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Enseignement et représentations autour de l’écrit

Enseignement et représentations autour de l’écrit

Julie Roberge est repfran au cégep Marie-Victorin. Colette Ruest, avant de devenir animatrice du Réseau Repfran, s’est beaucoup impliquée dans les dossiers de valorisation du français au cégep de Trois-Rivières, où elle a enseigné pendant 36 ans. Parallèlement aux multiples initiatives de valorisation de la langue mises en place dans les cégeps et afin de donner une congruence aux efforts investis, les auteures sont convaincues que les actions gagnent à s’appuyer sur une réflexion qui tient compte des représentations liées à la langue et à l’écrit.

L’expérience nous a montré que pour amener les enseignants à contribuer au développement et à l’évaluation des compétences langagières, la clé magique, c’est la mobilisation de tous nos collègues, quelle que soit leur discipline. Les activités organisées par les repfrans[1], variées et souvent inventives, n’obtiennent malheureusement pas toujours le succès attendu. Blogues malaimés, concours peu courus, capsules désertées, modalités de correction plus ou moins appliquées : plusieurs répondants du dossier de la valorisation de la langue gardent en mémoire le souvenir douloureux d’une initiative pourtant conviviale et pertinente qui n’a rejoint qu’un public déjà convaincu. Les autres, où sont-ils? Pourquoi est-ce si difficile de les mobiliser pour une cause aussi vertueuse? Ces questions méritent que l’on s’y arrête en analysant à la fois les interlocuteurs et la réponse qu’y donneraient les personnes qui, justement, ne viennent jamais à ces activités.

Les repfrans doivent intervenir avec doigté pour gagner l’adhésion, la participation, la cohésion et l’engagement de tous dans les collèges. Comment y parvenir? Certainement pas en se posant en prosélyte, sûr de soi et de son bon droit, ni en pointant, sans tact, les lacunes et les besoins des collègues afin de leur prouver qu’ils se doivent de modifier leurs pratiques. Il s’agit plutôt de comprendre l’autre. Pour ce, mieux connaitre ses réticences ou ses préoccupations plus pressantes constitue une condition incontournable.

Les représentations liées à la langue

Dans ce contexte, une approche fort intéressante consiste à réfléchir aux représentations liées à la langue et à l’écrit de tous les acteurs en présence. En effet, aucun enseignant de français n’ignore que, par exemple, certains élèves entretiennent un rapport fort négatif au français, rapport qui influence leurs manières de travailler et de se comporter, même en classe de français. Si l’on accepte cette idée, ne peut-on pas également poser que le rapport à l’écrit qu’entretiennent nos collègues conditionne leur façon d’enseigner et de corriger? Nous partons donc de la prémisse que les représentations ont un effet sur les actions. En d’autres termes, les valeurs des enseignants, leur rapport à l’écrit et leurs croyances à l’égard des compétences linguistiques de leurs élèves, de la langue, de la fonction de l’écrit dans l’apprentissage forment la base des représentations qu’ils se font de leur rôle d’enseignant.

Parmi les conceptions de la langue les plus répandues, mais malheureusement erronées, se trouve celle-ci : la langue est un objet stable, figé. L’intimidante lourdeur du dictionnaire serait d’ailleurs le symbole de cette immuabilité. C’est souvent en raison d’une telle perception que certains enseignants seront surpris – et troublés – devant les réformes (par exemple, les rectifications orthographiques de 1990), les nouvelles approches didactiques (comme la « nouvelle » grammaire), les nouvelles prescriptions (telle la rédaction épicène) et l’évolution du lexique, notamment l’inclusion du vocabulaire des réseaux sociaux, de l’informatique, etc.

