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Les tests de classement en français, langue première ou seconde

Les tests de classement en français, langue première ou seconde

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es tests de classement que plusieurs collèges font passer à l’ensemble des élèves ont été initialement conçus en vue de dépister les difficultés qu’éprouvent les élèves francophones en français écrit. Pourtant, aujourd’hui, plusieurs cégeps, particulièrement dans la région montréalaise, accueillent de nombreux étudiants d’origines diverses et dont le français n’est pas la langue première. Jusqu’à tout récemment, les établissements régionaux étaient moins concernés, mais la situation semble évoluer, comme en atteste un portrait statistique réalisé en 2009 (Antoniadès, p. 52). Pour tenter de mieux répondre aux besoins particuliers de ces étudiants, il importe de pouvoir détecter rapidement leur niveau de maîtrise du français en lecture et en écriture, mais également en compréhension et en expression orales. Aussi, au cours de l’année 2009-2010, je me suis penchée sur le sujet dans le cadre d’une étude financée par le collège de Bois-de-Boulogne, étude qui avait entre autres objectifs celui de répertorier les tests existants.

Une problématique connue

Parmi les élèves que nous accueillons aujourd’hui dans nos cégeps, certains, à peine arrivés au Québec, sortent des cours du ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles (MICC) au mieux avec le niveau 4 de compétences langagières[1] en français langue seconde, alors que pour suivre le cours 601-014[2] dans un collège – et avoir une chance de le réussir – il faudrait qu’ils aient atteint au moins le niveau 8, c’est-à-dire le début du stade avancé. D’autres, arrivés depuis quelques années déjà et ayant fait leurs études secondaires (ou une partie de celles-ci) en français, ont réussi à décrocher leur diplôme avec de bons résultats en français, laissant parfois même espérer des performances linguistiques équivalentes à celles d’élèves francophones. Cependant, la langue parlée à la maison n’étant pas forcément le français, l’immersion dans un milieu francophone n’a jamais été effective et les difficultés langagières perdurent.

La réussite des élèves allophones en difficulté n’est pas une problématique nouvelle. Dans tout le réseau, depuis plus de 10 ans, plusieurs enseignants ont été mandatés pour effectuer des recherches afin d’être en mesure de proposer des solutions étayées par l’analyse de données et bâties sur des expertises multiples et pratiques. Je retiens ici seulement quatre études dans lesquelles notre collège a été impliqué, à savoir celle d’Éléonore Antoniadès, Mona Chéhadé et Denyse Lemay (1999), celle de Marie-Nicole Gosselin (2002) et celle de Julie Roberge (2003), ainsi que celle, plus récente, de Robert Claing (2008). Ces études arrivent à des recommandations qui souvent se recoupent. Pour résumer et simplifier ces dernières, en m’en tenant aux plus cruciales, je dirais que :

  • les tests de classement doivent être améliorés ;
  • les élèves allophones en difficulté ont besoin de cours pour améliorer leur connaissance de la langue écrite et orale (immersion, cours intensifs ou session d’accueil et intégration) avant d’intégrer le cursus collégial[3] ;
  • tous les intervenants doivent être sensibilisés aux problèmes spécifiques éprouvés par cette population étudiante ;
  • les enseignants qui donnent les cours doivent posséder une formation et une expérience en enseignement de la langue seconde.

Les tests de classement, à Bois-de-Boulogne et ailleurs

Si le test de classement utilisé à Bois-de-Boulogne, que tous les élèves subissent, allophones comme francophones, dépiste les lacunes orthographiques et (très partiellement) syntaxiques, il ne mesure pas la compréhension écrite ni ne permet de savoir où se situe l’élève dans sa maîtrise de l’oral, que ce soit en compréhension ou en expression. Cet état de fait nous apparaît en inadéquation avec les exigences du premier cours de littérature (601-101)[4]. Par ailleurs, ce test, conçu à l’origine pour mesurer la maîtrise du français écrit d’élèves francophones, mesure mal les compétences langagières des élèves allophones, puisqu’il s’adresse à tous. Ainsi, certains élèves ayant une connaissance purement théorique de la langue peuvent obtenir une note laissant croire qu’ils sont capables d’intégrer directement la séquence des cours de français, alors que ce n’est pas le cas.Pour recenser les types de tests administrés dans les autres collèges du réseau, qu’il s’agisse de tests de classement en langue première ou en langue seconde, j’ai consulté le site de chaque collège et, pour pallier l’absence, l’insuffisance ou le manque de clarté de certains renseignements, j’ai fait appel aux répondants TIC du réseau. Au cours de cette recherche, j’ai considéré que la langue seconde, au Québec, est généralement soit le français, soit l’anglais. La collecte de ces données a permis d’effectuer une synthèse dont j’offre ci-après un aperçu pour le français, langue seconde[5].

