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L’utilisation d’un code de correction pour identifier les erreurs de langue: lequel choisir?

L’utilisation d’un code de correction pour identifier les erreurs de langue: lequel choisir?

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utilisation d’un code pour désigner les erreurs de langue fait de plus en plus partie des habitudes de correction des enseignants de français. Si ceux du secondaire ont adopté depuis longtemps cette façon de faire, compte tenu que l’examen ministériel de 5e secondaire a été implanté au milieu des années quatre-vingts, les enseignants du collégial ont suivi la vague, surtout depuis l’instauration de l’épreuve uniforme de français, en 1995. Dans les faits, c’est l’utilisation d’une grille unique par les correcteurs des différentes épreuves qui a motivé le ministère de l’Éducation à développer un code général d’identification des erreurs de langue, étant donné que les deux derniers critères des multiples grilles, qu’elles soient utilisées au secondaire ou au collégial, portent sur la syntaxe et la ponctuation, ainsi que sur l’orthographe d’usage et l’orthographe grammaticale. Il est donc normal d’observer que le code mis de l’avant par le MELS soit le plus connu des enseignants de français, même s’il n’a pas été d’abord pensé pour une utilisation en classe. Ce code reprend les lettres des quatre grandes catégories d’erreurs : « S » pour syntaxe, « P » pour ponctuation, « U » pour usage et « G » pour grammaire[1]. Certains enseignants ont recours à des variantes – par exemple, l’utilisation de la lettre « O » pour orthographe. Ce qui ne varie pas, toutefois, c’est le petit nombre de codes.

Quatre codes sous la loupe…

Les grandes catégories du code du MELS

S   Syntaxe P   Ponctuation U   Usage G   Grammaire

L’avantage du code du MELS est double : il y a peu de lettres à retenir pour les élèves et ce code est en cohérence avec le découpage des grilles de correction du MELS. L’élève n’est pas surpris de voir les notes qu’il obtient aux deux derniers critères des grilles d’évaluation (phrase correcte/ponctuation ainsi qu’orthographe d’usage et grammaticale) s’il se donne la peine de compter les occurrences des lettres placées en marge par son professeur. Toutefois, le principal inconvénient est aussi le peu de lettres utilisées : la lettre « G », par exemple, couvre un trop grand nombre d’erreurs pour que cette mention soit une aide efficace pour l’élève. Comment ce dernier peut-il arriver à faire la différence entre un adjectif mal accordé, codé « G », un mauvais accord de participe passé ou du sujet avec le verbe, également codés « G » ? Pour que l’élève puisse s’y retrouver, le code doit être divisé en sous-catégories.

Parallèlement à ces codes trop généraux, mais qui avaient l’avantage de souligner les catégories d’erreurs, d’autres codes ont été « inventés » de façon à préciser davantage la nature des erreurs. C’est notamment le cas de celui conçu par Brousseau, Jean, Garet et Leclerc (1991), dont des extraits sont présentés ici[2].

 

Extraits de la grille de correction du SALF[3]
(Brousseau et autres, 1991)
ORTHOGRAPHE O-1  Faute d’orthographe O-2  Accents

GRAMMAIRE G-1  Accord du verbe avec son sujet G-2  Accord singulier/pluriel G-3  Accord masculin/féminin

PHRASE P-1  Structure de phrase P-2  Emploi du temps ou du mode de verbe P-3  Ponctuation

VOCABULAIRE V-1  Terme ou expression impropre V-2  Mauvaise acception du terme

TEXTE T-1  Clarté du texte T-2  Problème d’introduction ou de conclusion

 

Ces codes sont regroupés selon de grandes catégories semblables à celles du MELS. Leur plus grande précision vient du fait que chaque catégorie est divisée en sections qui allient chiffres et lettres, ce qui permet à l’enseignant, comme à l’élève, de reconnaître plus précisément la nature de l’erreur. Toutefois, la mémorisation de chiffres, qui établissent un ordre arbitraire de différenciation des erreurs dans un même groupe, constitue un écueil : si l’élève n’a pas sa feuille de codes sous les yeux, il ne se souviendra que des lettres. Les chiffres représentent alors une aide bien limitée, semblable à celle offerte par les codes du MELS, lesquels regroupaient trop d’erreurs dans une seule catégorie. On peut aussi penser, vu qu’elle est arbitraire, que la liste de chiffres constitue un obstacle important pour les élèves, surtout si elle change d’une session à une autre ou d’un professeur à un autre. Par ailleurs, pour les étudiants en difficulté, ces codes chiffrés sont loin de faciliter la maîtrise de la langue écrite. En effet, si les erreurs fréquentes sont rapidement repérées parce que l’enseignant, comme l’élève, peut retenir avec le temps le chiffre qui leur est associé, il en va tout autrement des erreurs moins usuelles. Devant la complexité de la tâche de mémorisation de chiffres arbitraires, le code mnémotechnique lettré représente une solution fort intéressante, car il renvoie à des concepts connus dans l’enseignement et dans l’apprentissage de la langue. Voici des extraits d’un tel code.