Une autre conception, partagée par Platon, Denise Bombardier et le frère Untel (et des centaines d’autres), veut que l’âge d’or de la langue soit dans le passé; qu’avant, on parlait mieux et on écrivait mieux. Quelle période correspondrait à cet âge d’or? Voilà qui se ne détermine pas si facilement! Il est certain que tout locuteur ne cesse d’apprendre sa langue, tout au long de sa vie; les enseignants, dont l’âge croît inéluctablement (hélas!), ont devant eux des élèves qui se trouvent toujours plus ou moins au même point de leur vie linguistique. Il est donc normal que la distance entre enseignant et élève grandisse sans cesse, laissant au premier l’impression que le second faiblit toujours. La population étudiante s’est aussi grandement diversifiée : à la suite de l’arrivée massive d’allophones en milieu urbain et de la démocratisation de l’enseignement supérieur, on a vu apparaitre dans nos classes des élèves qui ne les auraient jamais fréquentées il y a 30 ou 40 ans. Néanmoins, cela ne veut pas dire que, dans le passé, tous parlaient et écrivaient un français sans fautes.

Parmi les autres idées reçues concernant la langue, mentionnons celles-ci : Bien écrire est un don[2]; Les élèves, à la fin du secondaire, devraient savoir bien écrire; La maitrise de la langue est un préalable aux études collégiales. Toutes ces représentations ont en commun de justifier, pour les personnes qui y adhèrent, le fait que celles-ci n’ont plus rien à voir avec le développement des compétences à l’écrit des élèves ou, à tout le moins, que leur contribution à cet égard est très limitée.

Les résultats d’une recherche sur les déterminants de l’évaluation de la langue, menée par Fanny Kingsbury et Jean-Yves Tremblay (2008a), confirment que plusieurs enseignants partagent ces convictions à l’égard de la compétence langagière des élèves. En effet, dans cette étude, 85 % des enseignants de la formation spécifique interrogés estiment que les élèves doivent, à leur arrivée au collégial, maitriser suffisamment la langue pour écrire sans fautes. Pourtant, 47 % affirment que les élèves n’ont pas cette compétence à leur arrivée au cégep, ce que soutiennent aussi près de la moitié des enseignants de français du secondaire (Chartrand et Lord, 2010, p. 23[3]).

Une autre représentation bien enracinée chez plusieurs fait de la langue un simple outil dont le but est purement utilitaire : elle nous sert strictement à nous exprimer, à communiquer. Pour ces personnes, peu importe la forme, c’est le fond qui compte : un message, fût-il truffé d’erreurs, est satisfaisant s’il est compris. Il s’avère alors intéressant de leur rappeler toutes les autres dimensions de la langue (politique, historique, identitaire, esthétique, sociale, etc.), auxquelles elles n’avaient sans doute pas pensé, même si elles y participent. Une telle réflexion ouvre également la discussion sur le rôle que joue l’enseignement supérieur dans la transmission d’une norme langagière et d’une langue savante qui permettent aux élèves de transcender leur langue vernaculaire, avec toutes les conséquences que cela peut entrainer sur le plan social.

Les représentations liées à la correction du français

La recherche de Kingsbury et Tremblay (2008a) de même que celle de Blaser (2007, p. 236) montrent aussi la représentation qu’entretiennent les enseignants des autres disciplines quant à la correction du français. Pour eux, corriger le français signifie signaler les erreurs d’orthographe et de grammaire. La syntaxe, la ponctuation font moins l’objet d’évaluation : certains considèrent que ces aspects langagiers relèvent plutôt du domaine des spécialistes du français; d’autres choisissent de les ignorer parce qu’ils en connaissent mal les règles, ou encore, parce qu’ils les jugent, comme bien des élèves d’ailleurs, moins soumis à des règles que tributaires des choix esthétiques, stylistiques du scripteur.

Discuter avec les enseignants de toutes les disciplines de la définition du mot langue revêt donc un intérêt plus que certain. Quel territoire ce concept couvre-t-il? Pour bon nombre d’entre eux, la langue (et sa correction) ne concerne que la grammaire et l’orthographe (parfois aussi, nous venons de le voir, la ponctuation et la syntaxe). Plusieurs utilisent une grille où l’emploi juste d’un vocabulaire spécialisé est un critère de correction, mais ils l’envisagent comme un critère lié à leur discipline, et non à la langue. De la même façon, la structure du texte (sa cohérence, sa clarté) est souvent évaluée; néanmoins, très peu d’enseignants pensent qu’ils procèdent alors à la correction du français. Et pourtant!

