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Consentir à l’aide avec l’«EUF en ligne»

Consentir à l’aide avec l’«EUF en ligne»

Au cégep de Chicoutimi, comme partout dans le réseau, plusieurs élèves se présentent inlassablement à l’EUF, session après session, avec bien sûr l’espoir de la réussir. Certains cultivent la pensée magique et croient qu’ils réussiront sans y consacrer plus de préparation, d’aucuns s’attendent même à une correction moins sévère après quelques échecs. Miser ainsi sur un soi-disant désabusement des correcteurs, c’est croire au prince charmant !

Le centre d’apprentissage en français du cégep de Chicoutimi, dont la fréquentation n’a rien de sorcier, cherchait à encadrer ces élèves qui échouent à répétition à l’EUF, pour autant qu’ils consentent à recevoir de l’aide. Le CAF offrait déjà des ateliers préparatoires à l’EUF (les APEUF) d’une durée de huit heures à de petits groupes (25 élèves), ce qui convenait aux élèves ayant subi une « erreur de parcours » ou qui avaient réussi leurs cours de français assez longtemps auparavant. Mais ceux qui avaient besoin d’un encadrement plus individualisé en raison de leurs nombreuses lacunes ou faiblesses particulières, n’étaient pas rejoints par ce type de mesure. Il va sans dire que ces élèves terminaient leurs études, y compris leur formation générale en français, sans obtenir leur diplôme, compte tenu que la mention « échec » à l’EUF était une constante dans leur relevé de notes.

Pour pallier ce problème, le CAF a présenté à la direction des études, à la session automne 2004, un projet d’aide à la réussite, projet qui fut accepté et offert à la session suivante, ce qui a permis à 12 élèves ayant subi au moins trois échecs à l’EUF d’être diplômés en juin 2005. Dès l’automne 2005, le registraire recevait un numéro de cours pour offrir ce projet d’aide à chaque session, puisque les « naufragés » de l’EUF nous reviennent à chaque ressac sous d’autres visages. Le cours porte depuis le titre EUF en ligne et dure 60 heures.

Ce projet consistait à développer un cours qui serait offert à 90 p. 100 en ligne, car il s’adresse à des élèves en fin de DEC ou qui ne fréquentent plus notre collège – ils sont sur le marché du travail, à l’université, quelques-uns ont même quitté la région. L’idée d’un cours en ligne visait aussi à régler un problème de plage d’horaire qui se posait si l’on cherchait à réunir tous les élèves requérant ce cours.

Même si ces étudiants ont reçu la note de passage à tous leurs cours de français, leur faiblesse finit par les rattraper… Ainsi, les élèves inscrits à l’EUF en ligne éprouvent des difficultés en rédaction, en organisation de texte ou en maîtrise de la langue écrite, les trois critères d’évaluation à l’EUF. La plupart connaissent des difficultés avec deux critères, quelques-uns avec les trois et la quasi-totalité d’entre eux ont à améliorer considérablement la qualité de leur français écrit. Cela dit, on sait que la principale raison de l’échec à l’EUF est le critère III, la maîtrise de la langue. Et si ce constat cachait une autre réalité ?

Je m’explique. Plusieurs élèves sont aux prises avec des difficultés de lecture ou de rédaction, voire les deux à la fois. Ils investissent beaucoup de temps à lire les textes et à composer leur dissertation sans toujours avoir le temps de se corriger. Ils laissent passer un bon nombre de fautes qu’ils étaient en mesure d’éviter, avec pour conséquence qu’ils obtiennent une note de passage aux critères I et II et un échec au critère III. Pour eux, il importe d’améliorer leurs aptitudes en lecture et en rédaction afin de pouvoir consacrer plus de temps à la correction de leur langue. En outre, une meilleure compréhension des textes à critiquer et plus de facilité en rédaction leur rendent une confiance dont ils ont fort besoin pour diminuer leur stress et ainsi augmenter leur capacité de raisonnement devant des règles d’accord grammatical qui leur paraissent alors moins complexes.

Afin de cibler les élèves qui devraient recevoir l’aide, le registraire produit une liste de cas potentiels. Je procède moi-même au recrutement téléphonique. Le cours compte 25 places. L’inscription se fait sur une base tout à fait volontaire. Si l’élève poursuit ses études au cégep de Chicoutimi, l’EUF en ligne apparaît à son horaire sous un numéro maison (601-EUF-04) ; autrement, il doit lui-même assumer les frais de 155 $. Je repère d’abord les élèves ayant connu au moins trois échecs ou qui ont terminé leur formation sans avoir réussi l’EUF, ensuite ceux ayant échoué deux fois ; s’il reste des places, je les offre enfin aux élèves qui ont échoué depuis un certain temps, même s’ils n’ont échoué qu’une seule fois.

