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La formation générale et l’épreuve synthèse en technologie de l’architecture

La formation générale et l’épreuve synthèse en technologie de l’architecture

Michel L. Saint-Pierre est coordonnateur du Département de technologie de l’architecture du cégep de Rimouski. Il s’est toujours préoccupé de la qualité de la formation des élèves. Depuis deux ans, il coordonne les travaux d’élaboration de l’épreuve synthèse de programme en Technologie de l’architecture.

François Desjardins, conseiller pédagogique au cégep de Rimouski, lui a demandé d’expliquer comment les enseignantes et les enseignants de ce programme ont tenu compte de la formation générale dans l’élaboration de l’épreuve synthèse.

Propos de Michel L. Saint-Pierre recueillis par François Desjardins

François Desjardins : Michel, tu avais la responsabilité de coordonner les travaux relatifs à l’épreuve synthèse pour le programme Technologie de l’architecture. Ton département a-t-il intégré la formation générale dans ses travaux ?

Michel L. Saint-Pierre : Oui et non… Je dirais oui, mais… Comme tu sais, la réalisation de l’épreuve synthèse de programme est un long processus. C’est la première fois que nous élaborons ce genre d’épreuve. Nous nous étions déjà dotés d’outils permettant aux élèves d’intégrer les diverses dimensions du programme, cependant nous avons tenu compte, pour l’épreuve, de la formation générale ; on pourrait dire qu’elle a « teinté » nos travaux.

F. D. : Peux-tu m’expliquer le processus suivi et la place accordée à la formation générale ?

M. St-P. : Le département a désigné deux personnes responsables du dossier « Épreuve synthèse de programme ». Il s’agit de Marcel Banville et moi-même. Nous devions nous approprier les concepts et la terminologie touchant l’épreuve synthèse, les expliquer à nos collègues et proposer une démarche au département. Je tiens à souligner que nous avons eu le support d’Hermann Guy, conseiller pédagogique, tout au long du processus d’élaboration de l’épreuve synthèse.

La démarche retenue comprenait quatre phases : dresser le profil de sortie du programme Architecture, en déduire une épreuve synthèse de programme, l’expérimenter et, finalement, évaluer cette expérimentation. Nous en sommes à la troisième phase, soit à l’expérimentation de l’épreuve synthèse de programme.

À l’hiver 1996, nous avons commencé à élaborer le profil de sortie de notre programme, profil qui devait tenir compte de la formation générale. Pour ce faire, selon la suggestion de la Direction des études, nous n’avons tenu compte que des intentions éducatives de la formation générale et non de l’ensemble des apprentissages essentiels des cours de cette formation.

F. D. : Comment avez-vous tenu compte des intentions éducatives ?

M. St-P. : Les départements de la formation générale ont produit un document qui présente les intentions éducatives avec une brève explication ainsi que les devis des cours. Cela nous a permis de mieux comprendre ce que visait la nouvelle formation générale depuis le Renouveau. Nous avons analysé les intentions éducatives et nous les avons intégrées le mieux possible dans notre profil de sortie.

Nous n’avons travaillé qu’avec les documents et non en collaboration avec les départements de la formation générale. Il faut dire que la tâche de conception d’un profil intégrant les savoirs essentiels de la partie spécifique de notre programme demandait beaucoup de réflexions et de discussions. Nous n’avons pas eu le temps de rencontrer de façon formelle des enseignantes et des enseignants de la formation générale pour vérifier si notre « traduction » des intentions éducatives était adéquate.

F. D. : Et de façon plus précise, comme cela s’est-il traduit ?

M. St-P. : Le modèle de profil de sortie qu’Hermann Guy nous a proposé repose sur le concept de formation fondamentale. Le modèle permet d’analyser la formation offerte dans le programme selon deux axes : l’aspect transdisciplinaire de la formation et l’aspect disciplinaire. Les intentions éducatives de la formation générale se manifestent surtout dans l’axe transdisciplinaire. Par exemple, on trouve dans cet axe des catégories comme attitudes personnelles, habiletés intellectuelles et techniques d’études ainsi que maîtrise des langages. On comprendra facilement que les cours de la formation générale touchent à plusieurs apprentissages relevant de ces catégories.

Par exemple, la profession de technologue en architecture demande que l’on maîtrise autant les langages informatique et mathématique que le français et l’anglais. Une ou un technologue doit pouvoir lire un texte, en comprendre le sens ou encore, expliquer de façon claire un problème ou une démarche à sa clientèle ou à des collègues.

Voici un autre exemple. Dans la catégorie habiletés intellectuelles et techniques d’études, on trouve « raisonne et argumente avec rigueur ». Dans la description des intentions éducatives, nous avons vu que des apprentissages relatifs à cette habileté étaient également réalisés dans les cours de philosophie.

Bref, l’analyse des intentions éducatives nous a révélé que certaines habiletés que nous souhaitions développer chez l’élève étaient également visées par la formation générale. Nous en avions déjà une bonne idée. Cependant, ce travail nous a permis de mieux situer l’apport de la formation générale en regard de la formation spécifique.