La description de la compétence langagière que donnaient Moffet et Demalsy en 1994 a le mérite d’avoir dégagé un certain consensus dans le réseau collégial autour des trois composantes : la compétence linguistique, la compétence textuelle et la compétence discursive (Moffet et Demalsy, 1994, p. 27[4]).

La compétence linguistique réfère à la connaissance du code et des règles d’utilisation de la langue. La compétence textuelle est la connaissance des composantes et des structures d’un texte ainsi que la capacité de les organiser et de les structurer de façon cohérente. La compétence discursive est la connaissance des moyens langagiers permettant de lier un texte à un contexte, à une situation de communication ou à un type de discours. […] Les trois composantes sont imbriquées ou emboîtées les unes dans les autres, elles sont indissociables. […] La langue est un système complexe qui fait appel à des activités complexes et complémentaires.

Dans une telle acception du mot langue, les enjeux liés à la compétence langagière en contexte scolaire sont loin d’être circonscrits à l’accord des participes passés et des adjectifs! Ils comprennent également une dimension épistémologique indéniable. En effet, c’est la compétence langagière qui permet l’expression des idées, des savoirs. Les connaissances sont transmises par la langue, se construisent par la langue et sont exprimées par la langue. Celle-ci est donc, dans un cours, à la fois le véhicule et le matériau de la pensée. Ultimement, il est même faux de croire qu’on peut compartimenter en évaluant d’un côté la langue, de l’autre le contenu.

À preuve, d’ailleurs, tous ces travaux où la qualité de la langue et celle du contenu se recoupent : dans les excellentes copies, nuancées, riches, expressives; ou dans les très mauvaises, brouillonnes, contradictoires, vagues, imprécises, mal développées. Comment faire la part, dans ces cas, du contenu et de la langue qui le transmet?

Un concept moins connoté : l’écrit

Pour éviter toutes ces idées reçues et ces conceptions erronées autour de la langue, il peut être utile, dans un contexte scolaire, de parler plutôt d’écrit. Cette notion, qui apparait comme un objet en didactique surtout à partir des années 80, semble plus neutre dans l’esprit des gens que le concept de langue ou que le mot français, trop étroitement associé à une discipline (et partant, dans les cégeps, au département qui porte ce nom). Un avantage indéniable du concept d’écrit est, en outre, qu’il couvre à la fois l’écriture et la lecture, tandem indissociable dans un contexte d’apprentissage.

La recherche sur ce concept nous fait voir que le rapport qu’entretient un individu avec l’écrit en conditionne l’apprentissage. On peut supposer qu’il conditionne également la façon d’enseigner. Amener les enseignants à réfléchir sur leur rapport à l’écrit peut se révéler très productif. Les travaux de Chartrand et Blaser (2006, p. 180-193) nous donnent quelques pistes intéressantes. Ces chercheuses posent un modèle de rapport à l’écrit où celui-ci est défini par quatre dimensions :

  • Axiologique, qui concerne les valeurs que l’on associe à l’écrit (par exemple, la lecture est importante, l’écriture permet d’être précis, écrire sans fautes dans la vie professionnelle est indispensable, etc.).
  • Praxéologique, qui se rapporte à l’aspect plus prosaïque de notre rapport à l’écrit (les tâches d’écriture ou de lecture que l’on pratique, celles que l’on donne à effectuer aux élèves, les outils qu’on emploie et les conditions dans lesquelles on réalise les tâches, etc.).
  • Affective, qui englobe tous les sentiments, positifs ou négatifs, que l’on nourrit par rapport à l’écrit; ceux-ci sont tributaires d’une foule de choses, notamment notre historique familial et scolaire, et notre sentiment de compétence.
  • Cognitive, qui concerne la conception que l’on a de l’écriture et de la lecture, les fonctions qu’on leur attribue.

Le rapport affectif à l’écrit

Aucune recherche n’a porté sur le rapport à l’écrit des enseignants du collégial. Néanmoins, l’expérience des repfrans et les confidences qu’ils ont recueillies confirment que la dimension affective de ce rapport est particulièrement importante dans la façon dont les enseignants perçoivent leur rôle à l’égard de la valorisation de la langue. Peut-on en être surpris? N’est-ce pas, justement, un rapport affectif fort – et positif – à l’écrit qui a dicté à plusieurs enseignants de français leur choix de carrière? Un historique de joies et de réussites liées à l’écriture et à la lecture, en somme une histoire positive, a souvent guidé leurs décisions vocationnelles et permet qu’ils survivent chaque année aux piles de correction de dissertations, lourd tribut à payer pour conserver le plaisir de parler de romans formidables en classe.

