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Les ateliers Performa: pour une pédagogie de la langue

Les ateliers Performa: pour une pédagogie de la langue

Né en 1973, le programme Performa (PERfectionnement et FORmation des MAîtres) offre du perfectionnement en psychopédagogie et en didactique. Dans le cadre du certificat de perfectionnement en enseignement qui s’adresse au personnel du collégial (CPE/C), les activités qui visent l’amélioration de la compétence linguistique ne sont pas légion, mais certaines la favorisent plus que d’autres. C’est le cas, nous osons le croire, des activités dont il est question ci-dessous.
Robert Claing, professeur
Département de français
Collège Ahuntsic

Je crois que ce qui me guidait, lorsque j’ai commencé à donner des ateliers Performa, c’était la volonté de partager avec mes collègues des autres disciplines la responsabilité d’assurer la maîtrise du français écrit chez les élèves du cégep. Je me suis alors imaginé porteur de « la bonne nouvelle » ou encore « chargé de mission ». Cela tenait de la quête du Graal et de la profession de foi. Beaucoup de naïveté et un goût prononcé pour les « combats extrêmes ». Je voulais briser le cercle vicieux des sempiternelles doléances des professeurs de français qui se croient seuls à crouler sous le fardeau de la responsabilité linguistique. Je voulais tenter quelque chose et cesser de me plaindre. Six ans et une dizaine d’ateliers plus tard, qu’ai-je réalisé ? Qu’est-ce que cela a donné ?

Un peu d’histoire personnelle

Rappelons d’abord ce qui a été fait. En 1994 et 1995, j’ai animé deux ateliers de français dans le cadre de Performa : le premier révisait le code linguistique et initiait les professeurs à une grille de correction des fautes en français écrit ; le second était offert dans le cadre du baccalauréat en enseignement professionnel (BEP) et visait à reconnaître la maîtrise suffisante de professeurs des Communications graphiques inscrits dans ce programme particulier. Rappelons que le BEP permet à certains enseignants des programmes du secteur technique de parfaire leur formation disciplinaire et psychopédagogique dans le but d’obtenir un diplôme universitaire (90 unités).

En janvier 1996, mesdames Francine Bergeron et Colette Buguet-Melançon présentaient le résultat d’un long travail de recherche et de conception pour le Regroupement des collèges Performa : une banque d’activités réunies dans un programme de formation favorisant la valorisation de la langue dans toutes les disciplines[1]. C’est à l’aide de ce matériel que j’offre désormais mes ateliers Performa. Les activités sont variées, très bien décrites et fort documentées. Elles permettent à l’animateur de les modeler, de les adapter et forcément de les compléter selon le contexte. Elles sont devenues, pour moi, un point de départ essentiel dans la création de nouveau matériel.

Un peu d’histoire professionnelle

Je donne en moyenne deux ateliers par an. L’un porte forcément sur l’évaluation de la langue dans les cours des disciplines autres que le français, Évaluer la langue : mission impossible. Un autre s’intéresse à l’art du libellé d’une question ou d’un sujet : À question bien posée, réponse appropriée. Un autre encore aborde l’exposé oral, Prendre la parole. Plus généralement, un atelier s’interroge sur la place de la lecture et de l’écriture dans l’enseignement disciplinaire, La langue au service des objectifs disciplinaires. Actuellement, je mets au point, à l’aide du matériel Quand l’apprentissage passe par… la lecture, un nouvel atelier sur la lecture, son histoire et l’évolution de ses pratiques, des origines jusqu’à Internet.

En général, les ateliers en français durent 15 heures et donnent aux participants une unité. Mon nouvel atelier sur la lecture se déroulera sur 30 heures (deux unités), chaque rencontre donnant lieu à des échanges à la suite de comptes rendus de lecture qui seront assurés par les participants. Dans ces ateliers, je joue davantage le rôle de l’animateur, l’essentiel de l’information étant donné par du matériel écrit. Les participants prennent rapidement conscience des problèmes abordés, et les expériences des uns et des autres, dans des contextes disciplinaires variés, enrichissent grandement la qualité de la formation. De plus, chacun construit une activité d’apprentissage et une démarche d’encadrement à intégrer à un prochain cours, ce qui permet de vérifier immédiatement l’efficacité et la pertinence des propos tenus et des outils proposés dans l’atelier.

Je précise tous ces détails parce que l’information sur de telles pratiques pédagogiques ne circule pas beaucoup. Bien sûr qu’il s’agit d’une goutte d’eau dans l’océan collégial, mais cela existe. Oui, des professeurs de mathématiques, de génie électrique, de mécanique du bâtiment, d’histoire, d’éducation physique et combien d’autres encore s’intéressent à la place du français dans leur enseignement, chacun à sa façon, chacun à sa mesure.

