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Le bilan du Réseau Repfran, comme un début de concert

Cinq ans après l’annonce du cadre de mesures ministérielles pour la valorisation et l’amélioration du français dans les collèges[1], où en sont rendus les établissements? Comment les répondants et répondantes de ce dossier (repfrans) ont-ils rempli leur « ambitieuse et délicate mission[2] »? Pour le savoir, le Carrefour de la réussite, qui soutient le Réseau Repfran, les a invités en novembre 2015 à répondre à un questionnaire de bilan visant « à identifier les actions/mesures/activités qui ont vu le jour, se sont poursuivies ou ont été bonifiées grâce à la subvention » du Ministère[3].

Sur les 57 établissements actifs dans le Réseau, 52[4] ont fourni un état de leurs activités, traçant un portrait d’ensemble on ne peut plus représentatif de la réalité du milieu collégial québécois. Les données recueillies résonnent comme une musique symphonique à mes oreilles d’animatrice du Réseau Repfran[5]. Je vous donne à entendre ici des extraits du rapport préliminaire[6], qui s’articule autour des principaux axes du cadre de référence dont s’inspire le réseau[7].

La valorisation de la langue dans la communauté

Près des trois quarts[8] des établissements ont adopté ou mis à jour leur politique de la valorisation de la langue française (PVLF ou nommée autrement); ils l’ont renforcée par des modifications à leur politique institutionnelle d’évaluation des apprentissages (PIEA, 65 %), à leurs politiques départementales d’évaluation des apprentissages (67 %), à leur politique départementale de la langue (49 %), surtout à leur plan de la réussite (76 %) et à leur plan stratégique (80 %). Dans plusieurs autres collèges, cette mise à jour est en cours ou projetée.

D’ores et déjà figurent formellement dans les volontés des collèges des objectifs touchant l’amélioration des habiletés langagières des élèves et du personnel, et l’obligation d’évaluer la qualité du français dans toutes les disciplines. Un pourcentage de la note des travaux et examens est attribué au respect du code linguistique, cette note étant pondérée suivant la discipline – généralement plus importante dans les cours de français. Des efforts sont entrepris dans des départements pour assurer une plus grande cohésion à cet égard. On en appelle à la prise en charge collective du renforcement des compétences langagières des élèves comme du personnel, autant dans l’enseignement que dans les communications internes et externes; on intègre des modifications au contrat d’engagement liées à ces compétences, auxquelles se subordonnent certaines conditions d’embauche des enseignants (seuil de réussite d’un test, obligation de perfectionnement, etc.). Les comités de programme et les équipes départementales sont invités à s’approprier l’enjeu de la valorisation de la langue à partir de leur champ disciplinaire ou du profil de sortie de leurs élèves.

Sensibilisation à la politique de valorisation de la langue

La moitié des collèges a mis sur pied un ou des comités voués à la valorisation. Permanents ici, temporaires là, ces comités se consacrent à l’animation du milieu et à la concertation dans la réalisation de projets. Pour mieux sensibiliser et mobiliser la communauté, un comité peut se composer de membres variés du personnel, ce qui ouvre à des points de vue diversifiés.

Le plan de mise en œuvre[9] des politiques prévoit souvent une consultation des membres concernés. Il s’agit tantôt d’un sondage mené auprès des enseignants et enseignantes, tantôt d’une rencontre des responsables de programme avec le ou la repfran. Ces tournées s’adressent aussi à l’ensemble du personnel et servent à recueillir les observations et les suggestions du milieu par rapport au dossier de la langue. Toutes ces activités de sensibilisation révèlent de réels besoins de perfectionnement à combler en matière de compétences langagières.