Ce rapport affectif positif à l’écrit n’est pas partagé par tous les enseignants, cependant. Chez ceux des autres disciplines que le français, des affects bien différents – et moins favorables à l’égard de l’écrit – se constatent régulièrement. L’insécurité peut, par exemple, porter certains à douter d’eux-mêmes, à ne voir que leurs limites, leurs lacunes et à craindre le regard de leurs collègues sur leurs pratiques vis-à-vis de l’écrit. Le manque d’information et tous les discours, parfois démagogiques, sur l’orthographe rectifiée, la nouvelle grammaire, etc., peuvent, chez d’autres personnes, avoir provoqué un sentiment d’incompétence qui les rend peu enclines à discuter de ces sujets et à divulguer leurs pratiques quant à la correction de la langue. Des souvenirs pénibles des classes de français de leur enfance peuvent en dresser d’autres contre l’écrit et les discours l’entourant[5]. Par un processus d’identification avec leurs élèves plus faibles, ces enseignants perdent l’envie de pénaliser ceux qui font plusieurs erreurs en français ou qui récolteraient un échec à cause de leur piètre compétence langagière.

Or, dans les cégeps, la question de l’évaluation du français, élément obligatoire de toute politique institutionnelle d’évaluation des apprentissages, est presque toujours sujette à discussion et son application entraine bien des pratiques divergentes. À cet égard, la recherche de Kingsbury et Tremblay (2008a) montre bien le rapport ambigu des enseignants à la correction de la langue[6]. Le rapport affectif à l’écrit, quand il est évoqué, permet souvent de comprendre les idées contradictoires qui guident les enseignants en matière linguistique.

Le rapport cognitif à l’écrit

Une autre dimension du rapport à l’écrit qu’il est intéressant d’examiner afin de mieux saisir ce qui est en jeu dans la pratique des enseignants touche la dimension cognitive. Des recherches montrent en effet que des conceptions erronées de l’écrit peuvent mener à des pratiques pédagogiques et didactiques discutables, voire contreproductives. Kingsbury et Tremblay, par exemple, établissent qu’il y a consensus chez les enseignants interviewés : la maitrise de la langue correspondrait à « la capacité à transposer par écrit sa pensée ». Selon une telle conception, l’écrit est le miroir de la pensée préexistante. Boileau, avec ses vers célèbres, abondait dans ce sens. Mais la réalité est tout autre, comme nous l’apprennent les recherches en didactique de l’écrit (et, chez les anglo-saxons, les tenants du writing to learn; voir Lampron et Blaser, 2012) : au contraire, l’écriture aide à forger la pensée, à lui donner une forme et à la clarifier. Ainsi, ce qui se conçoit bien a probablement déjà été écrit; il reste maintenant à rédiger la suite, c’est-à-dire à la penser et à la construire en l’écrivant (voir à ce sujet Paradis, 2013a, 2013b, 2012).

Autre conception fréquente chez les enseignants : la pratique de la lecture peut améliorer l’écriture. Si cette assertion n’est pas complètement fausse, elle mérite toutefois d’être nuancée. En effet, les sciences cognitives nous expliquent que la façon dont les yeux, au cours de la lecture, décodent les mots, grâce à des sauts successifs de la pupille, enlève tout fondement à la croyance que la pratique de la lecture peut améliorer les connaissances orthographiques. Toutes les recherches démontrent ainsi que le décodage des lettres n’est pas exécuté séquentiellement, de gauche à droite, lettre par lettre; au contraire, le mot sera plutôt appréhendé par une reconnaissance plus globale des groupes de lettres qui le forment (Dehaene, 2006, p. 73-84). La lecture, cependant, favorise le développement de la syntaxe et du vocabulaire.