À la suite de ce recrutement, les élèves sont instruits de la procédure à suivre pour commencer le cours. Dans un premier temps, ils doivent me faire parvenir une copie de leurs épreuves précédentes en s’adressant au Ministère. Lorsque je reçois les copies, je procède à leur analyse afin de connaître les causes des échecs. Par la suite, je soumets à l’élève des séquences de leçons regroupant des thèmes propres aux types de faiblesses relevées. Je convoque chacun des élèves en sous-groupes pour une leçon de deux heures portant sur les premières étapes de la rédaction : lecture des textes, choix d’un sujet, position critique, repérage des éléments de preuve et formulation d’arguments, après quoi les élèves commencent à dresser un canevas de plan de façon interactive pour le compléter individuellement. C’est la seule leçon en groupe et aussi la seule qui se déroule dans une classe avec des tables, un tableau, de la craie. Les autres rencontres se tiennent dans mon bureau. Mis à part cette leçon sur la rédaction qui se donne en classe, tout le contenu du cours est diffusé électroniquement, notamment pour ce qui a trait à la langue écrite. L’élève profite aussi d’un encadrement en ligne ; il peut avoir recours au courriel et au clavardage à certaines heures de la journée.

Pour le critère concernant la maîtrise de la langue, l’analyse des copies en échec tient compte des difficultés de l’élève de façon tout aussi chirurgicale que la correction de l’EUF, c’est-à-dire que chaque type de fautes de l’élève lui est mentionné. Par courriel, j’explique d’abord à l’élève les fautes plus faciles à résoudre – la transcription des citations, certaines utilisations fautives de prépositions et des erreurs orthographiques récurrentes que l’élève peut résoudre par un exercice pénible, mais combien profitable : copier 10 fois le même mot. C’est le début de la première leçon individuelle, à laquelle j’ajoute des explications et des exercices sur les homophones. Les leçons suivantes porteront sur les accords des adjectifs, des verbes, des participes passés, puis sur la ponctuation, et enfin, sur la syntaxe. Toutes ces leçons sont élaborées selon les difficultés de l’élève. Je me sers de fascicules électroniques produits au CAF du cégep de Chicoutimi et de sites Internet offrant du matériel approprié pour éliminer ces faiblesses, notamment celui du CCDMD, de Cyberprof, de Bescherelle, toujours selon le cheminement individuel de l’élève.

À la fin de ses premières séquences de leçons, l’élève est appelé à rédiger une dissertation critique selon les mêmes consignes et dans un contexte similaire à celui de l’EUF : je lui achemine un trio de sujets et je lui demande de « jouer le jeu » en s’isolant pendant 4 heures 30 minutes. Après quoi je procède à l’évaluation de sa dissertation, puis à l’analyse des faiblesses persistantes pour ensuite lui soumettre de nouvelles séquences de leçons personnalisées. Enfin, l’élève effectue une seconde et dernière simulation de l’EUF. S’il y a des correctifs à apporter, il est possible d’ajuster le tir avant la passation de la véritable EUF.

C’est ainsi que s’est déroulé le cours EUF en ligne pendant les quatre dernières sessions. En moyenne, depuis la session hiver 2005, sur les 25 élèves inscrits en début de parcours, 15 se rendent jusqu’à la fin de cette formation individualisée et 10 abandonnent, prétextant avoir plus urgent à faire, étant débordés, etc. ; ils se présenteront tout de même à l’EUF pour y cumuler un autre échec. Sur les 15 qui termineront, deux ou trois ne se présenteront pas à l’EUF ; tentez vous-même de donner les raisons de cette absence pour chacun, vous les avez déjà entendues dans d’autres contextes… Vaille que vaille, 12 ou 13 élèves ayant bénéficié d’aide se présenteront à l’EUF et 9 ou 10 d’entre eux réussiront. Le monde ne sera pas sauvé, mais il n’en demeure pas moins que quelque 20 élèves par année entreprendront une carrière qui aurait pu être mise en veilleuse sans ces derniers efforts et aussi sans cette aide à laquelle ils ont consenti pour réussir l’EUF.

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