dans « attention » devenant –tif dans « attentif ») ou des flexions liées aux accords (ex. : la marque du pluriel –s dans « voitures ») dans le but de comprendre le sens des mots et de déduire le sens de mots nouveaux. Au fur et à mesure de leur apprentissage, les étudiants développent la capacité à reconnaitre le radical des mots ainsi que les préfixes, les suffixes et les flexions (Carlisle, 2007; Deacon, Wade-Woolley, et Kirby, 2007).

La conscience étymologique, comme la conscience morphologique, joue un rôle déterminant dans l’apprentissage d’une L2 en contexte d’immersion ou de bilinguisme (Procto, Carlo, August et Snow, 2005).  Les mots apparentés partagent une étymologie commune; par conséquent, ils présentent une prononciation, une orthographe et un sens rapprochés (ex. : « espace » en français et « space » en anglais). La conscience étymologique est donc l’habileté à reconnaitre les relations étymologiques entre les mots de deux langues. Par exemple, les mots « hôte » et « host » sont des mots apparentés (vrais amis) alors que les mots « pile » en anglais et en français ne sont pas de vrais mots apparentés (faux amis) même s’ils partagent la même orthographe. 

Aussi, les études sur la conscience étymologique effectuées auprès d’apprenants hispanophones ayant l’anglais comme L2 montrent une plus grande réussite de leur part en lecture dans la langue cible (ex. : voir Ramírez, Chen et Pasquarella, 2013). De la même façon, la conscience étymologique en français et en anglais favorise l’amélioration du vocabulaire, tant pour les étudiants dont l’anglais est la langue maternelle que pour ceux qui en ont une autre  (ex. : voir  Hipfner-Boucher, Lam, Chen et Deacon, 2015).  Ensemble, les bénéfices des consciences morphologique et étymologique mettent en valeur l’importance de l’enseignement explicite des stratégies d’apprentissage du vocabulaire, qui améliore les transferts entre les langues. Ces échanges plus fréquents entre elles favorisent leur développement réciproque. 

Une communauté d’apprentissage professionnelle interdisciplinaire

Le projet de recherche que nous avons mené suivait la méthodologie de la recherche-action (Kemmis, 2001), laquelle ouvrait la voie à une collaboration durant un processus cyclique d’action, de réflexion et d’évaluation entre la chercheuse universitaire et des professeures au cégep. Ce processus facilite le codéveloppement et le raffinement de stratégies pédagogiques et l’appropriation de théories. Quatre professeures ont participé au projet, deux du Département de littérature et de communication et deux du Département des langues modernes du cégep de Sherbrooke. Ces départements offrent respectivement Pratique du français (maintenant Lire et écrire en français au cégep) et Renforcement en français, Anglais mise à niveau et Anglais de base, quatre cours surtout conçus pour aider les étudiants à atteindre un niveau de français ou d’anglais suffisant pour poursuivre leurs études avec succès. Le processus de collecte de données a duré quatre sessions.

Lors de la première session (hiver 2017), nous avons d’abord établi une communauté d’apprentissage professionnelle (CAP) (Lave et Wenger, 2005), qui a duré tout au long du projet, au sein de laquelle nous avons examiné les exigences de chaque cours pour identifier les convergences entre les devis ministériels de ces cours. La CAP nous a permis aussi d’étudier et de discuter des articles sur le plurilinguisme pour développer des stratégies d’enseignement communes qui pouvaient faciliter le développement réciproque des langues. De plus, la chercheuse principale a régulièrement effectué des visites dans les classes et a partagé des données d’observation pertinentes avec la CAP pour approfondir les discussions autour de l’introduction de l’enseignement et de l’apprentissage plurilingues. Dans chacun des quatre groupes, trois étudiants allophones d’origines linguistiques diverses ont été recrutés pour mener des études de cas. Des entrevues semi-structurées ont eu lieu au début et à la fin de la session et des travaux de ces étudiants ont été collectés pour documenter les études de cas. Les entrevues ont abordé les sujets suivants : les pratiques plurilingues des étudiants allophones, les défis dans l’apprentissage d’une L2, les stratégies à utiliser afin de s’améliorer ainsi que les opinions sur l’approche et le soutien des professeures. Les commentaires obtenus ont permis de développer et de parfaire les stratégies d’enseignement plurilingues.

