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Le français et la formation spécifique dans les programmes d’études: projet de développement de matériel didactique

Le français et la formation spécifique dans les programmes d’études: projet de développement de matériel didactique

La qualité de la langue dans les études collégiales est l’affaire de tous. Certaines orientations récentes du MELS rappellent d’ailleurs que cette responsabilité doit être partagée par l’ensemble des intervenants de cet ordre d’enseignement. Les politiques institutionnelles d’évaluation des apprentissages des collèges mentionnent en général que les professeurs de tous les programmes doivent contribuer à l’amélioration du français. Les départements en tiennent compte dans leurs règles d’évaluation et les professeurs, de leur côté, intègrent cette volonté dans leurs plans de cours. Mais, dans les faits, qu’en est-il ? Comment la langue est-elle prise en compte dans les activités d’apprentissage, particulièrement dans les cours de la formation spécifique des programmes d’études ? Allons plus loin : dans quelle mesure peut-on s’attendre à ce que l’enseignement de la langue soit intégré à la formation spécifique ?

Pour des professeurs dont ce n’est pas la spécialité, contribuer à l’amélioration du français requiert un aménagement stratégique. En effet, devant l’ampleur des difficultés de certains élèves et la quantité inouïe d’objets à enseigner, le risque est grand que même les âmes les plus vaillantes se découragent. Si la qualité de la langue est l’affaire de tous, les méthodes d’enseignement du français, elles, sont du ressort des spécialistes de la discipline. On en déduit que pour obtenir la collaboration des professeurs de tous les programmes d’études, il est indispensable de leur fournir des ressources proposant les approches pédagogiques idoines.

Quel type d’intervention sommes-nous en droit d’attendre de la part des professeurs des autres disciplines que le français ? On ne leur demanderait pas – une telle chose serait absurde – d’intégrer des leçons de grammaire dans des laboratoires de chimie ou des cours de comptabilité… Leur intervention, pour être pertinente, devrait plutôt porter sur des situations d’écriture concrètes. Il est donc indispensable, dans un premier temps, de valoriser la rédaction de textes variés dans l’ensemble des programmes d’études, de même que dans la plupart des cours qui y sont dispensés. Mais cela ne suffit pas : la valorisation ou l’esthétisation de l’écriture nécessite, selon nous, d’élaborer des stratégies pédagogiques permettant de formuler des consignes de rédaction suffisamment détaillées pour attirer l’attention des élèves sur les structures linguistiques spécifiques à chaque situation d’écriture et pour les aider à maîtriser ces structures.

Afin d’offrir aux professeurs des disciplines autres que le français un matériel didactique adapté à leur tâche d’enseignement, le CCDMD et le collège Ahuntsic se sont associés dans le but de développer un projet intitulé Stratégies d’écriture dans les cours de la formation spécifique. L’objectif est d’offrir aux professeurs et aux élèves du matériel didactique ciblant les structures linguistiques propres aux genres de textes en usage dans les divers programmes d’études. Dans une formule à la carte qui permettra une utilisation ponctuelle et adaptable aux différentes situations d’apprentissage, on proposera, sous forme de fascicules PDF, des stratégies simples de repérage d’éléments linguistiques et des notions de base en didactique de l’écriture, mais également des astuces d’autocorrection. L’orientation adoptée est complémentaire de celle qui préside au Détecteur de fautes ; les activités consisteront, en effet, à observer des structures linguistiques correctes de façon à les mettre en application dans des contextes d’écriture précis.

La production de ce matériel didactique suivra quatre étapes. Il s’agira dans un premier temps de cibler les genres de textes écrits exploités dans les cours de formation spécifique des programmes d’études techniques et préuniversitaires. Par genres de textes écrits, nous entendons « toutes les formes relativement conventionnelles et stables qui sont utilisées à l’écrit dans les différentes disciplines et qui présentent des caractéristiques diverses, notamment communicationnelles, discursives, textuelles, linguistiques et graphiques[1] ». Certains genres de textes, comme les rapports de laboratoire (dans les cours de chimie, de biologie, etc.) ou les récits d’événements (dans les cours du programme de techniques policières, par exemple), possèdent des caractéristiques très marquées et appartiennent à un domaine d’activités restreint ; d’autres, comme les comptes rendus critiques, les résumés, les dissertations, les rapports de recherche, ont une vocation plus transversale et des caractéristiques moins prononcées sur le plan formel. Cette étape de collecte de données, qui vise tous les programmes d’études et tous les collèges du réseau public, sera suivie d’une deuxième étape, soit un travail d’analyse qui permettra de regrouper les textes par genres, des plus transversaux aux plus spécifiques. Il s’agira alors de cibler les structures linguistiques propres à chaque genre de texte. À titre d’exemple, un récit d’événements, qui doit être écrit au passé, mobilise des connaissances sur la concordance des temps et sur la cohésion temporelle ; comme ce genre amène à nommer des protagonistes de façon récurrente, il pose également des problèmes de reprise de l’information ; par ailleurs, l’importance accordée aux données spatiotemporelles (descriptions de lieux, successions chronologiques) oblige à porter une attention particulière aux connecteurs ou marqueurs de relations. Bien que ces objets linguistiques ne soient pas les seuls en cause dans le récit d’événements, ils constituent une part importante du travail de mise en texte. Prendre conscience de ces structures et les maîtriser aide l’élève à organiser plus aisément le contenu du message, à l’exprimer plus clairement. Corollairement, le fait d’insister sur ces structures linguistiques dans une situation de communication qui les mobilise de façon particulièrement marquée en démontre l’importance ; nous pensons donc qu’une telle approche peut avoir une incidence sur la motivation des élèves.