La boîte de Pandore ou la question à cent piastres

Et que dire de la compétence linguistique des professeurs ? Sujet délicat… qu’il convient de manipuler avec soin. Même lorsque j’anime l’atelier sur l’évaluation de la langue, je situe la correction et l’évaluation du code linguistique dans l’ensemble de la compétence langagière, rappelant qu’il convient aussi de se préoccuper des compétences discursive et textuelle. À chaque atelier, je tente de « coller » le français au contenu disciplinaire des cours. Je demande ainsi aux participants de trouver eux-mêmes la place et le rôle du français dans l’apprentissage de leurs élèves. Par exemple, pour l’évaluation de la maîtrise du code linguistique et l’élaboration d’une grille d’évaluation, je tente de souligner les rapports indissociables qui existent entre la maîtrise d’une notion (le contenu disciplinaire) et sa formulation en un discours approprié et cohérent. Dans mes ateliers, j’évite autant qu’il est possible le problème de la correction des fautes sur les copies des élèves. Je sais que cette question obsède tout le monde et qu’on a tôt fait de réduire la place du français dans l’enseignement à cet unique aspect. La charge supplémentaire de travail que cette correction impose, l’incapacité pour plusieurs d’assumer cette tâche, toute l’émotivité que ce problème soulève font que j’ai depuis longtemps décidé de me tenir éloigné de cette boîte de Pandore.

On ne peut cependant pas ignorer que ces ateliers de français sont aussi de bons prétextes de vérification de l’état des connaissances et des compétences en français écrit des participants. Cela ne fait cependant pas partie des objectifs poursuivis. Dans les faits, plusieurs en profitent pour effectuer une « mise au point linguistique », pour améliorer leurs textes, leurs questionnaires et autres libellés, ou pour reprendre tout un pan de leurs plans de cours. D’autres veulent répondre à de nouvelles contraintes liées à la Réforme, telles les épreuves synthèses de programme, par exemple.

Qu’est-ce que toutes ces expériences ont donné ? Pour les autres, pour mes collègues, je ne sais pas. Certains ont obtenu une unité supplémentaire à leur dossier ; d’autres trouvent dans ces ateliers des stimulants pédagogiques qui leur font voir leur métier différemment. Quant à moi, je suis toujours étonné, naïvement ébahi devant la multiplicité des pratiques et des problèmes posés ; étonné, par exemple, d’entendre chez un professeur que les sortants de tel programme n’auront jamais, dans leur profession, à utiliser l’écrit ; suffoqué devant l’extrême difficulté à lire le Code de l’électricité du Québec[2], texte qui dépasse de beaucoup par ses longues et amphigouriques périodes le récit de La recherche du temps perdu de Proust ; provoqué par les problèmes que pose l’enseignement de la création artistique quand il s’agit d’encadrer par des consignes complètes et univoques la démarche de création.

Les ateliers permettent à tous des échanges profitables et une sensibilisation accrue quant aux problèmes que pose la maîtrise de la langue dans les cours de toutes les disciplines, problèmes fort variés selon les domaines, selon les méthodes pédagogiques, selon les types de textes à lire ou à produire, selon la place accordée à la langue française dans les futurs emplois des élèves. Ces rencontres, grâce aux ateliers, m’ouvrent les yeux, me rendent conscient des limites de mes interventions. Je voudrais à mon tour davantage rappeler à mes collègues la place et le rôle de la lecture et de l’écriture dans la transmission de tout savoir.

* * *

Geneviève Karam, professeure
Département d’économie
Collège Ahuntsic

Du perfectionnement : sans faute !

Qu’il soit fonction d’une norme rationnelle ou non, le perfectionnement est enrichissant. Ses bienfaits se subdivisent en plusieurs aspects. Par exemple, la production d’une page Web apporte une certaine satisfaction personnelle, elle fournit un outil pédagogique stimulant et donne une plus grande visibilité à l’établissement d’enseignement.

Mais qu’en est-il du perfectionnement relié aux compétences langagières ?

Par irrationalité ?

Je pourrais clamer tout haut que les différents perfectionnements concernant les compétences langagières se popularisent auprès de ceux et celles qui adorent la langue, leur langue. Il serait toutefois déraisonnable de ma part d’envisager cette seule perspective afin de comprendre ce qui amène les enseignants à joindre les formations offertes « en français » dans le cadre des activités Performa.

Bien sûr qu’il faut aimer… mais aimer quoi ? Ou, plutôt, aimer… qui ? J’évoquerai qu’il faut s’aimer soi-même. S’estimer afin de reconnaître ses forces et ses faiblesses et d’avoir la volonté de remédier à ces dernières. La communication, qu’elle soit orale ou écrite, établit les fondements de nos enseignements et des relations avec les élèves.

Il faut d’autant plus s’intéresser aux élèves, afin d’outiller l’évaluation de leurs habiletés langagières, écrite et orale, selon une approche pédagogique intégrée à leur programme d’études. Il ne suffit pas, à mon avis, de relier nos évaluations à une politique institutionnelle ou de renvoyer certains cas problématiques à un centre d’aide pour supposer, en tant qu’enseignante ou enseignant, se soucier de la réussite des élèves. L’acquisition des compétences langagières est à la fois une question de formations générale et spécifique, selon la place de chacune des disciplines dans le cheminement de l’étudiant. Afin de favoriser l’intégration des acquis, les perfectionnements reliés aux habiletés langagières permettent à l’enseignant d’élaborer et de produire du matériel pédagogique répondant aux besoins de la population étudiante.

