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La valorisation du français dans les cégeps anglophones

La valorisation du français dans les cégeps anglophones

Dans un précédent article (vol. 17, n°3), nous proposions un portrait des CAF dans le réseau anglophone et annoncions la publication, dans un prochain numéro, d’un état de la situation au sein de notre secteur linguistique à la suite de l’investissement financier du gouvernement québécois dans un cadre de mesures pour l’amélioration de la maitrise du français dans les collèges (ici abrégé en CMAMF). Nous avons ainsi sondé à nouveau de façon non scientifique les répondants de cinq cégeps anglophones publics, trois cégeps anglophones privés et deux cégeps publics où l’enseignement est offert dans les deux langues, soit 10 personnes. Celles-ci devaient répondre à deux questions ouvertes : décrire l’aide apportée dans leurs collèges respectifs 1) aux élèves, 2) au personnel enseignant et non enseignant, et ce, avant et après l’investissement du gouvernement. Nous vous présentons les principales observations auxquelles a donné lieu notre enquête sur les mesures consacrées à la valorisation du français.

L’aide aux élèves

Les résultats de notre sondage indiquent que les cégeps anglophones développent de plus en plus d’activités et de services pour améliorer la qualité de la langue de leurs élèves. D’un cégep à un autre, l’offre est variée et originale, mais en ce qui concerne l’aide aux élèves, nous constatons une récurrence dans la volonté d’améliorer les services offerts dans les centres d’aide. Au cégep John Abbott et au collège Champlain Saint-Lambert[1], les sommes investies ne visent plus uniquement les élèves du niveau 100[2], comme prévu par les décideurs, mais les élèves de tous les niveaux. Ainsi, ceux et celles qui désirent parfaire leur syntaxe et leurs compétences rédactionnelles trouveront des enseignants ou des professionnels pour les accompagner dans leur démarche, tout comme les élèves éprouvant de grandes difficultés autant à l’oral qu’à l’écrit. Au cégep Vanier, le Service d’aide et de référence en français (SARF) s’ajoute au Centre de langue écrite et orale (CLÉO), surtout pour répondre aux besoins des élèves éprouvant des difficultés d’apprentissage. Au collège Dawson, par ailleurs, il est question d’élaborer davantage de cours complémentaires en français et de séjours culturels axés sur le développement des habiletés linguistiques. Ce cégep examine aussi la possibilité de développer un DEC profil bilingue en sciences humaines avec ses propres ressources francophones au sein du collège. Ces mesures font partie d’un plan d’action élaboré dans la foulée du CMAMF par un comité d’enseignants.

Dans certains cégeps plus petits comme Heritage, la taille des groupes de français de niveau 101 (intermédiaire) a été réduite, passant de 30-35 élèves à 25. Au collège LaSalle, on a mis sur pied le centre Flash, dédié à l’aide en français langue seconde (FLS), où un enseignant de cette discipline offre un soutien personnalisé. Quelques cégeps tel Champlain, qui compte trois campus, doivent cependant se diviser les 35 000 $ alloués par année, ce qui réduit considérablement l’offre de services. À Champlain St. Lawrence, un service de tutorat par les pairs a été instauré, mais seuls les élèves très faibles peuvent en bénéficier. Au cégep de la Gaspésie et des Iles, la totalité des sommes sert à bonifier les services de tutorat offerts par les enseignants et les pairs; tous les élèves, peu importe leur niveau, peuvent en profiter.

L’aide au personnel enseignant et non enseignant

En plus d’exiger des services visant l’amélioration de la qualité du français chez les élèves, le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Science et de la Technologie attend des établissements qu’ils offrent du soutien au personnel enseignant ainsi qu’à la communauté collégiale en général. Au collège O’Sullivan de Montréal, cette aide s’est traduite par l’installation du logiciel Antidote sur les ordinateurs des enseignants et des membres du personnel administratif. Des ateliers de perfectionnement sur l’utilisation du logiciel sont offerts, sans compter l’ajout de deux personnes ressources qualifiées pour corriger les textes produits par les employés des secteurs administratif et pédagogique. À Champlain Saint-Lambert et à Vanier, des programmes de tutorat, des formations en français et des ateliers de conversation sont proposés aux cadres et aux employés. Au collège LaSalle, les enseignants de tous les programmes peuvent demander l’aide d’un tuteur dans le but de mieux maitriser la langue commune du Québec. Peu de cégeps anglophones offrent pour le moment ce type de service, mais on constate que l’idée fait son chemin.