Tableau 1
Croisement entre les stratégies d’enseignement du vocabulaire et les processus linguistiques à développer

Stratégies d’enseignement du vocabulaire

  • Enseignement explicite du vocabulaire ciblé;
  • Enseignement explicite des différents aspects du vocabulaire : classes de mots, collocations, utilisation en contexte, mots de même famille, prononciation, orthographe, etc.;
  • Enseignement explicite des stratégies d’apprentissage du vocabulaire : conscience morphologique (suffixes et préfixes), conscience étymologique (vrais amis et faux amis), sens contextuel et registres de langue, etc.

Développer la réflexivité sur les processus linguistiques

  • Réflexion métalinguistique et métaculturelle;
  • Auto-évaluation et évaluation par les pairs pour promouvoir la prise de conscience concernant les stratégies d’apprentissage du vocabulaire;
  • Prise de conscience des transferts possibles entre les langues et entre les disciplines. 

Enseignement explicite du vocabulaire ciblé

Développer le vocabulaire des étudiants et leurs stratégies d’apprentissage du vocabulaire a été le premier objectif des membres de la CAP. À chaque type de texte différent, qu’il soit audiovisuel ou imprimé, le vocabulaire clé est identifié selon ces trois catégories :

  • vocabulaire utile à la compréhension du contenu (content-worthy) – la signification des expressions qui sont utiles et nécessaires pour que les étudiants puissent effectuer chaque tâche d’apprentissage, comme écrire le résumé d’une histoire, analyser les thèmes d’un texte littéraire ou identifier les idées principales d’un article;
  • vocabulaire utile à la maitrise des stratégies (strategy-worthy) – les mots qui permettent aux professeures de bâtir, chez les étudiants, des stratégies d’apprentissage du vocabulaire, comme l’emploi de certains préfixes ou de suffixes, ou de mots de la même famille;
  • vocabulaire courant et spécifique à chaque discipline ou utilisé régulièrement (common in discipline-specific or everyday usage) – mots utilisés par les étudiants dans leur formation ou mots qu’ils entendent fréquemment dans les conversations quotidiennes. Cette approche a pour but d’enrichir leur banque de vocabulaire dans le cadre de leur formation scolaire, ce qui favorise leur intégration scolaire et, jusqu’à un certain point, leur intégration sociale.

Néanmoins, il est important de ne pas surcharger les étudiants d’un trop grand nombre de mots nouveaux à chaque leçon. Quand l’intégration du lexique est faite de manière constante tout au long de la session (régulièrement dans les leçons), l’enseignement explicite du vocabulaire aide les étudiants à développer des compétences métalinguistiques pour atteindre une plus grande compétence en littératie, une compétence transférable du français à l’anglais, mais également à d’autres disciplines. On constate également que les étudiants non seulement améliorent leur compréhension générale de la L2, mais aussi approfondissent la compréhension de leur langue maternelle.

Enseignement explicite de différents aspects du vocabulaire

Pour connaitre un mot, il faut maitriser ces compétences (Cameron, 2001, p. 77) :

  • décodage de l’oral (à quoi ressemblent les sons);
  • prononciation du mot;
  • conceptualisation (ce que le mot veut dire);
  • orthographe (l’épeler ou l’écrire);
  • accord (ex. : flexion nominale selon le genre ou le nombre);
  • utilisation en contexte (connotation et sens figuré des mots);
  • connaissance des collocations;
  • connaissances métalinguistiques (construction du mot, étymologie, etc.).

Ainsi, afin d’élargir le vocabulaire et les compétences pour mieux l’apprendre – peu importe le contexte dans lequel un mot est employé –, la famille de mots à laquelle il appartient devrait être soulignée. On précise les classes du mot, comme le nom, le verbe, l’adjectif, etc., de même que les antonymes et les synonymes, si possible. Voici un exemple de lexique que les professeures d’anglais et de français ont développé dans leur classe respective.

  • Build – building, builder;
  • Care – careful, carefully, careless, carelessly;
  • Bâtir – bâtiment, bâtisseur;
  • Empathie – empathique, apathie, apathique, sympathie, sympathique.