Mais auparavant, il me semble important de rappeler que les tests de classement que font passer les collèges à leurs nouveaux étudiants s’adressent indifféremment aux allophones et aux francophones, bien qu’ils aient été conçus pour des francophones[6] ; il n’en demeure pas moins que, pour nombre d’étudiants, ces tests évaluent la maîtrise de leur langue seconde (ou d’une de leurs langues secondes) : le français.

Les tests de français, langue seconde : FLE, TEF, TCF, TEFAC…

Il existe des tests de français conçus spécifiquement pour les élèves dont le français n’est pas la langue première. Le premier test de français langue seconde dont nous avons examiné la composition, le FLE (pour « français langue étrangère »), a été mis sur pied par le Centre national d’éducation à distance (CNED), une institution française. Il est inclus ici parce que le CNED l’offre en ligne[7] et donne immédiatement après la passation du test (d’une durée de 45 minutes) le niveau de compréhension écrite en français langue étrangère : débutant, intermédiaire ou avancé. Ce test permet de diriger l’élève vers un cours adéquat pour se perfectionner.

Si l’on excepte le FLE, les autres tests que nous avons recensés ont tous un lien avec le Québec ; le Test d’évaluation du français (TEF) et le Test de connaissance du français (TCF), également utilisés pour les études en France, ne sont retenus que parce qu’ils ont servi de base aux versions adaptées : le Test d’évaluation du français adapté au Québec (TEFAQ) et le Test de connaissance du français pour le Québec (TCFQ). En fait, le MICC réfère aux Alliances françaises de différents pays comme autant de lieux où un candidat à l’immigration au Québec peut passer différents tests : « Les Alliances françaises[8] ont un réseau mondial bien établi et une grande expertise dans l’enseignement du français. Elles sont présentes dans les pays où le Québec souhaite diversifier son recrutement. Elles sont habilitées à offrir des tests internationaux comme le Test d’évaluation du français (TEF), le Test de connaissance du français (TCF), le Test d’évaluation du français adapté pour le Québec (TEFAQ) et le Test de connaissance du français pour le Québec (TCFQ). » On obtiendra de nombreux détails sur chacun de ces tests, agréés par le MICC, sur le site de ce dernier. Par ailleurs, la recherche de M. Claing (chapitre 2) offre une description des niveaux de compétences définis par le MICC ainsi que des avantages et des limites des cours offerts.

Le TCF, pour sa part, s’adresse « à tous les publics non francophones » et il « est réservé à l’usage exclusif des candidats déposant un dossier d’immigration dans un bureau d’immigration du Québec ou dans une Délégation générale du Québec », comme on peut le lire sur le site du Centre international d’études pédagogiques (CIEP, www.ciep.fr/tcf/), organisme chapeauté par le ministère de l’Éducation, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche français. À partir de cette page, on peut télécharger le Manuel du candidat. L’Université du Québec à Montréal (UQAM) possède l’agrément du CIEP comme centre de passation du test TCF-Québec utilisé par le MICC (www.micc.uqam.ca/test-tcf-quebec.html).

Le TFI est utilisé par plusieurs cégeps (à notre connaissance, au moins quatre le mentionnent sur leur site) pour tester le niveau des étudiants étrangers désirant étudier au Québec. Selon l’ETS (Educational Testing Service Canada Inc.), « [le] Test de français international évalue le niveau de français des non-francophones. Ce test à choix multiples évalue l’aptitude à comprendre, parler, lire et écrire le français dans des situations de communication internationales. » Il semble donc que toutes les compétences langagières soient évaluées. Cependant, sur une page consacrée à la description du TFI (www.etscanada.ca/fr/tfi/test_description.php), cela n’apparaît plus aussi clairement. Si les parties compréhension orale (Écoute) et compréhension écrite (Lecture) ne présentent aucune ambiguïté, ce n’est pas le cas pour l’expression écrite et l’expression orale : « La grille d’interprétation des scores situe précisément les compétences orales et écrites des candidats », peut-on y lire, alors qu’il n’est fait mention nulle part de session enregistrée ou d’entretien avec un tiers. À Montréal, le TFI est administré à l’École internationale de langues des YMCA du Québec et, par élève, il en coûte 65 $, auxquels il faut ajouter les taxes.

