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Sondage maison sur les mesures de valorisation du français dans les cégeps

Sondage maison sur les mesures de valorisation du français dans les cégeps

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epuis quelques années, les cégeps reçoivent, par la voie des transferts fédéraux à l’enseignement supérieur, une certaine somme qui est notamment investie dans des mesures visant l’amélioration du français. Il m’a semblé intéressant de dresser le portrait de ce qui se fait à cet égard dans le réseau collégial. À cette fin, au cours de l’hiver 2009, j’ai sollicité la collaboration des responsables de centres d’aide en français (CAF), qui m’ont fait connaitre[1] différents moyens mis en place dans leur établissement. Lors de l’Intercaf de mai dernier, des collègues ont également exposé quelques dispositions qu’ils avaient prises pour valoriser la langue française, autant chez les étudiants qu’auprès des membres du personnel. Le présent article expose les réponses obtenues dans le cadre de cette enquête. Celle-ci n’a rien de scientifique, mais elle fournit des exemples de façons d’attirer le regard sur la langue, malheureusement bien rébarbative aux yeux de plusieurs. La première question de mon enquête portait sur les moyens utilisés dans les cégeps pour valoriser la langue. La deuxième concernait les politiques institutionnelles d’évaluation des apprentissages (PIEA), se concentrant sur les pourcentages attribués au français dans tous les cours, ceux de français y compris. La dernière se rapportait aux tests que les futurs enseignants de français doivent passer pour obtenir un emploi dans un cégep.

Je profite de l’occasion pour remercier tous ceux et celles qui ont accepté de répondre à mes questions[2]. J’aimerais aussi souligner la participation des enseignants du collège universitaire de Saint-Boniface, au Manitoba, dont les réponses au questionnaire montrent que la valorisation du français ne se fait pas seulement dans le réseau collégial québécois.

Que fait-on pour valoriser la langue française ?

Dans la plupart des cégeps, la valorisation du français commence dans les CAF. Plusieurs enseignants bénéficient d’une allocation variable en importance pour aider les élèves au CAF, parfois même l’équivalent d’une tâche à temps complet pour les cégeps dont la population est plus importante. Plusieurs ateliers thématiques y sont aussi offerts, portant entre autres sur des notions grammaticales ou sur la préparation de l’épreuve uniforme de français (EUF). Signe encourageant, les enseignants des autres disciplines font souvent la promotion des services offerts par le CAF de leur collège. Le français devient alors la préoccupation de tous. Ainsi, au collège d’Alma, les erreurs de français sont pénalisées dans tous les cours sans exception. On veille aussi, dans certains collèges, à rendre les ouvrages de référence accessibles dans les classes des autres disciplines. Dans d’autres établissements, les enseignants de français accompagnent leurs élèves dans une démarche d’autocorrection (erreur, correction et justification) pour laquelle ces derniers peuvent obtenir une rétribution des points perdus pouvant aller jusqu’à 10 % de la note du travail.

Des activités de perfectionnement, offertes par le CAF ou non, sont également souvent proposées aux élèves et aux membres du personnel enseignant et non enseignant. Ainsi, on n’hésite pas à produire du matériel à l’intention de l’ensemble de la communauté collégiale pour mesurer les connaissances en français écrit, et on offre des ateliers de perfectionnement et des formations sur divers sujets d’ordre linguistique. Dans quelques cégeps, on propose même de faire passer un test diagnostique aux membres du personnel, tout en assurant un suivi individualisé et des formations sur mesure.

Au cégep de Trois-Rivières[3], lorsqu’une candidate ou un candidat n’a pas bien réussi le test de présélection en français, la Direction assortit le contrat de cette personne de l’obligation de perfectionner son français écrit jusqu’à l’atteinte d’une compétence suffisante. En conséquence, à raison d’une heure par semaine pendant un ou plusieurs semestres, selon les besoins, la recrue est inscrite en tutorat.

Au collège universitaire de Saint-Boniface, on fait passer un test de classement aux nouveaux étudiants – à l’exception de ceux qui s’inscrivent au baccalauréat en éducation et au certificat en traduction, qui ont leurs propres évaluations. Les personnes qui ont d’importantes lacunes en français doivent préparer un plan de perfectionnement personnalisé qui peut comprendre, entre autres, une charge de cours réduite, des cours de langue non crédités (et donc facultatifs), du tutorat hebdomadaire, etc. Toute personne qui fait une demande d’admission au baccalauréat en éducation doit réussir le Test de maitrise du français écrit et le Test d’expression orale pour satisfaire aux exigences linguistiques de ce programme. De même, les étudiants admis conditionnellement en raison de leur français un peu faible doivent suivre un cours de français supplémentaire de trois crédits et préparer un plan de perfectionnement langagier. Ils doivent également subir de nouveau les épreuves de français à la fin de leur première année et, le cas échéant, à la fin de leur deuxième année.

Par ailleurs, la plupart des cégeps ont également équipé leurs ordinateurs du logiciel de correction Antidote, tout en assurant la formation du personnel et des élèves quant à l’utilisation de ce produit. Internet est aussi un outil auquel on a recours pour promouvoir le français dans les établissements collégiaux. Quelques cégeps, par exemple, s’en servent pour mettre en ligne une capsule linguistique chaque semaine soit dans le journal informatisé du collège, soit sur le portail de l’établissement. Un collège a même poussé l’idée plus loin en créant un centre de référence virtuel où, en suivant un horaire préétabli, on peut poser ses questions en direct à une personne-ressource qui répond en temps réel !