Finalement, dernier préjugé, tenace, concernant l’écrit : les élèves du collégial, puisqu’ils lisent des textes littéraires et rédigent des dissertations dans leurs cours de français, peuvent aisément effectuer les tâches d’écriture et de lecture requises dans les autres cours. Selon cette conception de l’écrit, les apprentissages faits dans un genre de textes (l’analyse ou la dissertation) sont transférables et permettent à l’élève de performer dans toutes les autres situations d’écriture, pour peu qu’il s’en donne la peine.

L’enseignement du genre : dans l’intérêt de tous

La réalité et la recherche nous prouvent bien à quel point cette dernière conception, si elle peut paraitre séduisante, se révèle généralement fausse. La recherche sur l’enseignement du genre montre que seuls les élèves les plus forts sont capables de tirer profit de leurs connaissances préalables dans leur apprentissage d’un genre textuel nouveau. Ils parviennent à comparer ceux qu’ils connaissent entre eux et identifient dans le nouveau les éléments déjà vus dans ceux qu’ils ont appris à composer.

Pour tous les autres élèves, ce type de déductions et de comparaisons s’avère trop ardu. Ils ont besoin que leur enseignant leur présente explicitement les caractéristiques du genre à rédiger; seuls les enseignants de la formation spécifique sont ainsi à même de leur transmettre la langue de leur profession ou de leur discipline. C’est pourquoi les initiatives récentes qui visent à encourager de telles pratiques se multiplient et attirent de plus en plus d’adeptes (voir, par exemple, Réseau Fernand-Dumont, 2011; Libersan, 2012; Roberge, 2012; Blaser, 2013).

Sensibiliser les enseignants de toutes les disciplines à la notion de genre et à son enseignement explicite revêt un autre intérêt, et pas le moindre : cette approche favorise la mise à jour des attentes implicites qu’ils entretiennent à l’égard des élèves dans leurs évaluations. En réfléchissant sur les codes des genres disciplinaires qu’ils doivent enseigner et sur les intentions qui guident les rédacteurs de ces différents textes, ils doivent formuler tout haut des éléments qui, parce qu’ils sont désormais si bien intégrés chez eux, sont devenus presque inconscients. Ils doivent aussi, forcément, clarifier leurs exigences, nommer explicitement leurs attentes; très souvent, ils en viennent à raffiner leurs critères de correction ou à préciser leurs consignes. Et, si l’exercice est bien mené, ils courent aussi la chance de corriger de bien meilleures copies!

* * *

La boucle est ainsi bouclée : quelles qu’aient été, à l’origine, les conceptions (ou, dans certains cas, les réserves, les réticences) à l’égard de la valorisation du français, la réflexion sur les diverses représentations de la langue, sur les différents rapports à l’écrit permet de démystifier les compétences langagières attendues, de dédramatiser le travail de correction. La mise en lumière des exigences des genres disciplinaires déjà présentés en classe permet d’atteindre les enseignants dans des zones de leur pratique professionnelle moins chargées sur le plan émotif, plus prosaïques et, par conséquent, plus clairement pertinentes pour le plus grand nombre. Leur mobilisation devient alors possible.

Un peu à la manière des bons pédagogues, les repfrans gagnent à catalyser la relation entre la matière et l’autre en partant de l’autre.

* * *

  1. Les repfrans sont les répondants et répondantes du dossier de la valorisation du français dans les collèges. Depuis l’approbation du cadre de mesures par le Ministère en juin 2011, le Carrefour de la réussite a mis sur pied et soutient le Réseau Repfran. [Retour]
  2. Jusqu’à 30 % des enseignants d’histoire et de sciences du secondaire déclarent que l’écriture est un don. Cette conception réduit la part d’apprentissage/enseignement : écrire, ça ne s’apprend pas. On peut penser que cette représentation persiste encore au collégial (voir BLASER, 2007, p. 138). [Retour]
  3. Données recueillies dans la recherche ÉLEF, dirigée par S.-G. Chartrand. [Retour]
  4. D’après un modèle développé par Lebrun (1987). [Retour]
  5. À cet égard, il faut faire remarquer que les troubles d’apprentissage ne sont pas l’apanage de nos élèves. Des enseignants aussi sont dyslexiques ou dysorthographiques, avec tout ce que cela peut entrainer de rapport douloureux à l’écrit. Les études sur la prévalence des troubles d’apprentissage ne sont pas nombreuses, mais certaines indiquent que la dyslexie toucherait un peu moins de 5 % de la population (et, donc, 5 % des enseignants) (Source : le site web de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale. Consulté le 13 novembre 2013). Les enseignants (et les élèves) dyslexiques peuvent cependant être statistiquement surreprésentés dans des disciplines particulièrement axées sur d’autres habiletés que l’écrit; il s’agit en effet pour eux d’un choix fort sensé! [Retour]
  6. Les chercheurs expliquent ainsi que « [c]urieusement, [leurs] données permettent aussi de constater qu’en même temps que les enseignants réclament de leur établissement des règles claires, ils invoquent différentes raisons pour s’en soustraire personnellement » (voir Tremblay et Kingsbury, 2008, p. 15). [Retour]

