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Peut-on freiner l’engrenage de l’échec à répétition? — Aider les élèves à réussir l’épreuve uniforme de français: une nécessité (1)

Peut-on freiner l’engrenage de l’échec à répétition? — Aider les élèves à réussir l’épreuve uniforme de français: une nécessité (1)

Comme c’est le cas en général pour l’ensemble du réseau collégial, le taux de réussite à l’épreuve uniforme de français (EUF) des élèves du cégep Marie-Victorin a connu une baisse en grande partie attribuable aux échecs à répétition. Certains élèves faibles ont beau essayer de se reprendre, ils ne parviennent pas tout seuls à atteindre les seuils de réussite. D’autres, qu’on pourrait qualifier de « retardataires », ne se sont pas présentés à l’épreuve au moment opportun, c’est-à-dire à la fin du trimestre où ils venaient de terminer leur cours de français 103. Force nous est de constater que beaucoup ont besoin d’aide.

Amorcer et poursuivre un redressement qui s’imposait

Soucieuse de bien comprendre la situation de nos élèves, la Direction des études du cégep Marie-Victorin a proposé que soient analysées, examen après examen, les raisons qui expliquent cette baisse du taux de réussite. Les études menées sur les résultats des quatre dernières épreuves (août 2001, décembre 2001, mai 2002, août 2002) font constater que c’est généralement au critère III (maîtrise de la langue) que nos élèves éprouvent le plus de difficulté, alors qu’ils réussissent bien au critère I (contenu) et très bien au critère II (organisation). Des facteurs augmentent d’ailleurs le risque d’échec à répétition au critère de la langue :

  • une moyenne au secondaire inférieure à 75 % ;
  • l’accumulation d’échecs aux cours de mise à niveau, de 101 ou de 102 ;
  • l’échec au cours de 103 ;
  • le fait de ne pas avoir pu suivre un cours de mise à niveau, alors que l’élève éprouve de sérieuses difficultés linguistiques ;
  • le fait de ne pas se présenter à l’épreuve dès la première inscription.

Au fur et à mesure de ces constatations, des pistes de redressement ont été proposées et produisent déjà des résultats encourageants :

  • Acheminer aux élèves une meilleure information (ex. : De A à Z, publication du MEQ que le collège a la responsabilité de diffuser).
  • Inciter les élèves à se présenter dès la première inscription.
  • Réserver aux élèves en difficulté une partie des budgets de l’aide à la réussite.
  • Organiser le calendrier pour devancer la dissertation finale du 103 et pour l’éloigner de l’épreuve uniforme (permettre, s’il y a lieu, la reprise du 103 avant la première passation de l’épreuve uniforme).
  • Offrir aux élèves un soutien linguistique (diagnostic et aide au centre d’aide).
  • Offrir aux élèves un soutien méthodologique.
  • Proposer des capsules sur la dissertation critique.

Ces mesures ont fait l’objet de discussion et de consensus au moment de rencontres portant sur le dossier de la réussite de l’épreuve uniforme de français, rencontres auxquelles ont pris part des représentants de la Direction des études, de l’Organisation scolaire et du Département de français. Consciente des enjeux que représente la réussite de l’EUF dans la diplomation des élèves, la Direction des études annonçait, lors de la rentrée du 19 août 2002, devant l’ensemble des enseignants, la mise sur pied d’un projet d’aide à la réussite de l’EUF, qu’on m’a confié. Je collaborais déjà à ce dossier à titre de consultant depuis septembre 2001.

En particulier aux élèves qui éprouvent des difficultés se traduisant par des échecs répétitifs, le cégep Marie-Victorin propose, par la voie d’une aide individuelle, le soutien nécessaire : un encadrement encore plus attentif et surtout mieux adapté aux besoins spécifiques.

Organisation du recrutement

Les élèves ciblés pour constituer le premier groupe expérimental d’aide à la réussite ont été joints par une lettre, par des avis dans l’hebdomadaire d’information du Collège et par l’intermédiaire des enseignants et enseignantes des cours de 103 et de 104. Les premiers ciblés ont échoué aux épreuves de mai ou d’août 2002, réussi le 103 et étaient inscrits au Collège à l’automne 2002. Ces élèves ont reçu une lettre qui les avisait de l’aide offerte : analyse de leur copie, diagnostic linguistique, tutorat (rencontres d’une heure toutes les semaines), capsules sur l’épreuve, simulation de l’épreuve corrigée par des personnes ayant la formation et l’expérience de la correction au MEQ.