Considérations prospectives

À la lumière de cette enquête, voici quelques suggestions concernant le suivi à assurer pour cet important investissement du Ministère. Ces pistes, proposées à titre personnel, émanent à la fois de notre expérience sur le terrain et de nos réflexions au sein du Comité des enseignants de FLS.

Selon l’article 88 de la Charte de la langue française, les cégeps anglophones ont deux responsabilités à l’égard du français[3] : l’enseigner comme langue seconde et l’utiliser dans leurs communications avec le gouvernement. Les politiques internes des collèges reflètent ces deux exigences et s’y limitent. Sans attendre de leur part qu’ils se dotent d’une politique de valorisation du français aussi détaillée que celle du secteur francophone, il nous semble qu’ils pourraient bonifier leur offre. Par exemple, il serait souhaitable que ces établissements communiquent systématiquement avec les employés dans la langue de leur choix et offrent aux élèves la possibilité de recevoir la correspondance en français s’ils le désirent. Nous pourrions, à faible cout, valoriser le français en donnant le choix de la langue de communication à toutes les personnes qui entrent en contact avec les collèges. À l’ère des banques de données, il est relativement simple de modifier un profil linguistique sur un portail informatique. De plus, l’Entente Canada-Québec peut financer la traduction de documents pour les collèges.

Par ailleurs, peu de temps après la création du CMAMF, les collèges anglophones ont établi que les indicateurs relatifs aux « seuils d’amélioration du taux de réussite aux cours de FLS[4] » qui serviraient pour évaluer les mesures mises en place se concentreraient sur le niveau élémentaire (602-100-MQ). Cette décision était souhaitable, puisque les élèves classés dans ce niveau ne sont pas en mesure de rédiger un texte courant ou de tenir une conversation en français. Toutefois, il serait également opportun que les collèges créent des indicateurs pour évaluer l’amélioration des services auprès du personnel enseignant et non enseignant, puisque « l’ensemble des actions mises en œuvre pour renforcer la maîtrise du FLS[5] » seront évaluées et que ces indicateurs devront « être intégrés aux résultats attendus du plan stratégique [des cégeps publics] ou de la planification annuelle[6] » des établissements privés.

À ce sujet, non seulement il est important qu’il y ait une évaluation à la fin du plan quinquennal, mais il serait pertinent à notre avis qu’une évaluation de nature « formative » soit menée dès l’an prochain, à mi-parcours : cela permettrait d’ajuster les mesures prises dans les établissements selon les forces et les faiblesses observées.

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Les enseignants de FLS ont accueilli très favorablement le CMAMF, car il leur fournit des moyens et du soutien pour agir au sein de collèges où le français occupe une place marginale. Devant des retombées aussi positives, on ne peut qu’espérer une reconduction du financement du CMAMF dans trois ans et demi afin que les collèges anglophones puissent maintenir, voire accroitre leurs efforts de valorisation du français.

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  1. Voir « Un CAF nouveau genre au collège Champlain de Saint-Lambert allie socialisation et apprentissage du français », Correspondance, vol. 18, n° 1. [Retour]
  2. Mentionnons que dans un cégep anglophone, les élèves doivent suivre au minimum deux cours de français langue seconde. Il existe quatre grands niveaux de cours, de élémentaire (100) à avancé (103). Les élèves sont placés dans le niveau adéquat à partir d’un classement effectué selon les résultats obtenus dans leurs cours de français au secondaire. [Retour]
  3. Au moment d’aller sous presse, le gouvernement Marois déposait le projet de loi 14 qui pourra, s’il est adopté, avoir un impact à cet égard (NDLR). [Retour]
  4. Lettre de la sous-ministre adjointe à l’Enseignement supérieur à l’attention des directeurs généraux datée du 27 juin 2011. [Retour]
  5. Loc. cit. [Retour]
  6. Ibid. [Retour]

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