Activités dans les collèges pour promouvoir la qualité de la langue

Afin de promouvoir la qualité de la langue dans leur milieu, les repfrans s’affairent sensiblement autour des mêmes tâches : l’animation du milieu (96 %); l’offre de diverses formes d’autoperfectionnement (90 %); la production et la diffusion de matériel pour l’amélioration du français (87 %); l’installation d’un logiciel tel Antidote sur un grand nombre d’appareils informatiques (92 %); le soutien de projets pédagogiques valorisant la langue (80 %); la tenue de journées d’étude consacrées au perfectionnement des compétences langagières, à la correction et à l’évaluation du français (62 %).

L’animation du milieu recourt à une panoplie d’activités promotionnelles fourmillant d’un collège à un autre, plusieurs à caractère à la fois ludique et formatif : dictée, concours de tout acabit, jeux littéraires, affiches, babillard, bibliothèques de corridor, etc. Bon nombre figurent régulièrement, à plus ou moins long terme, au calendrier des collèges. Des activités ciblant les élèves valorisent le français par des moyens susceptibles de les atteindre, comme l’Internet et les réseaux sociaux. Du côté des enseignants, on veut élargir la responsabilité des départements quant au rôle de ces derniers dans l’amélioration de la qualité du français. Pour tout le personnel, des journées de réflexion sur la langue sont au programme.

Ils ne manquent pas, les projets qui continuent de voir le jour dans le réseau en vue de valoriser la langue! Certains d’entre eux peuvent aboutir à un mandat de recherche en bonne et due forme s’arrimant aux priorités du milieu dans le dossier de la réussite.

Les tests de français à l’embauche

Tous les collèges font passer un test de français au moment de l’embauche du personnel. Les tests diffèrent généralement d’un milieu à un autre dans leur format, leur teneur, leurs modalités de passation, leur évaluation et leur incidence sur le sort du candidat ou de la candidate à engager. Ils varient tout autant à l’intérieur du même établissement, en fonction de la catégorie de personnel considérée. Les attentes en matière de compétences langagières pour un corps d’emploi s’ajustent au niveau de maitrise jugé nécessaire pour l’exécution des tâches propres à cet emploi. Dans l’ensemble, on exige davantage pour les enseignants de français.

Dans la plupart des cas (86 %), on a révisé les tests à l’embauche. Révision qui a procuré à certains l’occasion d’une réflexion en profondeur sur l’harmonisation des pratiques d’engagement à l’étendue du collège. Il en est ressorti des pistes d’interventions souhaitables relativement aux différentes étapes du processus : l’affichage, la préparation des candidats, les modalités de passation du test, les seuils de réussite, le format des tests adapté aux catégories de personnel ainsi que les suivis pédagogique et administratif en cas d’engagement conditionnel[10].

Quant au « destin » réservé au candidat ou à la candidate échouant au test, une grande hétérogénéité caractérise là encore les pratiques. Rares sont les collèges où l’échec au test de français entraine de facto le non-octroi d’un poste; on préfère généralement une approche plutôt formative que discriminante. C’est pourquoi, si l’échec au test de français ne signifie pas automatiquement le rejet de la candidate ou du candidat, la personne se voit néanmoins invitée à combler ses lacunes en français au bout d’un laps de temps : par elle-même ou en s’engageant dans une formation plus balisée. Elle passera un test de reprise dans un délai variable suivant les établissements.

Les formules de perfectionnement[11] auxquelles on recourt le plus fréquemment dans le réseau sont le programme personnalisé (78 %) et le tutorat individuel sur le lieu du travail (59 %), tutorat offert tantôt au personnel administratif seulement, tantôt à toutes les catégories de personnel. Viennent ensuite les formations se déroulant en groupe : ateliers (45 %) et cours, crédités ou non, au collège ou à l’extérieur (27 %).

À noter que le dossier du candidat ou de la candidate ayant échoué au test de français à l’embauche fait l’objet d’un suivi administratif (84 %) et pédagogique (67 %). Des actions sont prévues ici et là pour revoir les critères d’engagement à la lumière du référentiel des compétences langagières inscrit dans le cadre de mesures ministérielles.

