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Saisir la pertinence de la formation générale dans les programmes techniques

Saisir la pertinence de la formation générale dans les programmes techniques

Dans son article, François Cauchy nous fait part de son questionnement sur l’apport de la formation générale au sein des différents programmes, plus particulièrement au sein des programmes techniques. À la traditionnelle question « Comment pourrait-on mieux adapter la formation générale commune à la composante de formation spécifique ? », il propose de suppléer « Comment la composante de formation spécifique pourrait-elle s’adapter à la composante de formation générale commune ? ». Ses suggestions sont pratiques et applicables.

Formation générale, formation spécifique : une question de bon sens

L’adaptation de la formation générale commune aux besoins de la formation spécifique est un sujet qui a déjà fait couler beaucoup d’encre et qui n’est pas près d’en tarir la source. Assurer une formation générale de qualité en concomitance avec les études postsecondaires est une idée originale, qui, comme toute idée qui en vaut la peine, est soumise à des remises en question périodiques. On s’est demandé s’il ne fallait pas éliminer cette question, on s’interroge sur sa pertinence, on réfléchit à ses retombées. Plus récemment, on s’est demandé, encore une fois diront certains, comment on pourrait mieux adapter la composante de formation générale à la composante de formation spécifique des programmes techniques.

Je poserai, pour ma part, la même question tout en prenant la liberté d’en inverser le sens : Comment pourrait-on faire en sorte que la composante de formation spécifique s’adapte à la composante de formation générale commune ? Étrange question. On n’a pas l’habitude de considérer le problème sous cet angle. C’est peut-être, toutefois, un point de vue qui permettra de cheminer efficacement tout en demeurant à l’intérieur d’une approche programme.

Il est important, d’entrée de jeu, de préciser deux choses. Premièrement, la formation générale ne se justifie pas exclusivement en fonction de ses liens avec la formation spécifique. Elle a une valeur incontestable en soi. Deuxièmement, la réflexion qui suit porte uniquement sur la composante de formation générale commune. On devrait considérer sous un tout autre angle l’apport de la composante de formation générale propre au développement des compétences d’un programme, fût-il technique ou préuniversitaire. Ce n’est pas là l’objet de ce texte.

La formation générale commune : le même apport pour tous

Une des caractéristiques importantes de la formation générale commune, c’est justement d’être commune à tous les programmes d’études. Elle doit donc contribuer au développement des compétences de chacun de ces programmes. Doit-on pour autant enseigner le français de l’électrotechnique, la philosophie de la diététique ou l’anglais du génie civil ? Je ne crois pas que ce soit là une avenue ni prometteuse ni pertinente.

Comment contribuer alors à l’acquisition, par les élèves, des compétences spécifiques de divers programmes ? Je dirais qu’il faut d’abord déterminer précisément les habiletés transférables qui sont visées dans les cours de formation générale commune, puis préciser les étapes de développement de ces habiletés et les associer aux divers cours que l’élève doit suivre, ce qui donnera naissance à une description, non seulement de la séquence des cours offerts en formation générale commune, mais aussi du processus de développement des habiletés transférables que cette séquence supporte. Les intentions pédagogiques de même que les objectifs et standards de la formation générale commune aident à préciser cette séquence de développement.

Une fois cette opération terminée, nous avons en main un document qui explique comment, étape par étape, chaque discipline de la formation générale commune porte sur des habiletés transférables par la voie des contenus, qui en sont l’essence même.

D’aucuns sont agacés par cette idée des habiletés transférables. Ils y voient une façon réductrice de concevoir la formation générale, comme si la discipline y perdait sa substance même. Soyons clairs : les enseignants et enseignantes de la formation générale n’enseignent pas des habiletés transférables, ils enseignent des contenus qui leur sont propres et à travers lesquels se développent des habiletés qui, elles, sont transférables. On ne parle donc pas d’adapter les contenus ou de lessiver la discipline sur l’autel de l’approche programme.

Comment éviter de percevoir la formation générale
comme un mal nécessaire ?

Nous sommes tous conscients de l’importance de la formation que nous offrons. Toutefois, nous avons souvent constaté que cette conscience n’était pas aussi développée chez plusieurs de nos élèves, particulièrement, peut-être, chez ceux et celles du secteur technique.

Loin de moi l’intention d’accuser les enseignants et enseignantes du secteur technique, mais, fort heureusement, ces personnes sont humaines et sont donc soumises aux déterminants de la perception. Or, si la seule image qu’on leur trace de la pertinence de la formation générale commune dans le contexte du développement des compétences d’un programme leur vient de leurs élèves… on comprendra que certains perçoivent la formation générale commune comme un mal nécessaire.