RÉFÉRENCES

BLASER, C. (2013). « Un « chantier 3 » pour soutenir le développement des compétences en lecture et en écriture dans toutes les disciplines au collège et à l’université », Correspondance, vol. 18, nº 2, p. 18-20.

BLASER, C. (2007). Fonction épistémique de l’écrit : pratiques et conceptions d’enseignants de sciences et d’histoire du secondaire, Thèse de doctorat, Université Laval.

CHARTRAND, S.-G. et C. BLASER (2006). « Fonction épistémique des genres disciplinaires scolaires : prolégomènes à un champ de recherches », dans SCHNEUWLY, B. et T. THÉVENAZ-CHRISTEN, dir. publ. (2006), Analyses des objets enseignés. Le cas du français, Bruxelles, De Boeck Supérieur, coll. Perspectives en éducation et formation, p. 179-194.

CHARTRAND, S.-G. et M.-A. LORD (2010). « Compétences langagières des élèves et enseignement du français : représentations des enseignants de français et des élèves », Québec français, nº 157, p. 22-23.

DEHAENE, S. (2007). Les neurones de la lecture, Paris, Odile Jacob.

KINGSBURY, F. et J.-Y. TREMBLAY (2008a). Les déterminants de l’évaluation de la langue : à l’enseignement collégial, pourquoi et jusqu’où évaluer la compétence langagière des étudiants dans les cours de la formation spécifique?, Ste-Foy, Rapport de recherche PAREA.

KINGSBURY, F. et J.-Y. TREMBLAY (2008b). Pistes d’actions pour favoriser une évaluation optimale de la compétence langagière par les professeurs de l’enseignement collégial [ressource électronique] : Guide d’appropriation des résultats de la recherche PAREA Les déterminants de l’évaluation de la langue : à l’enseignement collégial, pourquoi et jusqu’où évaluer la compétence langagière des étudiants dans les cours de la formation spécifique?, Ste-Foy, Rapport de recherche PAREA.

LAMPRON, R. et C. BLASER (2012). « La maitrise des compétences langagières dans la formation postsecondaire : regard sur les pratiques étatsuniennes », Correspondance, vol. 18, nº 1, p. 7-11.

LEBRUN, M. (1987). Vers un modèle intégré des critères de compréhension en lecture au collégial, Thèse de doctorat, Université Laval.

LIBERSAN, L. (2012). « Zone profs », Stratégies d’écriture dans la formation spécifique, Montréal, Centre collégial de développement de matériel didactique.

MOFFET, J.-D. et A. DEMALSY (1994). Les compétences et la maîtrise du français au collégial, Rimouski, Rapport de recherche PAREA.

PARADIS, H. (2013a). « La réécriture », Correspondance, vol. 18, nº 3, p. 21-24.

PARADIS, H. (2013b). « La mise en texte, ou comment gérer simultanément un nombre incroyable de données », Correspondance, vol. 18, nº 2, p. 3-6.

PARADIS, H. (2012). « La planification d’un texte : pourquoi? comment? », Correspondance, vol. 18, nº 1, p. 12-14.

RÉSEAU FERNAND-DUMONT (2011). La compétence langagière des étudiants au collégial et à l’université : essai de définition didactique, Texte de Érick Falardeau.

ROBERGE, J. (2012). Écrire, faire écrire et corriger le français dans tous les cours (cours PERFORMA PED 889).

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