Le perfectionnement en matière de compétences langagières

Réussir à améliorer les compétences langagières des élèves implique un travail en amont et en parallèle avec leurs enseignants et enseignantes. L’un ne va pas sans l’autre. Qu’ils en soient conscients ou pas, qu’ils le désirent ou pas, les enseignants de toutes les disciplines représentent des modèles, des repères professionnels. Si ces personnes incarnent leur discours sur la qualité de la langue dans leur enseignement, dans leurs actions pédagogiques, elles deviennent le message, un message fort, convaincant et crédible. Comme plusieurs peuvent se sentir inhabiles à soutenir l’apprentissage langagier de leurs élèves, il est important que le collège leur donne tout l’accompagnement requis.

Les centres de référence linguistique

Pour répondre aux besoins ponctuels du personnel en français écrit, 78 % des collèges ont choisi d’offrir des services de consultation et de référence linguistique[12]. L’intervention s’effectue en personne, dans un local aménagé exprès ou de façon itinérante. Le soutien en français est aussi disponible sur le portail Internet du collège, sous la forme de blogues et d’une boite aux questions. On répond aux demandes par infolettre, par courriel ou par téléphone.

L’avantage reconnu à l’aide en ligne repose sur la flexibilité de son accès et sur sa discrétion, un facteur loin d’être négligeable dans ce genre de relation entre pairs et échelons hiérarchiques. Cette considération caractérise d’ailleurs souvent l’offre de services d’aide au personnel. L’expérience montre à quel point il faut, en ce domaine, tenir compte du facteur humain. Il ne va pas de soi pour des employés ou des enseignants de demander assistance en français et de prendre à témoin, ce faisant, un ou une collègue, ou pire… des élèves. On tient généralement à la confidentialité dans un tel contexte, un trait afférent au contact virtuel. Implanter un service d’aide requiert doigté, persévérance et souplesse afin d’établir le climat de confiance nécessaire au déploiement harmonieux du soutien linguistique. Instaurer ce climat à l’étendue d’un collège prend du temps, mais des progrès sont déjà manifestes à ce point de vue. Ce sont la plupart du temps les repfrans qui répondent aux demandes de la communauté en matière de langue, de concert avec soit des responsables du centre d’aide, soit des enseignants ou enseignantes de français, ou encore des conseillers ou conseillères pédagogiques.

La formation du personnel

Des activités de formation sont offertes à tout le personnel, enseignant et non enseignant. Elles ont porté jusqu’ici surtout sur les points suivants : l’utilisation du logiciel Antidote (82 %); la correction de la langue dans les copies d’élèves (70 %), au moyen de grilles institutionnelles ou inspirées d’ailleurs; la mise à jour des connaissances grammaticales, y compris la grammaire moderne (63 %); l’orthographe rectifiée (61 %), au sujet de laquelle on attend des collèges un avis formel de mise en vigueur; les modalités d’évaluation (55 %); l’enseignement de stratégies de lecture, d’écriture et de révision (53 %), incluant la rédaction épicène; le développement de compétences langagières adaptées aux disciplines (49 %), entre autres au moyen de l’approche par genres textuels; et la communication orale (27 %).

L’atelier représente le véhicule privilégié de formation (86 %), se donnant  notamment en département, lieu de ressourcement de prédilection dans la discipline enseignée. La formule du tutorat (55 %) est également appréciée pour le perfectionnement en français. Plusieurs collèges empruntent la voie du Web (51 %)  : capsules vidéos, théorie et exercices, infolettres, hyperliens, blogues sont à portée de main en tout temps, en accès libre et à volonté. Des établissements offrent même un ou quelques cours complets, dont deux en ligne. Le plus souvent responsables de ces activités et de ces cours, les repfrans assurent un encadrement sur mesure aux personnes inscrites.

Tous formats confondus – atelier, tutorat, site Web, cours crédités (16 %) ou non (20 %) –, la cible prioritaire dans les collèges demeure les enseignants (94 %), dont les activités s’attachent principalement à l’évaluation et à la correction des copies d’élèves. Le personnel technique et de soutien, les professionnels et les cadres, concernés dans une moindre proportion (72 %), s’intéressent particulièrement au logiciel Antidote.