Enseignement explicite des stratégies d’apprentissage du vocabulaire – consciences morphologique et étymologique

Les professeures ont également encouragé les étudiants à prêter attention à la finale des mots en anglais et en français, ce qui sert à introduire l’enseignement explicite des affixes (préfixes et suffixes).

Par exemple, dans son cours Anglais de base, la professeure a mis l’accent sur le suffixe –er dans le mot « farmer » et a élargi dans le but d’inclure d’autres mots se terminant par –er pour indiquer la personne ou l’objet qui fait l’action exprimée par le radical du mot : « farm », « farmer »; « dream », « dreamer »; « staple », « stapler ». Elle a ensuite souligné l’équivalent dans la langue française « eur/euse » comme « chauffeur/ chauffeuse » ou « teur/trice » comme dans « acteur/actrice », etc. De la même manière, dans Pratique du français, la professeure a insisté sur la racine du mot « chemin » dans le mot « acheminer » et sur le préfixe « a- » du latin voulant dire la direction « vers », comme dans « apporter », « apercevoir ». Quand c’est possible, les professeures font appel à l’autre langue (le français ou l’anglais) pour établir une comparaison. Ainsi, dans leur cours d’anglais, les étudiants apprennent le mot « animation ». C’est l’occasion pour la professeure d’établir un lien avec un mot français avec lequel les étudiants sont familiers, tel « anime ». Cela permet aussi de le confronter aux faux amis (ex. : « animator » en anglais et « animateur » en français). Faire ressortir les affixes, les cooccurrences, les synonymes et les antonymes aide les étudiants à deviner le sens de base du mot dans un contexte précis même s’il leur est inconnu.

Développer la réflexivité dans les stratégies d’apprentissage du vocabulaire

Les étudiants sont aussi encouragés à tisser des liens avec leur langue maternelle dans le but de bâtir une connaissance métalinguistique et métaculturelle plus forte. Cette connaissance favorise de nouveaux transferts plurilingues et suscite, chez les locuteurs, une fierté dans chaque langue et dans chaque culture. Ainsi, afin de préparer les étudiants à lire la bande dessinée Automne rouge, de Côté et Vallerand, en Pratique du français, la professeure s’est intéressée aux onomatopées les plus communes apparaissant dans le texte, mais, en parallèle, elle a aussi  encouragé les étudiants à partager de quelle manière ces différents sons étaient exprimés dans leur propre langue. Voici quelques exemples proposés par les étudiants :

Tableau 2
Onomatopées dans différentes langues
 FrançaisMalinkéSwahiliEspagnolChinois
Un coup de tonnerreBoumm- boummBroûnGrouuboumRachau轟隆
Guan Long
La pluie qui tombePlic-plocWȃaChiki Chiki ChikiShnhh丁零当< 啷
Dīng Ling Dāng Lāng
Un téléphone qui sonneDring DringClȋNio Nio Li LoRin Rin鈴鈴
Ling Ling
Un chien qui aboieOuaf OuafN’wô N’wô Guau Guau汪汪
Wāng Wāng
Un chat qui miauleMiaou MiaouGnaoû GnaoûNyaouuMiau Miau喵喵
Miāo Miāo

Cet exercice a piqué la curiosité des étudiants. Chacun d’eux était fier de lire ces onomatopées dans sa langue, créant un intérêt pour les similarités et les différences phonologiques ainsi que pour les langues de leurs pairs.

Aussi, pour favoriser, chez les étudiants, une connexion entre les langues, la professeure, quand elle enseigne l’utilisation de la 3e personne du pluriel, « ils » et « elles », explique que l’usage fait en sorte que le pronom « ils », peu importe qu’il fasse référence à des prénoms masculins ou féminins, est utilisé, même si l’on a deux prénoms féminins et un seul prénom masculin. Elle a invité les étudiants à réfléchir à l’usage des pronoms dans leur propre culture. Or, chose intéressante, la même règle s’applique en espagnol, en malinké et en swahili. Cela a entraîné une discussion intéressante sur la culture patriarcale, dont l’influence se reflète dans l’usage du genre dans les langues.