Procédure d’obtention de la copie du Ministère

La demande d’obtention de la copie d’un élève (même avec son autorisation) par une tierce personne, dont le but est de lui venir en aide, constitue un précédent. Il a donc fallu convenir avec la Direction de l’enseignement supérieur d’une procédure et d’un formulaire d’autorisation que l’élève signerait. Cette procédure a été utilisée à titre expérimental, mais il ne fait pas de doute qu’il faut considérer l’accès à la copie et son analyse comme des étapes primordiales dans l’établissement des stratégies de soutien particulières à chaque élève. De plus, la majorité des élèves qui ont reçu ce type d’aide ont avoué que, sans l’appui d’un conseiller en mesure d’interpréter de façon détaillée les critères de correction, ils n’auraient pu procéder, seuls devant leur copie, aux redressements nécessaires à une reprise efficace.

Formulaires d’inscription aux simulations

Dès que possible, l’élève est invité à s’inscrire à une simulation de l’EUF. Au trimestre d’automne 2002, la date de la première simulation a été fixée au 13 novembre parce que, au calendrier scolaire de Marie-Victorin, il s’agit d’une période d’évaluation (dissertation finale du cours de français 103) qui nécessite la suspension des cours offerts habituellement le mercredi après-midi[1]. Évaluée par des personnes connaissant bien la correction de l’épreuve et selon les critères du MEQ, la simulation constitue un jalon très important du travail de redressement entrepris par chaque élève. Cette évaluation lui permet de jauger l’amélioration de ses capacités de rédaction et le travail qu’il lui reste à faire durant le mois précédant l’épreuve réelle. À cette fin, le cégep Marie-Victorin a défini des postes budgétaires pour percevoir les frais d’inscription (20 $ diagnostic inclus) et pour gérer la rémunération des correcteurs retenus pour effectuer le travail d’évaluation.

Capsules du mercredi midi

Cinq capsules sur l’épreuve ont été mises à l’horaire du mercredi midi (12h30 à 13h30[2]). Elles s’adressent aux élèves ciblés de même qu’à ceux qui suivent le cours de 103. Elles portent sur les caractéristiques de l’EUF et sur les stratégies d’atteinte des seuils de réussite.

Diagnostic des difficultés linguistiques les plus urgentes

Dès la première rencontre au centre d’aide, on propose à l’élève un diagnostic des difficultés linguistiques : orthographe grammaticale, d’usage, homophones et syntaxe. À l’aide d’un corrigé, il remplit lui-même une fiche de résultats qui lui donne accès à une série d’exercices autodidactes (avec corrigés), ce qui lui permet de travailler par lui-même ses difficultés linguistiques les plus urgentes.

Analyse de la copie (ou des copies)

L’analyse de la copie obtenue du Ministère permet de bien faire comprendre à l’élève quelles sont ses forces et ses faiblesses. L’objectif du travail à réaliser à partir des renseignements fournis par la copie est double :

  • miser sur les points forts et en améliorer encore la performance (en termes d’efficacité et de rapidité) ;
  • travailler à fond les faiblesses en leur réservant plus de temps au moment de la rédaction.

En ce qui touche la maîtrise de la langue (principale pierre d’achoppement), les élèves sont invités à repérer dans leur copie et à corriger toutes les erreurs d’orthographe d’usage et d’accords grammaticaux, en expliquant la règle qu’ils n’ont pas adéquatement appliquée. Ils constatent la plupart du temps que ce sont des fautes évidentes qu’ils auraient pu normalement corriger et qu’une meilleure relecture de leur copie aurait pu les amener au-dessus du seuil de réussite. La seconde étape de la correction linguistique porte sur les erreurs de syntaxe et de ponctuation, qui sont scrutées une à une en compagnie du responsable de l’aide à la réussite. Cet examen vise à observer et à faire observer à l’élève quel type de fautes il commet et à trouver des stratégies pour éviter ce type de fautes (syntaxe des phrases simples et complexes, emploi des prépositions, des pronoms personnels et relatifs, mode et temps de verbes…) Ce travail est indispensable en particulier auprès des élèves dont la langue maternelle n’est pas le français.

L’observation des difficultés particulières a permis d’analyser la situation des élèves ayant obtenu F au critère III (les élèves présentant plus du double du nombre d’erreurs permises selon le seuil de réussite : plus de 60 fautes, alors que le seuil est d’un maximum de 30). Les causes de cette situation sont plus diversifiées qu’on aurait pu le penser. Interrogés sur les raisons de leur piètre performance linguistique, beaucoup d’élèves ont avoué ne pas s’être relus. Ou bien ils ont manqué de temps, ou bien ils se sont découragés et, sûrs d’échouer au contenu, ils ont rendu leur copie sans mettre à profit le temps qu’il leur restait.