L’aide aux élèves

Sans nous y attarder, mentionnons ici trois formes de soutien aux élèves qui ont également profité de l’entrée en vigueur du cadre de mesures, même si la plupart de ces mesures ne relèvent pas nécessairement des repfrans. Les centres d’aide en français (CAF) ont vu s’accroitre un peu partout leur fréquentation, leur offre de services ayant été enrichie et diversifiée : au tutorat par les pairs (94 %) s’ajoutent l’engagement dans une démarche plus autonome (77 %), des ateliers (68 %) et d’autres formules tels l’accompagnement en postcorrection et des CAF pour des programmes ciblés. Des mesures particulières sont également appliquées dans les départements de littérature afin de favoriser l’amélioration de la qualité de la langue des élèves dans les cours de français et à l’épreuve uniforme (EUF) : remaniement de la séquence des cours, réorganisation des cours, activités d’encadrement, ateliers de préparation à l’EUF et simulations de l’épreuve. Enfin, la présence de plus en plus nombreuse de non-francophones dans les collèges a donné lieu à des activités de soutien adaptées à leurs besoins : cours, ateliers, tutorat et autres services spécifiques.

L’intégration des apprentissages langagiers dans les cours de toutes les disciplines, incluant ceux de français

Depuis l’introduction du cadre de mesures ministérielles, on a vu s’accroitre le souci chez les enseignants de toutes les disciplines de contribuer au développement des compétences langagières. L’intégration du critère Langue dans les plans de cours et l’adoption de règles relatives à la correction constituent des principes de plus en plus acceptés dans la plupart des collèges.

Dans quelle mesure ces volontés politiques sont-elles appliquées? On constate une évolution dans le réseau. L’inventaire des gestes pédagogiques favorisant l’amélioration de la qualité de la langue fait ressortir certaines pratiques gagnantes. Au nombre de celles-ci : donner accès en classe à des outils linguistiques pour la rédaction et la révision (47 % des collèges le font et 42 % en partie), parfois dans toutes les salles de classe, le plus souvent dans celles de français; offrir aux élèves une formation pour une utilisation maximale d’Antidote (25 % oui, 46 % en partie); prévoir du temps en classe pour la révision d’un travail ou d’un examen (9 % oui, 42 % en partie); considérer le vocabulaire spécialisé dans l’évaluation du français (42 % oui, 40 % en partie); décrire plus explicitement dans les consignes de rédaction le genre de texte à produire (16 % oui, 62 % en partie); enseigner aux élèves des stratégies de révision linguistique (20 % oui, 36 % en partie). Toutefois, l’expérimentation de l’enseignement explicite des caractéristiques linguistiques propres aux genres d’écrits disciplinaires exigés des élèves n’en est qu’à l’état embryonnaire (4 % oui, 15 % en partie).

Un peu partout, les équipes départementales commencent à s’approprier de nouvelles façons de considérer la langue. Les repfrans mettent à leur disposition, de même qu’à celle du personnel et des élèves, du matériel maison ou obtenu d’autres collèges grâce à des échanges : trousse de correction, description de code, guide de rédaction, etc. La valorisation de la langue demande encore à s’enraciner dans les disciplines autres que le français. On espère pourtant le voir sortir des frontières des classes de littérature et de communication. Développer l’approche des genres textuels dans la formation spécifique représente une voie prometteuse : c’est là un moyen de mobiliser davantage les élèves et le personnel enseignant autour de l’enjeu de la langue dans les diverses disciplines[13-14]. Du soutien est nécessaire et souhaité pour accompagner et encadrer à cette fin les enseignants et les enseignantes.