Le perfectionnement linguistique… peu importe le programme d’études !

Il peut paraître curieux qu’un professeur d’économie fournisse à ses élèves des grilles d’évaluation adaptées au contexte de productions écrites et orales. « Analysez, commentez, expliquez, etc. », comment atteindre ces objectifs si la communication à la base est compromise par des lacunes reliées à la formation générale des étudiants ? À mon avis, tout enseignant est concerné par l’apprentissage de la langue, quel que soit le programme d’études pour lequel il transmet son expertise. J’ai pu observer que les élèves apprécient l’encadrement sous-jacent à l’utilisation de grilles d’évaluation ainsi que l’équité et la transparence découlant de ce soutien à l’évaluation des compétences langagières.

Dans un contexte de pluriethnicité de la clientèle

Permettez-moi de rappeler que tout perfectionnement doit s’associer au contexte de travail pour justifier l’offre initiale. Au collège Ahuntsic, étant donné la population étudiante pluriethnique, les enseignants doivent porter une attention toute particulière aux compétences langagières des élèves. Intégrer à son cours des exigences reliées à la langue renforce l’importance, pour un élève allophone, de fournir les efforts nécessaires à l’atteinte des objectifs évalués, entre autres, par l’épreuve. Cheminer avec des étudiants pendant quinze semaines et pouvoir concrètement, avec eux, observer l’acquisition d’habiletés reliées à la science économique et à l’utilisation de la langue est une gratification réciproque.

Les bienfaits, disais-je ? Pour le professeur, les élèves et l’établissement d’enseignement. Et la page Web ? Pourvu qu’elle soit sans faute !

* * *

Joanne Gagnier, professeure
Département de français
Cégep du Vieux Montréal

Suivre un cours de français quand on enseigne soi-même cette matière

Au-delà des unités obtenues qui permettent d’accéder à un meilleur salaire, qu’est-ce qui peut motiver une enseignante en français à suivre des cours Performa de français ? À cette question, je répondrai, a priori, qu’il s’agit d’infirmer ou de confirmer les apprentissages réalisés par la pratique en classe. À titre de « jeune » enseignante, j’ai dû faire face au fait de passer du savoir à l’enseignement de ce savoir. Comment établir la communication adéquatement afin de transmettre mes connaissances et, surtout, comment opérer cette transmission ? Bien sûr, il s’en est suivi une recherche qui m’a amenée à établir des stratégies d’enseignement. Mais comment évaluer mon travail, mis à part les résultats obtenus par les élèves ? Surtout, y a-t-il d’autres moyens que ceux que j’ai découverts ? Comment puis-je améliorer ma pratique ?

Voilà bien ce qui m’a incitée à suivre des cours de perfectionnement en français. Au moyen d’une activité regroupant des collègues d’autres cégeps et d’autres disciplines, je prends le temps, à la lumière de la compétence de l’animateur, de poser un regard critique sur mes procédés d’enseignement. Je répondrai donc, a posteriori, que les ateliers Performa sont le lieu d’une autoévaluation salutaire. Non seulement ils favorisent l’échange d’idées entre collègues et nous font profiter de l’expérience d’autrui, ce qui n’est pas négligeable et devrait être cultivé davantage à mon avis, mais ils nous amènent à rectifier nos méthodes de travail, c’est-à-dire à en perfectionner certaines, à en développer de nouvelles, voire à en éliminer peut-être. La tâche d’enseignement étant lourde, surtout considérant la correction particulière inhérente au domaine, rectifier son tir veut dire économiser du temps. Et il est de notoriété publique que le temps… c’est de l’argent !

* * *

  1. Francine Bergeron et Colette Buguet-Melançon, Pour une maîtrise de la langue essentielle à la réussite, Sherbrooke et Longueuil, Performa (projet) et collège Édouard-Montpetit, 1996, 2 vol. Ce matériel d’animation pédagogique d’une grande richesse fut exposé dans Correspondance, vol. 2, no 3. Retour
  2. « Sauf exceptions prévues dans ce code, dans les logements, des prises de courant doivent être installées dans les murs finis de chaque pièce ou espace autre que les cuisines, salles de bains, couloirs, buanderies, toilettes, locaux tout usage ou placards, de façon qu’aucun endroit au niveau du plancher d’un espace mural utilisable ne soit horizontalement à plus de 1,8 m d’une prise de courant située dans cet espace ou dans un espace contigu, cette distance étant mesurée le long du niveau du plancher des espaces muraux dont il s’agit. »
    Code de l’électricité du Québec, 1998, p. 20.

    Merci à mon collègue Rock Lachance, de Techniques de génie électrique, de m’avoir trouvé l’exemple parmi d’autres. Retour

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