Exercices de rédaction chronométrés

Des exercices de rédaction chronométrés fournissent à l’élève l’occasion de faire une révision de la dissertation morceau par morceau : plan général, organisation du paragraphe, introduction, conclusion, dissertation complète si l’élève accepte de le faire et en a le temp. Chaque rédaction est évaluée selon les critères de l’épreuve et le nombre de fautes, rétabli en proportion de la norme à atteindre : 1 faute aux 30 mots ou 30 fautes aux 900 mots. Beaucoup d’élèves réussissent rapidement à mettre en place des stratégies pour se rapprocher des seuils de réussite[3].

Utilité de la simulation

Une réussite à la simulation constitue pour l’élève le meilleur indice de ses capacités à réussir l’épreuve elle-même. Un diagnostic précis, critère par critère, lui indique quels sont les aspects qu’il peut encore améliorer avant de se présenter à l’examen officiel. Certains élèves, désireux de consolider leurs capacités à bien maîtriser toutes les habiletés requises, font le choix de participer à une deuxième simulation. Les élèves qui échouent à la simulation se voient offrir la possibilité de reporter au trimestre suivant la passation de l’EUF et de continuer à travailler leurs difficultés particulières. Dans les faits, les deux tiers des élèves qui ont participé à une simulation l’ont réussie. On peut même présumer que certains qui se sont classés en dessous (mais de peu) des seuils de réussite auront pu faire mieux à l’épreuve du 18 décembre 2002, s’ils ont fait le choix de s’y présenter.

D’autres mesures possibles

Au trimestre de l’hiver 2003, cibler les « retardataires »

L’expérimentation de l’aide à la réussite de l’épreuve uniforme de français a mis en évidence qu’un nouveau groupe d’élèves en difficulté doit se voir offrir un soutien indispensable à leur réussite : les « retardataires ». Ils peuvent ne s’être jamais présentés à l’épreuve ou avoir déjà connu l’échec et tarder à se présenter de nouveau, inconscients de mettre davantage en péril leur capacité de réussite. On aura pu les repérer le 18 décembre 2002 en photocopiant les listes de groupes inscrits avant de retourner à Québec les cahiers de rédaction. Ces élèves constituent à Marie-Victorin le deuxième groupe expérimental de l’aide à la réussite de l’EUF. Ce sont donc les élèves absents à l’épreuve de décembre qui auront reçu une lettre les avisant de l’aide offerte pour préparer l’examen du 14 mai 2003.

Inviter les élèves qui ne sont plus inscrits au Collège

Exclus du groupe expérimental de l’automne 2002, les élèves ayant terminé tous leurs cours ont un urgent besoin d’aide s’ils veulent finir par obtenir leur DEC. Quelques-uns ont entendu parler de l’aide offerte et sont venus s’inscrire à des rendez-vous hebdomadaires. On constate quand on travaille avec eux qu’ils sont prêts à investir beaucoup de temps et d’énergie. Responsable de leur formation, le Cégep a une obligation morale envers eux, même s’ils ne sont plus officiellement inscrits. Au trimestre de l’hiver 2003, ces élèves pourront être joints de la même façon que les « retardataires ».

Offrir le cours Stratégies de révision linguistique

À la demande de la Direction des études, le cours Stratégies de révision linguistique, Préparation à la reprise de l’épreuve uniforme de français, a été conçu et libellé à l’intention des élèves qui échouent à l’EUF ou au cours 601-103 pour des problèmes sérieux de maîtrise de la langue écrite. Dans la perspective où il serait subventionné par le Ministère, ce cours constituerait une bonne solution d’aide aux élèves qui continuent à éprouver d’importantes lacunes linguistiques et de rédaction au sortir de leur formation générale. (Ce cours de 45 h pourrait avantageusement se substituer à la reprise du 103, auquel on pourrait attribuer temporairement la mention « incomplet » ; il pourrait aussi s’inscrire au bulletin de l’élève comme un cours de mise à niveau pour celui qui n’en aurait pas fait.)