La correction et l’évaluation de la langue dans les cours de toutes les disciplines, incluant ceux de français

Une réflexion pédagogique sur la correction constructive de la langue est en cours dans les départements et au sein des comités de programme des collèges (77 %). Des modalités d’évaluation du français[15] sont de plus en plus clairement établies par les départements (47 % oui, 49 % en partie), mises en application et incluses dans les plans de cours (56 % oui, 42 % en partie); les graphies de l’orthographe rectifiée sont de plus en plus acceptées (42 % oui, 48 % en partie). En certains endroits, on a adopté un code commun de correction mais, en général, les pratiques à cet égard divergent d’un département à un autre, parfois à l’intérieur d’un même département. Au-delà de la technique d’annotation des copies, la sensibilisation s’affine quant à l’importance d’une plus grande cohésion dans les pratiques relatives aux critères de correction, aux barèmes, à la pondération, à la grille d’évaluation, voire au développement d’un langage commun autour de l’évaluation du français.

Des travaux sont entrepris, des décisions se prennent, des journées d’étude amènent des équipes départementales à clarifier leur politique d’évaluation dans les plans de cours. Des ateliers regroupent des enseignants de toutes disciplines qui se penchent sur l’évaluation des compétences langagières. Des tournées de consultation et d’information de même que des journées pédagogiques sensibilisent les départements et sollicitent leur contribution pour une amélioration tangible à ce point de vue.

Progressivement prend forme une volonté d’harmoniser les pratiques d’évaluation de manière à garantir aux élèves davantage d’équité d’un cours à un autre. C’est sur ce plan surtout que les efforts semblent avoir convergé pour l’instant.

La contribution des repfrans et de leur réseau

Telles étaient, dans leurs grandes lignes, à la fin de 2015, les actions menées dans les collèges pour la valorisation du français. Les repfrans n’en sont pas toujours les agents directs, mais ils en sont tour à tour les défenseurs, les inspirateurs, les instigateurs, les catalyseurs et les promoteurs.

Les diverses facettes du mandat des repfrans se sont accentuées différemment selon les milieux. Pour une très grande part, leur action a relevé principalement de trois missions : le conseil auprès de la direction dans le dossier de la valorisation de la langue (96 %); l’animation et la sensibilisation de la communauté (92 %); l’accompagnement des équipes départementales dans l’enseignement et l’évaluation des compétences langagières (82 %). Ils et elles se sont occupés aussi du perfectionnement linguistique et langagier de l’ensemble du personnel (76 %) et du suivi pédagogique des nouveaux enseignants éprouvant des difficultés en français (58 %), ceci dans le cadre, notamment, du service de référence linguistique.

Près des trois quarts des collèges ont attribué une libération d’enseignement pour la fonction du ou de la repfran ou y ont réservé une portion de tâche professionnelle. Il est arrivé que les libérations ou les attributions de tâche aient connu une régression, liée aux ressources budgétaires; ce qui a inévitablement ralenti le nombre et le rythme des interventions.

Selon 98 % des collèges, la présence du ou de la repfran a contribué au progrès du dossier de la valorisation du français, entre autres, en facilitant le développement de liens entre les membres de la communauté. Liens qui commencent à rassembler autour du même objectif les enseignants de différentes disciplines, les coordonnateurs de département, les responsables de programme, le personnel administratif. Leur dynamisme rappelle la volonté du collège de faire une véritable priorité de l’amélioration de la qualité de la langue et de tabler sur la concertation pour y arriver. Les repfrans sont reconnus comme des personnes-ressources qu’on sollicite de plus en plus spontanément. Une relation de confiance s’installe progressivement entre eux et les autres membres de la communauté, un climat essentiel pour maintenir à l’ordre du jour de tout l’établissement le souci de la valorisation de la qualité de la langue parlée et écrite.

Le soutien de leur réseau, les journées d’étude, les webinaires, les capsules vidéos, le site Internet, l’animation et les ressources fournies par le Carrefour de la réussite[16] ont entretenu chez les repfrans une vue d’ensemble du dossier de la valorisation de la langue, leur ont permis de se mesurer aux défis qui se posent, de s’outiller pour mieux remplir leur rôle, d’échanger du matériel et des façons de faire avec des collègues d’autres établissements. Ces échanges ont favorisé une plus large diffusion de pratiques, de projets, d’expérimentations, de matériel, épargnant à certains de partir de zéro pour la mise au point d’outils ou d’activités et générant du même coup une économie appréciable de moyens.

