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Nouvelle grammaire ou nouvelle pédagogie de la grammaire?

Nouvelle grammaire ou nouvelle pédagogie de la grammaire?

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n cette session d’automne 2003, nous venons d’accueillir notre deuxième contingent d’étudiants formés à la « nouvelle grammaire » et un portrait beaucoup plus net commence à se dessiner. Parmi les élèves de nos cours de mise à niveau, se trouvent désormais un nombre non négligeable d’adeptes des arbres, rodés à l’analyse syntaxique, pour qui le découpage d’une phrase en constituants essentiels relève du rabâchage du secondaire. Il n’en demeure pas moins que ces grammairiens en herbe sont inscrits en mise à niveau parce que, dès qu’il s’agit d’accorder un verbe, un adjectif ou un déterminant, ils ne savent plus à quelle branche de leur arbre se raccrocher.

Un constat s’impose donc : nos étudiants ont suivi des années de cours de français et cela n’a pas suffi. Alors, est-ce un cours de grammaire supplémentaire qui va faire la différence ? Est-il possible qu’ils s’y retrouvent enfin dans le labyrinthe des règles d’accord tout simplement parce qu’on leur aura expliqué une fois de plus ce que sont le déplacement ou l’effacement d’un groupe de mots, ou encore, à quoi ressemblent un nom, un adjectif et un verbe ? Soyons sérieux… Ils savent tout cela très bien ou, en tout cas, trop bien pour ne pas être profondément découragés de se le faire répéter une fois de plus. Ce qu’ils ne savent pas, en revanche, c’est comment utiliser ces connaissances, comment transformer ce savoir en savoir-faire.

Si nous poussons un peu plus loin l’analyse, nous nous apercevons que, pour eux, la langue, celle qu’on découpe en phrases, elles-mêmes découpées en constituants essentiels, est un matériau abstrait qui n’a pas grand-chose à voir avec les mots qu’ils utilisent, eux, pour s’exprimer par écrit. Pour s’en convaincre, il suffit de demander à un étudiant de découper un de ses textes en phrases syntaxiques autonomes et, n’ayons peur de rien, ces phrases syntaxiques en sujet, prédicat et compléments de phrase. Sa réaction est généralement immédiate : « Comment voulez-vous que je trouve ça dans mon texte ? ». De la même façon, lui expliquerons-nous, que dans les phrases d’exercices.

C’est là que la nouvelle grammaire devient particulièrement intéressante parce qu’elle permet de donner aux étudiants une vision structurée du langage, de leur langage. Elle leur permet d’observer et de construire leurs textes comme des ensembles de phrases et leurs phrases comme des ensembles de mots devant toujours respecter les mêmes principes de structure.

Nos étudiants sont de plus en plus nombreux à avoir observé ces grands principes régissant la langue française pendant tout leur primaire et leur secondaire. De cette observation, certains ont déduit leurs propres stratégies de construction, de rédaction, de syntaxe, de ponctuation, de conjugaison, d’accord ; d’autres non. Ces derniers, c’est à nous qu’il revient de les aider à s’approprier cette structure qui sous-tend toutes les règles de grammaire. Et pour cela, il faut les faire écrire, mais écrire des phrases constituées de sujets et de prédicats qui entretiendront entre eux des rapports syntaxiques et sémantiques. Les notions théoriques ne doivent être rappelées que pour être appliquées en situation d’écriture. Sinon, elles seront encore une fois reléguées parmi le ramassis de choses inutiles qu’il faut apprendre à l’école et s’empresser d’oublier.

Dès lors, tout le temps passé en explications théoriques sur les manipulations syntaxiques, les différentes classes de mots ou quelque autre point de grammaire est du temps volé à l’observation que les étudiants peuvent faire de leur propre fonctionnement (devrais-je dire dysfonctionnement ?) en situation de rédaction et à la mise en place de nouveaux mécanismes d’écriture et de relecture. Il faut à peine deux minutes pour rappeler qu’on reconnaît un nom commun parce qu’il est déterminé. En revanche, obtenir que des étudiants soient conscients d’écrire un nom commun chaque fois qu’ils le font, c’est beaucoup plus long. Or c’est là que réside la clé de leur réussite… parce que, ensuite, ils sauront avec quoi accorder verbes, déterminants et adjectifs.

Finalement, ce n’est pas tant cette fameuse nouvelle grammaire que nous devons nous approprier qu’un nouveau regard sur l’utilité de la grammaire pour savoir écrire, sur les mécanismes qui doivent se mettre en place au moment de la révision d’un texte. Par bonheur, la nouvelle grammaire nous fournit des instruments très simples et très efficaces pour aider nos étudiants à structurer leur conception de la langue. À nous d’explorer ces outils…

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