Avoir recours à un nouveau test de classement linguistique à l’accueil

Entreprise en septembre 2001, l’analyse du parcours des élèves du début à la fin de leur formation obligatoire en français et de leur performance à l’épreuve uniforme met en évidence un problème de classement de départ. Ce constat se voit d’ailleurs corroboré par le manque d’homogénéité des niveaux de compétence linguistique observé par les enseignants dans l’ensemble des cours de la formation générale. Plutôt que de ne se fier qu’aux résultats du secondaire, il serait utile de soumettre les nouveaux élèves à un test de classement linguistique de type rédaction, et d’offrir dès le départ un soutien linguistique aux élèves qui en ont le plus besoin. Cela éviterait à certains de traîner tout au long de leur formation collégiale des lacunes importantes qui pourraient les empêcher à la fin de leur programme d’atteindre les seuils de réussite de l’EUF et d’obtenir leur diplôme.

Enfin, l’expérience d’une aide offerte à quelques élèves inscrits dans d’autres collèges (pour le moment, Rosemont et Ahuntsic), élèves en difficulté prêts à assumer les frais des rencontres individuelles et des simulations, met en évidence le fait que le cégep Marie-Victorin possède une longueur d’avance dans le dossier de l’aide à la réussite de l’EUF. On pourrait donc songer à rendre accessibles de tels services à d’autres collèges de la région métropolitaine. Par exemple, l’organisation de simulations évaluées par des correcteurs du Ministère est déjà une activité pour laquelle Marie-Victorin a l’expérience et l’infrastructure nécessaires.

Nous avons bien hâte de savoir comment auront réussi la trentaine d’élèves qui ont pu profiter, brièvement ou souvent par une bonne douzaine de rencontres, de l’aide que leur offrait cette première expérimentation. Un prochain article rendra compte de leurs résultats et fera un bilan de l’efficacité du projet.

* * *

Le cas de Yasmine

Yasmine (prénom fictif) est une élève très douée… malgré trois échecs consécutifs à l’épreuve, qu’elle a hâte d’enfin réussir pour entrer aux HEC. Le français est sa troisième langue après le russe (cours primaire en Russie) et l’arabe (études secondaires en Algérie). En plus de sérieuses difficultés syntaxiques, Yasmine ne discrimine pas bien les diverses graphies des sons [[[epsilon]]] et [e], mais fait preuve d’une énergie et d’une ténacité remarquables. Travail de fond sur la construction des phrases simples et complexes, exercices sur les accents à l’aide de livres-cassettes : après dix rencontres, trois dissertations et deux simulations, Yasmine est passée de 51 fautes à 23 fautes aux 900 mots et a beaucoup amélioré sa performance aux critères I (contenu) et II (organisation).

Le cas de Nadège

Pour une raison qu’elle n’a pas voulu préciser, Nadège (prénom fictif) ne s’est pas présentée à l’épreuve de décembre 2000, alors qu’elle complétait son français 103. Elle y est allée en août 2002, mais, trop peu sûre d’elle, elle est partie sans remettre de rédaction. Elle suit des cours du soir à l’université et désire s’inscrire dans un programme de jour. Même si elle ne communique qu’en novembre avec nous, nous convenons de mettre les bouchées doubles et de préparer l’épreuve de décembre. Une assez bonne maîtrise de la langue écrite lui permet de se concentrer sur l’organisation et le contenu, de réviser toutes les parties de la dissertation à raison de deux rencontres par semaine. À la simulation du 2 décembre 2002, elle obtient plus que la note de passage aux trois seuils de réussite et affiche une nouvelle confiance en soi et une gratitude particulièrement émouvante.

  1. Pour tenir compte des calendriers particuliers de la Reconnaissance des acquis et de l’Éducation permanente, deux autres simulations ont été organisées : le lundi 2 décembre 2002, de 13h à 17h30 et de 17h30 à 20h. Retour
  2. À Marie-Victorin, les élèves n’ont pas de cours le mercredi de 12h à 14h. Retour
  3. Dans l’aide à la réussite, on attache une importance particulière à l’idée de ne pas surcharger l’élève, par ailleurs souvent très occupé dans son programme d’études. On ne propose que des exercices de courte durée (après tout, l’élève doit s’habituer à les faire le plus rapidement possible). Au pire, si l’élève n’a vraiment pas le temps, on met à profit l’heure que dure chaque rencontre pour trouver avec lui les stratégies les plus efficaces et rédiger avec lui. C’est la simulation qui permettra de vérifier si le travail aura été suffisant. Au contraire, d’autres élèves font de cette préparation une priorité et choisissent de consacrer le temps nécessaire à la rédaction de plusieurs dissertations. C’est en particulier les cas d’échecs à répétition qui n’attendent plus que la réussite de l’épreuve pour pouvoir accéder à l’université ou obtenir enfin leur DEC. Retour

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