Sachant que de nombreux étudiants immigrants viennent d’anciennes colonies françaises et parlent une variété de français, la professeure de Renforcement en français les a sensibilisés afin qu’ils soient conscients des variétés de sens d’un même mot dans deux cultures différentes (ex. : une brasserie au Québec et en France). Les étudiants réalisent alors que les mots sont liés à des pratiques culturelles différentes, à des contextes, à des croyances et à des valeurs. De même, c’est l’occasion de familiariser les étudiants avec les registres de langue alors que les préconceptions et les préjugés concernant les variantes et les registres de la langue française sont mis au jour, puis nuancés.

Commentaires des étudiants concernant les stratégies d’apprentissage du vocabulaire

Dans l’ensemble, les étudiants allophones participant au projet ont exprimé un point de vue positif sur l’enseignement explicite des stratégies d’apprentissage du vocabulaire. Ainsi, une étudiante invitée à commenter l’utilité de développer la conscience morphologique, par exemple dans les activités portant sur les affixes, a précisé :

« C’est sûr que ça m’aide. Pis, c’est la même structure en espagnol. C’est sûr que des fois, y a comme des verbes que c’est des noms, pis des noms que c’est des verbes […] Tsé, aller un peu plus loin que ce qu’elle nous dit. Elle pourrait juste dire happiness, pis le laisser comme ça, mais elle va plus loin que ça. »

Cette étudiante hispanophone a compris que l’anglais et l’espagnol partagent des principes morphologiques, suggérant que cette conscience morphologique plurilingue l’a aidée dans son apprentissage de l’anglais L2. Elle a aussi souligné l’effort de la professeure à consacrer du temps pour approfondir et étendre sa connaissance du mot « happiness » en mettant en évidence le radical « happy » et le suffixe « -ness », plutôt que de simplement présenter l’orthographe du mot.

Les étudiants ont particulièrement apprécié les efforts des professeures pour établir des liens entre leur langue maternelle et les langues cibles (français et anglais). Par exemple, une autre étudiante a perçu l’intérêt de sa professeure pour la langue maternelle des étudiants de la classe comme une valorisation de leur langue et d’eux-mêmes :

« Elle te comprend. Ça fait ce sentiment-là. […] Elle rend les personnes à l’aise avec ça. C’est sûr qu’il y a plusieurs langues, tout ça, mais elle fait comme elle est intriguée […] en disant “pis dans ta langue?”, ça c’est bon là. C’est génial. […] c’est ça, elle te valorise, elle fait pas juste “bien…   tu peux l’apprendre”, pis c’est toute. »

Une autre étudiante, dans ses commentaires, a aussi fait mention de l’activité sur les onomatopées dans les différentes langues :

« Ça rentre ça aussi avec ce qu’on vient de dire. Ça valorise les autres personnes, on est tous pas moins, on est tous pareils, […] ça nous rend tous au même niveau […] c’est pas juste dire “en français c’est comme ça, c’est comme ça”. »

L’étudiante interrogée a donc estimé qu’une telle approche plurilingue dans l’apprentissage du vocabulaire avait non seulement favorisé l’apprentissage de la langue cible, mais aussi valorisé les ressources plurilingues des étudiants, ce qui lui a permis de se sentir elle-même compétente, sur le même plan que ses camarades de classe (« on est tous pas moins, on est tous pareils »).

* * *

Dans son ensemble, l’enseignement explicite des stratégies d’apprentissage du vocabulaire aide les étudiants à acquérir une connaissance plus grande et plus approfondie du vocabulaire. Au cours de la session, les professeures ont observé que les étudiants réinvestissaient de plus en plus leur connaissance du vocabulaire dans leur rédaction et lors des activités de discussion.

L’accent mis sur la prise de conscience des transferts entre le français et l’anglais ainsi que vers les langues maternelles des étudiants a permis d’affirmer et de valoriser les ressources plurilingues des étudiants allophones et, plus important encore, ces derniers ont développé une confiance en leur capacité d’apprendre de nouvelles langues. Au cours de ce processus, ils ont réalisé qu’ils pouvaient transférer ces ressources dans les différentes langues apprises et dans d’autres disciplines. Ce constat les a amenés à se considérer comme des membres à part entière de la communauté collégiale, ce qui a tout lieu de favoriser leur intégration scolaire et sociale dans la classe et au cégep.

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Références

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