Sur la base de cette analyse des structures spécifiques dans tous les genres recensés, nous produirons, dans la troisième étape du projet, du matériel pédagogique sous forme de fascicules PDF, lesquels comporteront :

  • des exemples de textes (des textes d’experts comme des textes d’élèves) ;
  • des remarques sur les structures linguistiques propres aux genres de textes ;
  • des activités de formation sur les notions linguistiques concernées ;
  • des exercices de repérage de ces éléments linguistiques dans des textes d’experts et des textes d’élèves ;
  • des stratégies de rédaction et des grilles de révision.

La quatrième et dernière étape consistera à proposer aux professeurs de formation spécifique des stratégies d’intervention pour intégrer la rédaction des textes dans leur enseignement. Le cas échéant et au besoin, on offrira des capsules de formation ou des ateliers à l’intention des professeurs. Ces ateliers pourront porter sur des notions linguistiques, des stratégies de rédaction, des grilles de révision, etc.

Le projet est actuellement à la première étape, la collecte de données. Nous comptons sur la collaboration de nos collègues de toutes les disciplines pour nous fournir des rédactions d’élèves (moyens et forts) et des textes qui sont représentatifs des pratiques d’écriture dans les cours de la formation spécifique. Les personnes intéressées à contribuer au projet sont priées de communiquer avec Robert Claing ou Lucie Libersan.

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Enseigner la langue à travers l’étude des genres textuels :
le point de vue d’une didacticienne

Suzanne-G. Chartrand, didacticienne, professeure et chercheuse au Département d’étude de l’enseignement et de l’apprentissage à l’Université Laval, est connue dans le monde de l’enseignement du français comme auteure de la Grammaire pédagogique du français d’aujourd’hui. En 2008, elle a publié, dans un numéro hors série de la revue Québec français, une proposition de Progression dans l’enseignement du français langue première au secondaire québécois*, proposition qui a fait l’objet d’une présentation lors de la rencontre Intercaf du 16 janvier dernier. Principalement destiné aux enseignants du secondaire, l’ouvrage est tout aussi intéressant et pertinent pour les enseignants du collégial, puisque les principes qu’il met de l’avant peuvent être transposés, moyennant quelques aménagements, dans la formation générale comme dans la formation spécifique.

L’auteure plaide pour une progression « spiralaire » (par approfondissements successifs) des apprentissages en langue, mais aussi pour un arrimage entre les objets proprement linguistiques et les genres de textes étudiés en classe. Ce principe implique que les interventions de l’enseignant sur les structures linguistiques sont aménagées de façon à être découvertes dans des activités de lecture, pratiquées dans les genres écrits et oraux, et maîtrisées à travers des consignes d’écriture ou de communication orale. Ainsi, la construction des savoirs en langue ne passe pas par une révision exhaustive de toutes les notions de grammaire dans une session d’aide ou un cours de Mise à niveau, par exemple, mais par une pratique contextualisée de structures linguistiques qui sont représentées dans les genres de textes étudiés. La planification des apprentissages, loin d’être laissée au hasard, tient compte d’un ordre logique qui est défini en fonction de critères rigoureux ; un tableau synthèse des objets linguistiques et des genres de textes dans lesquels ils peuvent être étudiés en rend d’ailleurs compte à la fin du document.

Le principe mis de l’avant dans cette publication est particulièrement pertinent pour le collégial, où l’on s’adresse à des scripteurs qui, ayant déjà traversé le cursus du secondaire, en sont arrivés à une étape d’approfondissement, ou encore, à des élèves qui doivent rebâtir les savoirs non maîtrisés en les greffant sur des compétences déjà acquises. Le document sera, on le devine, très utile dans le cadre du projet Stratégies d’écriture dans les cours de la formation spécifique, puisque l’apprentissage des structures linguistiques à travers la pratique de genres textuels est au centre de l’approche que nous proposons.

*Suzanne-G. Chartrand, Progression dans l’enseignement du français langue première au secondaire québécois. Répartition des genres textuels, des notions, des stratégies et des procédures à enseigner de la 1re à la 5e secondaire, Québec, Les publications Québec français, 2008.

  1. Nous adoptons la définition du genre textuel proposée par Suzanne-G. Chartrand (2008, p. 11 ; voir l’encadré pour un résumé de l’ouvrage). Dans l’interprétation que nous en faisons, nous excluons les genres oraux parce qu’ils ne sont pas pris en compte dans notre projet. Retour

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