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Quelques emprunts aux langues régionales de France

Quelques emprunts aux langues régionales de France

Curiosités étymologiques

La langue française n’a pas seulement emprunté aux langues de pays voisins ou lointains, elle a aussi puisé – parfois dès le Moyen-Âge – dans les ressources de langues dites « régionales » comme l’occitan (aussi appelé provençal), dont l’apport a été particulièrement important (abeille, auberge, ballade, ciboulette, cigale, escargot, rossignol, vignoble, etc.), et le breton (balai, baragouin, bijou, darne, goéland, etc.).

L’emballante histoire du mot cadeau

Drôle d’histoire que celle de cadeau, mot d’origine provençale dont l’étymologie remonte au latin capitellum, dérivé de caput « tête ». Cadeau (début XVe) est un emprunt à l’ancien provençal capdel, mot désignant à l’origine un chef, une personne placée en tête, puis une grande lettre initiale placée « en tête » d’un écrit. Le mot capdel résulte lui-même de l’évolution du latin capitellum, diminutif de caput. En français, cadeau désigne d’abord, comme le mot provençal, une lettre capitale ornée servant à décorer et à embellir un texte. Puis, par analogie, le mot prend le sens d’« enjolivure ». Un glissement de sens plus marqué se produit au XVIIe siècle quand cadeau s’applique à une fête ou à un divertissement offerts à une dame, d’où, par extension, le sens actuel de « don », « présent », « objet que l’on offre pour faire plaisir » (fin XVIIe).

Datte, figue et griotte

Datte, figue et griotte : trois noms de fruits empruntés à l’ancien provençal. De ces trois mots, seul figue, résultant de l’évolution phonétique d’un mot latin, conserve son sens étymologique. Figue (XIIe) est, en effet, un emprunt à l’ancien provençal figa, lui-même issu du latin populaire fica (latin classique ficus) désignant déjà le fruit. Notons que figue a très tôt évincé les formes de l’ancien français fie et fige, issues également du latin fica.

Contrairement au mot figue, resté étroitement rattaché à son sens d’origine, les mots datte et griotte ont vu leur lien étymologique, l’un avec « doigt », l’autre avec « aigre », s’effacer progressivement en raison soit d’un glissement de sens, soit de changements phonétiques. Le mot datte (XIIe) est emprunté à l’ancien provençal datil, issu du latin dactylus « datte », lui-même emprunté au grec daktulos « doigt ». La datte, on l’aura compris, doit son nom à sa forme allongée rappelant celle d’un doigt. Le mot griotte (XVIe) résulte, quant à lui, de la déglutination (c’est-à-dire de la séparation) du mot agriotte, lui-même emprunté à l’ancien occitan agriota « cerise aigre », dérivé de agre « aigre ». Ainsi, l’accident phonétique qui a transformé l’agriotte en la griotte a eu pour conséquence de masquer le lien étymologique avec « aigre ».

Dans la cohue : « Ciel ! Mes bijoux ! »

Cohue est, avec balai (XIIe), un des plus anciens emprunts à la langue bretonne. Le mot cohue (XIIIe) est emprunté au breton koc’hu ou koc’hui, mot désignant à l’origine une halle, un marché public. Dès le XIVe siècle, le terme cohue s’applique, par association, à une assemblée se tenant dans la halle, puis à une réunion bruyante, tumultueuse, d’où, par extension, le sens moderne de « foule en désordre », d’« agitation » ou de « bousculade » : la cohue du temps des fêtes dans les magasins.

Pour ce qui est du mot bijou, c’est un emprunt, attesté vers le milieu du XVe siècle, mais datant vraisemblablement du XIVe, au breton bizou signifiant « bague », dérivé de biz « doigt ». En français, le mot est passé du sens d’« anneau pour le doigt » à celui, plus général, d’« objet précieux servant de parure ». Le mot bijou a eu deux dérivés : bijouterie, attesté dès le XIVe siècle, ce qui permet de croire que bijou est un emprunt antérieur au XVe ; et bijoutier (XVIIe), mot signifiant d’abord « qui aime les bijoux » avant de prendre, au XVIIIe siècle, le sens de « marchand de bijoux ». Bijou a, depuis le XVIe siècle, supplanté le mot joyau dans l’usage courant. Le mot joyau (joiaux, XIIe, pluriel de joiel, joel) serait, pour sa part, dérivé de jeu, le joyau étant étymologiquement une chose qui « amuse » et « réjouit ». Ajoutons que l’ancien français joiel ou joel est passé à l’anglais au Moyen-Âge sous la forme jewel.

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PRINCIPALES SOURCES

Dictionnaire étymologique et historique du français, Paris, Larousse, 2006.

Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Le Robert, 1994.

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