Le réseautage stimule le partage des expertises, des idées, des stratégies qui consolident les interventions dans les collèges, en même temps qu’il confère au ou à la repfran la crédibilité nécessaire à sa reconnaissance par les diverses catégories de personnel. C’est là le gage d’un investissement collectif réussi en vue de l’amélioration des compétences langagières. La prise en charge effective de la valorisation du français par l’ensemble du personnel, au premier chef par les enseignants et enseignantes de toutes les disciplines, est, en définitive, un mouvement relativement jeune dans les collèges. Elle n’en est pas moins essentielle et garante de la suite des choses. Doivent s’étendre et se solidifier les liens entre les programmes et les départements dans le dossier du français. Ce dossier ne doit plus être vu comme l’apanage du département de littérature, mais l’affaire de tous et toutes; l’amélioration du français doit signifier plus que la seule réussite des cours de français et de l’épreuve uniforme.

Il s’agit là d’une entreprise de longue haleine à laquelle les repfrans ont donné un élan déterminant. Néanmoins, beaucoup de travail reste encore à faire. Les champs d’intervention identifiés au moment de la formation du réseau demeurent entièrement pertinents. Ils requièrent un engagement solide et durable pour une pérenne transformation des habitudes didactiques et pédagogiques, des procédures administratives et des attitudes à l’égard de la langue. Après quatre années d’efforts en synergie, les repfrans sont encore plus à même de s’y employer. C’est pourquoi il importe de poursuivre le développement de leur réseau, de reconnaitre leur rôle de porteurs de dossier, à l’égal des repcars et des reptics[17], et d’assurer la continuité de leurs actions dans les collèges.

* * *

Avant 2011, dans le réseau des collèges québécois, on se préoccupait de la qualité de la langue, et le nier serait occulter le travail accompli. On le faisait un peu à la manière des petits ensembles musicaux : chacun exerçant son style de façon assez isolée et dans une perspective temporelle souvent précaire, soumise aux aléas des ressources financières. Les mélomanes, même avertis, ne pouvaient entendre que des séquences mélodiques variées, tant par le tempo que par la sonorité; mais surtout éparses. Avec le cadre de mesures, le Ministère a focalisé l’attention et donné un signal de départ, la baguette du maestro invitant les collèges à jouer en formation d’orchestre symphonique. L’élan donné, il a fallu comprendre les enjeux, entendre les leitmotivs les plus percutants, apprendre à travailler ensemble. Les repfrans, exerçant le rôle de chef de pupitre dans leur milieu, ont accompagné et guidé tour à tour chaque famille d’instruments dans l’interprétation du thème principal et de ses modulations. Inspirés par les travaux menés dans le réseau, les répondantes et répondants ont enrichi leur répertoire, développé petit à petit une vision de l’œuvre à créer de façon à composer des partitions harmonisées. L’effervescence créative et innovante fait chanter les couleurs locales, trouve la voix/voie de l’engagement solidaire des membres de chaque communauté, comme en un crescendo. Progressivement, les répétitions assureront le rythme de la mélodie. Le concert ne fait que commencer…!