Extraits d’un code mnémotechnique lettré[4]

ADaccord du déterminant
  • s’accorde en genre et en nombre avec le nom
ANaccord du nom
  • s’accorde en genre et en nombre avec l’article ou l’adjectif déterminant
APaccord du participe passé
  • s’accorde en genre et en nombre avec le nom employé seul, sans auxiliaire
APAaccord du participe passé employé avec l’auxiliaire avoir
  • s’accorde en genre et en nombre avec le complément direct placé en avant du verbe
AQaccord de l’adjectif qualificatif
  • s’accorde en genre et en nombre avec le nom
AVaccord du verbe
  • s’accorde en nombre et en personne avec le sujet
CVconjugaison du verbe
  • consulter un ouvrage de conjugaison
Uorthographe d’usage
  • consulter un dictionnaire
V-vocabulaire
  • changer l’anglicisme pour un mot français
  • changer le mot vague par un mot plus juste
  • changer le mot populaire pour un mot plus neutre
ALaccord logique
  • le pronom s’accorde en genre et en nombre avec le nom qu’il remplace
  • quand le sens général de la phrase l’exige
Pponctuation
  • consulter les règles de ponctuation
Ssyntaxe
  • changer, ajouter ou enlever le mot pour respecter la syntaxe de la phrase

Ce code, on le voit, a été conçu à partir des premières lettres de l’erreur ciblée. Dans ce cas précis, la présentation graphique permet aussi de rappeler les règles de base du français écrit auxquelles l’élève doit se référer pour corriger ses erreurs. L’important n’est pas le nombre de codes, mais les mots auxquels ils renvoient. Dans ce premier exemple, le code mnémotechnique lettré présente 22 catégories différentes, ce qui peut sembler difficile à retenir. Toutefois, étant donné qu’elles ont été construites à partir des premières lettres de différentes règles de grammaire, il sera toujours possible, logiquement, pour l’enseignant comme pour l’élève, de reconstituer la signification d’un code qui semble inconnu en faisant appel à ses connaissances linguistiques. Le deuxième exemple d’un code mnémotechnique lettré est conçu selon des paramètres semblables, c’est-à-dire en utilisant les premières lettres de la règle de grammaire à observer.

Le code Préfontaine-Fortier (2004)

 CODES
1. Les accordsdans le groupe du nomaGN
 dans le groupe du pronomaGPron
 dans le groupe du verbeaGV
 dans le groupe de l’adverbeaGAdv
2. La structuredu groupe du nomsGN
 du groupe du verbesGV
 du groupe de la prépositionsGPrép
 de la phrasesP
 du textesT
3. La cohérencedu textecT
4. L’orthographe d’usageU
5. Le lexiqueL

Dans ce code, les lettres minuscules indiquent le type d’erreur (« a » pour accord, « s » pour structure et « c » pour cohérence). Les majuscules précisent l’endroit où se trouve l’erreur, faisant appel à la nomenclature de la nouvelle grammaire. Dans le cas des deux codes ci-dessus, l’élève doit utiliser à ses connaissances sur la langue pour pouvoir « décoder » les codes de son enseignant. L’avantage, c’est que ceux-ci font justement appel à ce que l’élève doit savoir. Résultat : il y a une grande cohérence entre l’enseignement de la langue en classe et la correction de la langue sur les copies. Ce type de code permet aux enseignants et aux élèves d’employer le même métalangage dans l’enseignement de la langue et dans son évaluation. Enfin, le choix des lettres n’étant pas arbitraire, il facilite sans contredit l’appropriation des codes, tant par les enseignants que par les élèves. Il est aussi possible de penser jumeler ces deux codes mnémotechniques lettrés selon le moment de la session. Par exemple, au début de la session, notamment dans les cours de mise à niveau, l’enseignant pourrait choisir de séparer les différentes erreurs d’accord du participe passé « APA » (accord du participe passé avec l’auxiliaire avoir), « APE » (accord du participe passé avec l’auxiliaire être) ou « APP » (accord du participe passé à la forme pronominale). En seconde moitié de session, il pourrait intégrer ces codes au supracode « aGV » (accord dans le groupe du verbe) puisque certaines erreurs pourraient être moins fréquentes au fur et à mesure que l’élève atteint des compétences langagières. L’important est d’employer un langage que les élèves connaissent et qui fait écho à ce qui est enseigné en classe.