Le dernier test dont il sera question ici (la BTC-NCLC[9]) est celui qui est utilisé par Citoyenneté et Immigration Canada. Les niveaux de compétences établis par le MICC s’en inspirent directement. Le test prend en compte toutes les compétences ; de plus, il comporte des prétests, un de 10 minutes pour la partie orale et un de 15 minutes pour la partie écrite. La description des niveaux est extrêmement précise et se trouve dans un volumineux document PDF.

Il est possible de passer des examens blancs ou de trouver des exemples de questions tirés de plusieurs des tests brièvement décrits dans le présent article à l’adresse suivante : www.lepointdufle.net/p/francais-evaluation.htm#ex.

Un test, pour quoi faire ?

Si les établissements collégiaux demandent à leurs élèves (francophones et allophones confondus) de subir un test qui mesure leurs compétences dans la langue d’enseignement, c’est parce qu’ils veulent vérifier essentiellement trois points précis.

  1. Dans quelle mesure l’élève est-il apte à suivre et à réussir un cours donné en français, peu importe la discipline ?
  2. L’élève connaît-il suffisamment la langue d’enseignement pour suivre et réussir le cours 601-101, premier cours de la séquence des cours obligatoires de français et, partant, les suivants ?
  3. Si l’élève ne maîtrise pas suffisamment la langue pour réussir un cours donné en français au collégial, disposons-nous des moyens qui lui permettront de progresser suffisamment pour atteindre son objectif : réussir des études supérieures ?

Une réponse honnête à cette dernière question est lourde de conséquences.

En guise de conclusion…

Conçu pour des francophones éprouvant des difficultés en français écrit, mais appliqué aujourd’hui à des élèves tant francophones qu’allophones, les uns et les autres de niveaux très disparates, le test de classement que nous utilisons ne répond plus aux besoins réels de notre collège, et cette constatation peut sans doute s’étendre à d’autres établissements collégiaux. En outre, les tests existants ne comblent pas les besoins du réseau.

  • Les tests pouvant aider à déterminer les niveaux de maîtrise du français oral sont presque tous élaborés en France ; malgré un évident effort d’adaptation, ils tiennent peu compte des particularités langagières québécoises.
  • Les tests de français langue seconde s’adressent à des élèves qui vivent à l’extérieur du Québec. Or, nous recevons, dans nos collèges, beaucoup d’allophones qui sont au Québec depuis quelque temps (résidents temporaires ou permanents), d’autres qui ont suivi des cours au secondaire pendant quelques années, voire qui ont effectué toutes leurs études secondaires au Québec.
  • La plupart de ces tests servent à déterminer à quel niveau se classe un candidat avant de lui recommander un cours de français langue seconde. Or, dans les collèges francophones, nous n’offrons plus ce type de cours depuis longtemps. Les récentes dispositions du ministère de l’Éducation du Loisir et du Sport (MELS) pour améliorer le niveau de français des allophones[10] ne constituent que de bien modestes contributions au soutien qu’il faut apporter à certains de ces élèves.

En fait, nous avons besoin d’un test qui s’adresse à tous les élèves, sans discrimination, qu’ils soient francophones ou allophones. Il devrait permettre de déterminer le niveau de compétence à l’écrit, servant ainsi à prédire la réussite et à inciter à la fréquentation du centre d’aide en français, puisque, depuis la rentrée de l’automne 2010, le MELS ne finance plus les cours de mise à niveau selon les besoins réels des étudiants, mais selon un calcul effectué à partir de la moyenne socrate[11]. Un tel test devrait aussi permettre de déterminer la compétence des élèves en compréhension orale et, éventuellement, en expression orale. Ainsi, le Collège pourrait inviter le candidat à suivre un cours de francisation si son niveau le requiert ou placer l’élève dans le cours de mise à niveau offert aux allophones dont la maîtrise du français oral est insuffisante : le 601-014, seul ou couplé à un des cours subséquents (tous avec la même compétence). Les élèves suivant ce cours devraient avoir une chance raisonnable de le réussir, ce qui n’est actuellement pas toujours le cas.