F. D. : À l’hiver 1996, vous avez donc produit le profil de sortie du programme Technologie d’architecture, profil qui tenait compte des intentions éducatives de la formation générale. Qu’avez-vous fait par la suite ?

M. St-P. : À l’automne 1996, nous avons produit une grille de partage des responsabilités. Celle-ci sert, entre autres choses, à valider notre profil, en indiquant les liens entre les éléments du profil – les apprentissages fondamentaux du programme – et les cours. Nous avons classé les apprentissages selon trois types de liens : les apprentissages enseignés dans un cours, ceux appliqués et ceux transférés dans un cours. Nous n’avons pas pu terminer cette grille, faute de temps. Certains problèmes ont été soulevés. Par exemple, on a constaté que des apprentissages jugés essentiels lors de l’élaboration du profil de sortie ne font pas nécessairement l’objet d’un enseignement « explicite ». L’analyse des apprentissages de la partie spécifique de notre programme fut et reste difficile à faire. Il n’est pas toujours facile de déterminer si un objet d’apprentissage est enseigné de façon explicite par toutes et tous. Quant à la formation générale, nous devrons désormais l’inclure aussi dans cette grille de responsabilités. Cela se fera au cours de la journée pédagogique du 1er avril 1997. Nous devrions obtenir ainsi une meilleure articulation du programme. On pourra désormais savoir si tel apprentissage a été enseigné, quand et dans quel cours. L’épreuve synthèse que nous rédigeons actuellement n’est donc qu’une première version. Son expérimentation ainsi que la poursuite du travail sur le profil de sortie devraient nous permettre de l’améliorer dans les années à venir. Je ne sais pas si les prochaines versions intégreront des aspects de la formation générale qui ne sont pas déjà présents dans la formation spécifique. Il faudra tenir compte de l’orientation que donnera le Collège à l’épreuve synthèse ainsi que de la faisabilité d’une plus grande intégration de la formation générale dans cette épreuve.

F. D. : Avant le Renouveau et vos travaux sur l’épreuve synthèse, votre programme tenait-il compte de la formation générale ?

M. St-P. : Non. En fait, on ne la connaissait pas vraiment, sauf par le biais de ce que nous en disaient les élèves. Nous connaissions la nature des cours, mais non les habiletés développées. Ainsi, je savais qu’il y avait des cours de théâtre dans le programme de français, mais j’ignorais ce qu’étaient les caractéristiques ou les contenus réels des cours. Par exemple, je croyais que le raisonnement et l’argumentation s’enseignaient dans les cours de français. Un jour, des élèves m’ont expliqué qu’ils avaient appris cela dans un cours de philosophie…

Je dois avouer qu’il y avait une certaine méfiance de la part de plusieurs enseignantes et enseignants du secteur technique envers la formation générale… plutôt même une perception négative qu’une méfiance. Cela repose souvent sur l’image que nous donnent les élèves des cours de la formation générale. On se demande ce qu’y font les élèves, surtout celles et ceux qui ont beaucoup de difficulté à lire des textes relativement simples. Comment peuvent-ils comprendre des textes littéraires s’ils ne comprennent pas nos textes ? Plusieurs se demandent si la littérature ou la philosophie ne sont pas trop abstraites pour des élèves du collégial.

Nous savons que les problèmes des enseignantes et des enseignants de la formation générale sont les mêmes que les nôtres. En français, par exemple, les élèves ont de la difficulté à lire ou à comprendre ce qu’ils lisent et à écrire correctement. On se demande si l’on ne devrait pas d’abord régler ces problèmes majeurs avant d’aller plus loin, de leur enseigner la littérature… On peut dire la même chose de la philosophie. On se demande s’il est pertinent de demander à des élèves de réfléchir sur des questions abstraites quand on sait qu’ils ont de la difficulté à raisonner, à résoudre de façon logique des problèmes simples…

Personnellement, j’ai beaucoup de sympathie pour les enseignantes et les enseignants de la formation générale… Je ne nie pas la pertinence du français, de la littérature et de la philosophie. Je m’interroge sur la capacité qu’ont les élèves de s’initier à ces matières au collégial compte tenu de certaines lacunes attribuables à leur formation antérieure.

Par ailleurs, on ne peut que remarquer les taux élevés d’échec dans certaines disciplines de la formation générale, particulièrement en français. C’est la même chose dans les cours de mathématiques de notre programme. Le français, pour plusieurs, c’est un « emmerdement ». Le français est, selon moi, une langue peu valorisée.

F. D. : Vous avez, au département, une politique de correction du français…

M. St-P. : Oui. Cependant, chacune ou chacun applique la politique à sa façon et selon sa compétence. Nous corrigeons principalement le code, l’orthographe et la grammaire. Lorsque nous appliquons la politique de correction de la langue avec rigueur, plusieurs élèves considèrent dès le départ qu’ils ont perdu 10 p. 100 de leurs notes…

On peut espérer qu’une meilleure articulation entre la formation générale et la formation spécifique améliorera la qualité de la formation.

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