Où placer les codes ?

Tous les codes, quels qu’ils soient, peuvent être inscrits à différents endroits sur le texte de l’élève, selon le but pédagogique poursuivi. Ainsi, on peut penser qu’un enseignant qui place les codes en marge, vis-à-vis la ligne où se situe l’erreur, souhaite amener l’élève à trouver lui-même l’erreur qui correspond à chaque code. Il lui demande un effort cognitif important pour régler ses problèmes de langue et, dans ce cas précis, il ne veut probablement pas l’amener à réfléchir sur le contenu de son texte. Si, au contraire, les codes sont écrits au-dessus des mots fautifs, ils servent avant tout à indiquer à l’élève les mots contenant des erreurs et la nature de ces erreurs, sans trop le faire chercher. Cette méthode lui permet de se concentrer sur le contenu du texte corrigé, parce qu’il n’a pas trop d’efforts à mobiliser pour comprendre à la fois ses erreurs de langue, de structure ou de contenu. Les deux façons de faire sont possibles ; il s’agit d’un choix pédagogique de l’enseignant, en fonction des compétences qu’il veut développer chez l’élève.

Une dernière réflexion…

Souvent, le choix du code pour identifier les erreurs de langue a été fait inconsciemment par les enseignants, soit parce qu’il a été suggéré par des collègues, soit parce qu’il a été imposé par le département. Il importe surtout d’opter pour un code en toute connaissance de cause, de façon à rendre l’apprentissage de la langue – et son évaluation – le plus cohérent possible. Si les élèves ne comprennent pas le code ou n’arrivent pas à le retenir, ce qui se voulait aidant au départ se révèle presque inutile. Aujourd’hui, l’utilisation de tels instruments d’identification des erreurs de langue fait pratiquement l’unanimité chez les enseignants de français parce qu’ils aident les élèves à maîtriser les rouages de la langue. Mais pour qu’un code soit encore plus utile, il serait grandement souhaitable que son utilisation soit adoptée par l’ensemble des professeurs du département (et pourquoi pas, du cégep !) afin que les élèves n’aient pas à s’en réapproprier un nouveau chaque fois qu’ils changent d’enseignant. Que de belles discussions pédagogiques en perspective ! * * *

  1. Ce code s’est considérablement enrichi au fil des ans tel qu’en témoigne le Guide de correction de l’Épreuve uniforme de français. Cependant, dans la pratique, les professeurs n’ont retenu que ces grands types d’erreurs dans leurs propres grilles de correction. Retour
  2. Le code complet est présenté dans Brousseau, André, Jean, Lionel, Garet, Nicole et Jacques Leclerc, Le Français pour l’essentiel, Montréal, Mondia, 1991 et dans Roberge, Julie, Corriger les textes de vos élèves. Précisions et stratégies, Montréal, Chenelière-Éducation, 2006. Retour
  3. Le Service d’aide en langue française du Collège de Bois-de-Boulogne. Retour
  4. Le code complet est présenté dans Roberge, Julie, Corriger les textes de vos élèves. Précisions et stratégies, Montréal, Chenelière-Éducation, 2006, p. 47-48. Retour
Bibliographie Brousseau, André, Jean, Lionel, Garet, Nicole et Jacques Leclerc, Le Français pour l’essentiel, Montréal, Mondia, 1991. Préfontaine, Clémence et Gilles Fortier, Mon portfolio d’apprentissage en écriture, Montréal, Chenelière, 2004. Roberge, Julie, Corriger les textes de vos élèves. Précisions et stratégies, Montréal, Chenelière Éducation, 2006.
 

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