Des comités de veille, de révision ou de promotion ont également été mis en place pour valoriser le français. Souvent, leur mandat est de revoir les politiques départementales, de faire la promotion de la politique linguistique auprès des élèves et du personnel de l’établissement, ou encore, de rencontrer les départements afin d’établir des ponts entre la formation générale en français et la formation spécifique. Certains de ces comités s’occupent aussi d’organiser des activités plus ludiques. Ainsi, au cégep de Rimouski, le VALF (Comité de valorisation de la langue française) met sur pied la Journée du défi linguistique. À cette occasion, les élèves et les membres du personnel sont invités à relever l’un des trois défis suivants : une journée sans sacres, une journée sans anglicismes ou une journée sans « tsé-comme-genre ». Cette activité connait un grand succès dans la communauté collégiale. Même les médias s’y intéressent, et l’initiative a été soulignée par l’Office québécois de la langue française. On organise aussi des concours avec tirages où des prix en argent sont offerts par Coopsco, et échangeables contre des œuvres littéraires ou des ouvrages de référence linguistique en français. Plusieurs de ces activités très courues se tiennent pendant la Francofête de mars.

Et la PIEA dans tout ça ?

Comme l’exige la PIEA, la maitrise de la langue est évaluée dans tous les cours autres que le français. Les règles de correction diffèrent selon les cégeps, souvent même d’un département à un autre dans un même établissement. Le pourcentage accordé à la qualité de la langue diffère beaucoup : généralement entre 5 % et 30 % du total des points pendant la session. Dans certains cégeps, ce pourcentage peut varier selon les départements. La quantité de points accordés au français peut aussi différer selon que l’évaluation est effectuée en classe ou qu’il s’agit d’un travail à faire à la maison ; un pourcentage supérieur (de 10 % à 20 %) sera évidemment attribué dans le deuxième cas. Afin de favoriser une évaluation équitable de la langue, certains cégeps fournissent une grille de correction commune à l’ensemble de leurs départements.

Pour ce qui est du total des points réservés à la correction de la langue dans les cours de français, les règles sont également très différentes d’un cégep à un autre. Les enseignants de la majorité des cégeps sondés attribuent un pourcentage variant entre 10 % et 40 %, la plupart des départements de français accordant 30 %. Dans quelques cégeps irréductibles, dont le cégep Beauce-Appalaches, où j’enseigne, et le collège François-Xavier-Garneau, les fautes sont comptabilisées sans limites dans les cours de français. Cette mesure peut paraitre très exigeante de prime abord, mais l’expérience vécue dans mon cégep est concluante. Mise en place depuis au moins 25 ans, elle nous permet de nous retrouver régulièrement dans les cinq premières places aux résultats de l’épreuve uniforme de français. La Direction des études m’a confirmé que le taux de réussite dans les cours de français n’était pas nécessairement affecté par la mesure.

À quels tests les candidats à l’enseignement en français sont-ils soumis ?

Au moment de l’embauche, certains cégeps font passer le même test de français à tous les futurs enseignants, peu importe la discipline. La consultation d’ouvrages de référence est parfois permise, et la note de passage à atteindre est alors plus élevée. Si elle est de 60 % pour les futurs enseignants de disciplines autres que le français, elle grimpe à 80 % ou même parfois à 90 % pour les enseignants de français. Aussi, la plupart des départements de français demandent à leurs futurs enseignants une rédaction sur un sujet imposé, lié ou non à la littérature, rédaction comportant une limite du nombre de mots (de 200 mots à quelques pages) ou du temps (de 30 minutes à une heure). Dans certains cégeps, on demande aux candidats de corriger une dissertation. Également, on peut leur soumettre un questionnaire visant à évaluer leurs connaissances de base en français. Enfin, il ne faut pas oublier la simulation d’enseignement, qui sert en outre à évaluer l’habileté des futurs enseignants à s’exprimer devant une classe.

Pour conclure…

Il ressort de cette enquête que le désir de stimuler l’intérêt pour la langue française chez les élèves et l’ensemble du personnel est présent dans le réseau collégial. En font foi les mesures implantées un peu partout, la volonté des cégeps de se doter d’une politique relative à la qualité du français ou d’une PIEA claire, ou encore, les tests auxquels sont soumis les futurs enseignants. En maintenant le cap, peut-être pourrons-nous voir un jour le français s’imposer au centre des préoccupations de tous dans les cégeps ! On peut quand même rêver… Bonne session ! * * *

  1. Ce texte est rédigé conformément aux rectifications orthographiques en vigueur. [Retour]
  2. Par souci d’équité, le nom des cégeps qui ont répondu à mon invitation n’est pas mentionné, sauf exceptions. [Retour]
  3. NDLR – Pour en savoir davantage sur les mesures liées à la politique institutionnelle de valorisation de la langue du cégep de Trois-Rivières, on se reportera à l’article de Colette Ruest publié dans le présent numéro. [Retour]

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