Le test « idéal », destiné aux francophones et aux allophones, devrait donc tenir compte des particularités langagières du Québec, mais aussi des performances que les enseignants de Français, langue et littérature, attendent des étudiants dans les cours de la séquence, en conformité avec les devis du MELS. Plutôt que de vérifier exclusivement les connaissances grammaticales et la maîtrise minimale de l’expression écrite, le test devrait aussi permettre de mesurer la compréhension écrite dans des disciplines diverses et en littérature. Pour remplir vraiment son office, il devrait de plus tenir compte des performances des élèves à l’oral, et ce, tant en compréhension que, ce qui est beaucoup plus difficile à gérer dans la passation d’un test, en expression orale. * * *

Références

ANTONIADÈS, Éléonore et collab. (2000). La réussite en français des allophones au collégial : constats, problèmes et solutions, Montréal, Centre Éducation et Technologies, Collège de Bois-de-Boulogne, 313 p.

CARPENTIER, Alain et collab. « Les élèves issus de l’immigration – Regards de 2009 », Vie pédagogique, no 50, octobre 2009, p. 52.

CENTRE DES NIVEAUX DE COMPÉTENCE LINGUISTIQUE CANADIENS.

CLAING, Robert (2008). Offre de services aux élèves allophones, Montréal, Collège Ahuntsic, 67 p.

EDUCATIONAL TESTING SERVICE CANADA INC.
(Description du TFI.)
(TFI Questions type), document imprimé le 18 septembre 2009.

GARET, Nicole (2009). Inventaire des tests de classement, Montréal, Collège de Bois-de-Boulogne, 79 p.

GOSSELIN, Marie-Nicole (2002). État de la situation des cours de français 002-SP pour étudiants allophones et proposition d’alternative pour la session automne 2002, Montréal, Collège de Bois-de-Boulogne, 11 p.

MINISTÈRE DE L’IMMIGRATION ET DES COMMUNAUTÉS CULTURELLES. Description des niveaux de compétence langagière en français, langue seconde.

ROBERGE, Julie (2003). Les allophones très faibles dans le réseau collégial : profil, problématique, expérimentations et recommandations, Montréal, Collège de Bois-de-Boulogne, 76 p.

SCAPIN, Raphaël. Test de classement, page consultée en septembre 2009.

  1. Ce texte est rédigé conformément aux rectifications orthographiques en vigueur. [Retour]
  2. Le cours 601-014 (et les suivants, jusqu’à 601-020, qui permettent de moduler le nombre d’heures offertes) est intitulé « Pratique du français, langue d’enseignement, pour les élèves non francophones », et la compétence se lit comme suit : « Atteindre un niveau de compétence en français suffisant pour entreprendre des études collégiales et intégrer la société québécoise. » Pour plus de détails, on se reportera au site du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) : www.mels.gouv.qc.ca/ens-sup/enscoll/Cahiers/ mise_a_niveau.asp [Retour]
  3. L’expérience dira si les très récentes modifications (janvier 2011) apportées par le MELS aux cours de mise à niveau pour les allophones se révèlent efficaces. Je ne doute pas que ces cours puissent aider ces élèves à parfaire leurs connaissances en français, mais je me demande s’il est souhaitable de les leur offrir au collégial, puisque les cours de toutes les disciplines, sauf ceux de langues modernes, y sont tous donnés en français. [Retour]
  4. À Bois-de-Boulogne, 20 % de la note de chaque travail est dévolue à la qualité du français, tous les travaux notés étant réalisés en classe. Pour évaluer la compétence, une portion d’au maximum 15 % de la note globale peut être accordée aux travaux d’équipe ou aux oraux. [Retour]
  5. Cette synthèse est présentée sous forme de tableaux dans les annexes de mon rapport de recherche : un tableau pour les tests de français, langue seconde, un pour les tests d’anglais, langue seconde. On comprendra que ces renseignements n’ont pas la prétention d’être exhaustifs. [Retour]
  6. On trouvera des recensions de ces tests de classement que subissent les élèves, francophones comme allophones, dans le rapport de recherche de Robert Claing et dans le mien. [Retour]
  7. www.campus-electronique.fr/TestFle/ [Retour]
  8. Voir le site du MICC à l’adresse suivante : www.immigration-quebec.gouv.qc.ca/fr/langue-francaise/lexique.html [Retour]
  9. Batterie de tests de classement aux Niveaux de compétence linguistique canadiens. [Retour]
  10. Il s’agit du cours de mise à niveau « modulable » introduit en janvier 2011. [Retour]
  11. C’est-à-dire la moyenne des résultats aux épreuves uniformes de la formation générale de 4e et 5e secondaire. Sont exclues du calcul les notes obtenues en éducation physique, en éducation au choix de carrière, ainsi qu’en enseignement moral et religieux. [Retour]

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