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Les manipulations syntaxiques: de précieux outils pour étudier la langue

Les manipulations syntaxiques: de précieux outils pour étudier la langue

Pour une terminologies grammaticale rigoureuse

Les manipulations syntaxiques constituent de précieux outils pour étudier la grammaire de la phrase, pour résoudre des problèmes d’écriture – par exemple, vérifier la structure d’une phrase (définie comme une unité syntaxique autonome et symbolisée par P), un accord, la ponctuation d’une P – et pour mieux comprendre une P. Ce ne sont pas des trucs, mais des révélateurs du fonctionnement de la langue qui font appel au raisonnement grammatical.

Les manipulations syntaxiques sont des opérations (ou des tests) qu’on effectue sur une unité de la langue (un mot, un groupe, une phrase subordonnée, une P) pour mettre en évidence certaines des caractéristiques syntaxiques de cette unité ou pour la rendre conforme aux règles de la grammaire. Les plus courantes sont l’addition, le dédoublement, le déplacement, l’effacement, l’encadrement et le remplacement.

Prenons un exemple : tentons d’identifier un complément de phrase, dont les propriétés syntaxiques sont qu’il dépend de la P, qu’il est facultatif et mobile dans la P. Pour mettre en évidence ces propriétés, trois manipulations sont utiles : l’effacement, le déplacement et le dédoublement. Voyons comment les utiliser et ce qu’elles révèlent du fonctionnement de cette unité. Nous faisons l’hypothèse que le GN cette année dans l’exemple donné (figure 1) a la fonction de complément de phrase.

Figure 1

Effaçons le GN cette année (A, figure 1). L’effacement consiste à supprimer une unité. Si cette manipulation ne change pas radicalement le sens de la P, énoncée dans un contexte donné, elle indique dans ce cas que l’unité effacée n’est pas obligatoire à la structure de la P. Le GN cette année s’efface , ce qui est un bon indice de sa fonction de complément de phrase. Avec l’effacement, on perd, bien entendu, une information, mais le sens de la phrase reste sensiblement le même.

Tentons le déplacement (B, figure 1), une manipulation qui consiste à changer la place d’une unité sans changer radicalement le sens de la P. En français, la place des unités de la langue est régie. Une unité sous la dépendance d’une autre se trouve généralement à sa droite. Aussi, le fait qu’un groupe soit mobile dans une P est un indice qu’il ne dépend pas d’un groupe particulier, mais de la P. Le GN cette année est mobile, deuxième indice qui confirmerait que sa fonction est celle de complément de P. Mais attention, certains compléments du nom détachés sont aussi mobiles et effaçables.

Pour s’assurer que ce GN a la fonction de complément de P, essayons la manipulation de dédoublement (C, figure 1), qui consiste à dédoubler le sujet et le prédicat à l’aide d’une expression comme …et il le fait… ou …et cela se passe… avant l’unité susceptible d’être un complément de phrase. Le dédoublement révèle que l’unité ainsi déplacée dans la phrase coordonnée ne fait pas partie du GV . Donc, le GN cette année n’est ni un complément du verbe ni un modificateur du verbe, lesquels ne pourraient supporter le déplacement hors du GV. Son autonomie par rapport au verbe et sa mobilité révèlent qu’il a la fonction de complément de P. Le GN cette année se déplace, s’efface, se dédouble et ne se pronominalise pas (ce que font les compléments du verbe[1]) ; c’est donc un complément de phrase.

Cette démonstration illustre qu’il ne s’agit pas seulement d’arriver à une conclusion sur la fonction d’une unité, par exemple, en utilisant les manipulations syntaxiques de façon mécanique, mais que l’enjeu est de se servir de ces dernières pour mieux comprendre le fonctionnement de la langue en pratiquant un raisonnement grammatical rigoureux.

C’est par la pratique qu’on devient habile à décider quelle ou quelles manipulations on utilisera, dans quel ordre on le fera et quelles conclusions on tirera de leur utilisation.

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  1. Aucun complément de phrase ne se pronominalise, bien que ceux qui indiquent un lieu puissent être remplacés par un y, qui a alors une valeur adverbiale comme ici et . [Retour]

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