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Analyser une description de l’automne dans «Maria Chapdelaine» de Louis Hémon: corrigé

Analyser une description de l’automne dans «Maria Chapdelaine» de Louis Hémon: corrigé

A. Un tableau d’une beauté miraculeuse

[…] Tout au long d’octobre les jours de gel et les jours de pluie alternèrent, cependant que la forêt devenait d’une beauté miraculeuse (+). À cinq cents pas de la maison des Chapdelaine la berge de la rivière Péribonka descendait à pic vers l’eau rapide et les blocs de pierre qui précédaient la chute, et de l’autre côté du courant la berge opposée montait comme un amphithéâtre de rocher en coteau, de coteau en colline, mais comme un amphithéâtre qui se prolongeait sans fin vers le nord. Du feuillage des bouleaux, des trembles, des aunes, des merisiers semés sur les pentes, octobre vint faire des taches jaunes (+) et rouges (+) de mille nuances. Pour quelques semaines le brun de la mousse, le vert inchangeable des sapins et des cyprès ne furent plus qu’un fond et servirent seulement à faire ressortir les teintes émouvantes (+) de cette autre végétation qui renaît avec chaque printemps et meurt avec chaque automne. LA SPLENDEUR DE CETTE AGONIE s’étendait sur la pente des collines comme sur une bande sans fin qui suivait l’eau, s’en allant toujours aussi belle (+), aussi riche (+) de couleurs vives (+) et tendres (+), aussi émouvante (+), vers les régions lointaines du nord où nul oeil humain ne se posait sur elle.

Mais voici que du nord vint bientôt un grand (–) vent froid (–) qui ressemblait à une condamnation définitive (–), à la fin cruelle (–) d’un sursis, et présentement les pauvres (–) feuilles jaunes (=), brunes (=) et rouges (=), secouées trop durement, jonchèrent le sol ; la neige les recouvrit et le sol blanchi ne connut plus comme parure que le vert immuable des arbres sombres (–), qui triomphèrent, pareils à des femmes emplies d’une sagesse amère (–), qui auraient échangé pour une vie éternelle leur droit à la beauté. […]

Louis Hémon, Maria Chapdelaine

Commentaire

 

  • Le GN « la forêt » est utilisé comme un terme générique et repris par des spécifiques, que l’on peut regrouper en deux classes : la végétation changeante, « qui renaît avec chaque printemps et meurt avec chaque automne » (les feuillus : bouleaux, trembles, aunes, merisiers) et la végétation immuable (mousse et conifères : sapins, cyprès). Les sapins et les cyprès sont par la suite désignés par le terme générique « arbres sombres », qui les oppose aux arbres colorés.

     

  • Le GN synthétique « la splendeur de cette agonie » résume bien tout le premier paragraphe, où il est question de la beauté miraculeuse de la forêt en octobre, période pendant laquelle les arbres feuillus, alors très colorés, s’apprêtent à « mourir ».

     

  • Les adjectifs qualifiant la coloration des feuilles (« l’agonie ») sont soit des adjectifs de couleur, soit des adjectifs fortement connotés de façon positive (1er paragraphe). Les adjectifs associés à la chute des feuilles, et donc à la mort de la beauté (2e paragraphe), sont plutôt connotés de façon négative.

     

  • Les deux phrases qui permettent de voir le lieu où se passe la scène sont syntaxiquement très riches. Elles sont ici surlignées. On y retrouve une accumulation (juxtaposition) de compléments, ajouts qui contribuent très largement à mettre en valeur toute l’étendue du tableau qui s’offre à la vue.
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Tous ces éléments permettent de voir la scène des arbres tout en couleurs comme un véritable tableau, dont la beauté émeut.


B. Un spectacle théâtral grandiose

 

[…] Tout au long d’octobre les jours de gel et les jours de pluie alternèrent, cependant que la forêt devenait d’une beauté miraculeuse. À cinq cents pas de la maison des Chapdelaine la berge de la rivière Péribonka descendait à pic vers l’eau rapide et les blocs de pierre qui précédaient la chute, et de l’autre côté du courant la berge opposée montait comme un amphithéâtre de rocher en coteau, de coteau en colline, mais comme un amphithéâtre qui se prolongeait sans fin vers le nord. Du feuillage des bouleaux, des trembles, des aunes, des merisiers semés sur les pentes, octobre vint faire des taches jaunes et rouges de mille nuances. Pour quelques semaines le brun de la mousse, le vert inchangeable des sapins et des cyprès ne furent plus qu’un fond et servirent seulement à faire ressortir les teintes émouvantes de cette autre végétation qui renaît avec chaque printemps et meurt avec chaque automne. La splendeur de cette agonie s’étendait sur la pente des collines comme sur une bande sans fin qui suivait l’eau, s’en allant toujours aussi belle, aussi riche de couleurs vives et tendres, aussi émouvante, vers les régions lointaines du nord où nul oeil humain ne se posait sur elle.

MAIS voici que du nord vint bientôt un grand vent froid qui ressemblait à une condamnation définitive, à la fin cruelle d’un sursis, et présentement les pauvres feuilles jaunes, brunes et rouges, secouées trop durement, jonchèrent le sol ; la neige les recouvrit et le sol blanchi ne connut plus comme parure que le vert immuable des arbres sombres, qui triomphèrent, pareils à des femmes emplies d’une sagesse amère, qui auraient échangé pour une vie éternelle leur droit à la beauté. […]

Louis Hémon, Maria Chapdelaine

Commentaire

  1. La scène se passe pendant les quelques semaines que dure le mois d’octobre (emploi des organisateurs temporels « tout au long d’octobre » et « pour quelques semaines » et de l’imparfait, marquant un événement d’une certaine durée).
  2. La scène est ponctuée de deux événements importants, exprimés au passé simple : « octobre vint » colorer les feuilles, puis « du nord vint un grand vent froid », qui fit tomber les feuilles des arbres. Les « acteurs » principaux sont donc le temps (octobre) et une force naturelle (un grand vent froid).
  3. L’organisateur logique « mais », qui exprime l’opposition, le revers d’une situation, met en valeur le contraste entre la splendide agonie riche en couleurs (1er paragraphe) et la mort, froide et sans beauté (2e paragraphe). L’inversion du sujet qui se trouve dans la première phrase du deuxième paragraphe reflète bien ce revirement de la situation : la beauté s’étendait vers le nord (dernière phrase du premier paragraphe) et c’est du nord que vint l’acteur qui la tua.

Tous ces éléments permettent de saisir le déroulement du spectacle ainsi que son dénouement tragique.

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