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  1. Lettre de Mme Christiane Piché, sous-ministre adjointe à l’enseignement supérieur, le 20 juin 2011. [Retour]
  2. RUEST, Colette. « Valoriser le français dans les collèges : l’ambitieuse et délicate mission du Réseau Repfran », Correspondance, vol. 18, no 3, avril 2013, p. 3-6. [Retour]
  3. FILION, Anne, et Colette RUEST. Valorisation de la langue française : bilan des actions; questionnaire pour faire état de la situation dans le réseau collégial, Fédération des cégeps, octobre 2015, 17 p. [Retour]
  4. 48 collèges francophones et 4 anglophones, dont 47 publics et 5 privés. [Retour]
  5. L’opération de compilation des actions menées dans les collèges ne prétend pas à l’enquête scientifique, elle ne se voulait pas une évaluation non plus. Néanmoins, elle s’appuie sur les informations fournies par les 52 collèges actifs dans le Réseau Repfran. Il n’est malheureusement pas toujours possible de chiffrer la portée ou la fréquence de ces actions. Aussi est-il important de regarder le tableau brossé ici non pas comme une image monolithique du réseau, mais plutôt comme un ensemble d’actions qui se développent progressivement et à des rythmes différents dans la diversité des établissements collégiaux. [Retour]
  6. Au moment d’écrire le présent article, le rapport officiel est en cours de rédaction, il fera l’objet d’une présentation au colloque annuel du Carrefour de la réussite et aux journées de rencontre Repcar et Repfran en avril 2016. [Retour]
  7. Cadre de référence conçu par l’animatrice du Réseau et présenté lors de la Journée Repfran du 26 octobre 2012. Voir Colette RUEST, op. cit., p. 3. [Retour]
  8. Les pourcentages donnés correspondent à la proportion des 52 collèges qui ont répondu au questionnaire sur la situation de leur établissement relativement à l’aspect traité. [Retour]
  9. À partir de la communication d’Anne-Marie Duval portant sur l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan d’action (Journée Repfran du 11 avril 2014), deux capsules Web ont été produites : DUVAL, Anne-Marie, Quand amélioration et valorisation de la langue riment avec planification et accompagnement. La première capsule porte sur la planification et est en ligne sur le site du Carrefour : http://www.lareussite.info/2016/02/quand-amelioration-et-valorisation-de-la-langue-riment-avec-planification-et-accompagnement-la-planification/; la deuxième, sur l’accompagnement, paraitra en avril 2016. [Retour]
  10. RUEST, Colette. « Test de français à l’embauche dans les collèges : constats et questions du Réseau Repfran », Correspondance, vol. 20, no 3, avril 2015, p. 25-29. [Retour]
  11. Suites pédagogiques au test de français à l’embauche, webinaire du Réseau Repfran tenu le 20 février 2015. Vidéo sur le site du Carrefour : http://www.lareussite.info/2015/03/webinaire-repfran-sur-les-tests-a-lembauche/ [Retour]
  12. Référence linguistique : SRL, CRL, webinaire du Réseau Repfran tenu le 10 décembre 2015. Vidéo sur le site du Carrefour : http://www.lareussite.info/2016/01/webinaire-repfran-reference-linguistique-srl-et-crl/ [Retour]
  13. ROBERGE, Julie, et Colette RUEST. « Enseignement et représentations autour de l’écrit », Correspondance, vol. 19, no 2, janvier 2014, p. 3-7. [Retour]
  14. BOUDREAU, Jean-Philippe. « Valoriser l’écrit dans les disciplines; quand la formation spécifique se donne un genre ». Capsule Web sur le site du Carrefour : http://www.lareussite.info/2015/05/lapproche-par-les-genres-textuels-propres-aux-disciplines-vous-connaissez/ [Retour]
  15. RUEST, Colette. « Modalités de correction et d’évaluation de la langue : réflexion du Réseau Repfran », Correspondance, vol. 21, no 1, octobre 2015, p. 25-31. [Retour]
  16. Outre les ressources du site (fil de nouvelles, zone de veille, appels à tous et bibliothèque virtuelle), le Carrefour de la réussite a organisé 2 rencontres annuelles en présence auxquelles se sont ajoutés, au cours des 15 derniers mois, 3 séminaires virtuels (webinaires) ainsi que 3 capsules Web. [Retour]
  17. Repcars : répondants et répondantes de la réussite dans les collèges; Reptics : responsables de l’intégration des technologies de l’information et de la communication dans les collèges. [Retour]

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