C’est pourquoi il nous faut, enseignants et enseignantes, en collaboration avec les divers intervenants et intervenantes, non seulement rendre publiques mais aussi expliquer et commenter les séquences de développement décrites dans les documents qui précisent l’apport de la formation générale commune au développement des compétences des divers programmes. Cette diffusion pourrait se faire à l’occasion de journées pédagogiques, mais aussi en invitant les départements techniques à recevoir des gens qui représentent des disciplines de formation générale pour discuter de la place de cette composante dans le développement des compétences spécifiques.

Il ne s’agit pas ici de se justifier, ni même de convaincre. Il s’agit plutôt d’inviter les enseignants et enseignantes du secteur technique à tenir compte, dans la mise en oeuvre de leurs propres cours (activités d’apprentissage), de la séquence de cours décrite. Pour que l’élève donne du sens à sa formation générale, il faut que la formation qui lui est offerte dans la composante spécifique de son programme fasse écho à celle qu’on lui donne dans la composante générale commune, et non l’inverse.

Mais, pour assurer le réalisme d’une telle démarche, il faut offrir aux départements techniques un appui solide. Il faut qu’ils puissent sentir non seulement que la formation générale est essentielle, mais aussi, et surtout, qu’eux-mêmes peuvent contribuer au développement des habiletés transférables, prévu par la formation générale. Ainsi, pour contribuer au développement d’habiletés utiles dans l’ensemble du programme, il serait intéressant que les enseignants et enseignantes de la formation générale commune et ceux et celles de la formation spécifique partagent des outils de correction, des consignes de travail, une terminologie ; que les enseignants et enseignantes de la formation spécifique tiennent compte de la formation générale dans les consignes ou les critères de correction ; etc. Ici non plus, il ne s’agit pas d’adaptation de contenu. On ne demandera pas aux enseignants et enseignantes de génie électrique de faire référence à André Gide dans leur enseignement cathodique !

J’admets qu’il s’agit d’un programme ambitieux. Toutefois, l’application des mesures de renouveau nous offre une occasion en or de le mettre en oeuvre.

La formation générale dans la conception des épreuves synthèses et des cours (activités d’apprentissage) des programmes techniques

La conception des épreuves synthèses de programmes de même que la définition des cours (activités d’apprentissage) dans les programmes techniques constituent une belle occasion qu’il serait dommage de rater.

L’épreuve synthèse de programme devrait être l’occasion de préciser ce que l’on attend d’un finissant ou d’une finissante. Dans la mesure où l’on considère que la formation générale fait bel et bien partie du programme d’étude, le document décrivant la séquence des apprentissages en formation générale nous serait très utile pour définir ce profil. Ainsi, on pourra prévoir dans l’épreuve synthèse l’évaluation des habiletés transférables essentielles à la mobilisation des compétences des finissants et finissantes et qui auront été acquises tant par la formation spécifique que par la formation générale.

Quant aux cours, comme vous le savez sûrement déjà, l’ensemble des activités d’apprentissage devant permettre de développer les compétences prévues dans les programmes techniques doivent être définies localement. On y produira donc des descriptions de cours.

On trouvera dans ces descriptions des contenus essentiels, mais aussi des objectifs et peut-être aussi des critères. Voilà une superbe occasion de consacrer la place de la formation générale en accrochant des jalons directement dans les descriptions où cet arrimage est pertinent. Le document décrivant la séquence de cours permettrait de faire ressortir les éléments de formation transférables traités à chaque session. Ces éléments de formation devraient être un outil de travail toujours à la disposition des équipes ou des comités de programme qui travailleront à la description des cours de sorte qu’ils puissent, là où c’est pertinent, insérer, qui un objectif, qui un critère, faisant référence au réinvestissement de la formation générale dans certains cours de formation spécifique.

La formation générale commune et les programmes techniques : partenaires indissociables

Ce n’est ni la première ni la dernière fois que l’on s’interroge sur la place de la formation générale dans les programmes collégiaux. Il ne faut pas oublier que le réseau collégial est encore jeune, il ne fait pas encore partie de notre patrimoine éducatif. C’est sans doute pourquoi il revient souvent sous la loupe de l’examinateur. Ceci dit, chaque regard critique porté sur nous devrait être une occasion de développement. La perspective proposée dans ce texte est, je le crois, porteuse de développement pour la formation générale. Une vision programme qui intègre intelligemment cette composante de la formation, loin d’affaiblir le statut de celle-ci, nous la fait percevoir pour ce qu’elle est : essentielle dans un monde ou le savoir-agir doit inévitablement compléter le savoir-faire. Ce n’est toutefois pas en en clamant les mérites, mais plutôt en faisant en sorte qu’elle devienne un partenaire indissociable de la composante spécifique dans le développement des compétences que nous défendrons le mieux la place de la formation générale.

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