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Un joyeux festin

Un joyeux festin

Claude Lizé
Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue
Première partie : Nombre de services

Depuis quelques années déjà, le Département de français du Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue offre une panoplie de services pour aider les étudiants à améliorer la qualité de leur langue. Ainsi, le cours de mise à niveau 004 accueille les élèves du secondaire qui ont obtenu moins de 65 % au volet français écrit de l’Épreuve uniforme. Ce cours est offert à titre de cours préalable à tous les autres cours de français : sa réussite est donc obligatoire pour que l’étudiant puisse aller plus loin.

Le Cégep dispose également d’un centre d’aide en français écrit (CAFÉ) : formations thématiques sur des sujets reliés au français écrit, rencontres individuelles avec les professeurs responsables ou les moniteurs, aide ponctuelle, etc. La collaboration des professeurs du Département de français est exemplaire ; ce sont eux qui incitent leurs étudiants à se prévaloir de l’aide offerte au CAFÉ en acceptant, par exemple, qu’une partie des points perdus en français soit récupérée.

Depuis un an maintenant, le Département offre aussi le cours de mise à niveau 003. Tous les étudiants qui le désirent peuvent s’inscrire à ce cours, peu importe le « moment » où ils se trouvent dans leur parcours scolaire. Si certains se rendent compte qu’ils ont des difficultés en français écrit après leur Ensemble 1, ils peuvent s’inscrire au 003 en reprenant le 101 ou en suivant le 102, et ce, même s’ils ont au préalable fait le 004 (voilà d’ailleurs une occasion pour eux de consolider leurs apprentissages). Plusieurs s’inscrivent au 003 après le 102, craignant l’ÉUF… Le cours n’est pas assorti d’unités ; l’inscription est volontaire, et ce sont les professeurs de français qui font la promotion du cours auprès de leurs groupes respectifs, qui encouragent des individus à s’inscrire, et qui procèdent à l’inscription (un formulaire est rempli par chaque étudiant intéressé, formulaire distribué par le professeur de français).

Il a fallu cependant convaincre le Collège de la pertinence d’offrir ce cours. Sachez tout d’abord que celui-ci est entièrement financé par le Ministère (bon argument auprès de la direction des études). Notre collège nous a également demandé de lui fournir la preuve qu’il y avait une demande : voilà pourquoi ce sont les professeurs de français qui font la promotion et l’inscription. Enfin, le Collège craignait que les étudiants ne quittent prématurément le cours et qu’il perde ainsi le financement ; il fallait donc que la méthode pédagogique soit souple et efficace. Hélène Martel et Micheline Landriault ont donc préparé un « menu » ragoûtant qui a su titiller les étudiants et convaincre le Collège. Ci-dessous, chacune vous présente ses « plats »… sans tout révéler de ses secrets !

* * *

Hélène Martel
Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue
Deuxième partie : Les plats d’Hélène

Imaginez 25 convives à qui vous préparez un joyeux festin. La plupart n’ont pas vraiment faim et sont peu disposés à se mettre à table, mais ayant compris que de toute façon ils n’ont pas le choix, ils acceptent de tremper leurs lèvres dans la soupe. Votre défi : les convaincre que l’appétit vient en mangeant. Imaginez maintenant 25 autres convives, affamés depuis longtemps, qui vous demandent de leur préparer un repas sur mesure, c’est-à-dire au goût de chacun. Votre défi, cette fois, est de ne pas trop les décevoir, car ils vous ont laissé entendre – et vous vous en doutez – qu’ils quitteraient la table discrètement si la soupe était tiède ou sans saveur.

Ce que je viens de décrire ici pourrait ressembler, dans le premier cas, à l’état d’esprit des étudiants qui sont inscrits par obligation dans un cours de mise à niveau (601-004) et, dans le second cas, à celui des gens qui s’y inscrivent volontairement (601-003) parce qu’ils ont des attentes et des besoins bien précis. Vous conviendrez que préparer un repas pour des personnes bien affamées est très stimulant, mais que cela comporte des risques… si elles ne l’aiment pas.

Qu’à cela ne tienne, j’ai accepté de prendre ce risque et, si je m’adresse à vous, chers collègues, c’est parce qu’on m’a demandé ce qu’il y avait dans ma soupe. Je m’empresse de livrer ma recette, qui n’a rien de miraculeux ; après une première expérience, certains, oui, ont quitté la table avant la fin du repas. Cependant, ceux qui se sont laissés séduire, et ils étaient assez nombreux, ont fait le choix de rester jusqu’au dessert… ou presque. Voici donc, plus concrètement, les résultats de cette expérience, la formule pédagogique utilisée et les quelques avantages qui en découlent.

À la fin de l’automne dernier, 25 étudiants se sont inscrits volontairement au cours de mise à niveau 003 pour la session hiver 2005. Ces 25 « convives » ont choisi de s’asseoir autour d’une même table. Cette première expérience s’est révélée assez concluante compte tenu des circonstances (la grève étudiante). Deux ont abandonné dès la première semaine, mais 18 étaient encore en classe après les deux semaines de grève qui ont eu lieu en avril, c’est-à-dire peu de temps avant la fin de la session. Même si tous et toutes ne sont pas restés jusqu’au dessert, comme je me plais à le dire, ils ont été constants dans leurs efforts et présents au cours.

La formule pédagogique qui s’est imposée pour la préparation de ce cours m’est venue d’un collègue dont les quelques suggestions ont servi d’ingrédients de base. Par la suite, j’ai ajouté ça et là mes petits grains de sel. Le cours prend la forme d’ateliers thématiques portant sur les principales difficultés rencontrées chez les étudiants. Les deux premières semaines sont d’abord consacrées à la présentation et à une utilisation adéquate de la fiche d’autocorrection du CAFÉ, laquelle est assez bien connue des étudiants. Cette fiche leur est utile tout au cours de la session, puisqu’ils ont des productions écrites à réaliser en classe et à corriger. Une fois cette étape franchie, je sépare le groupe en deux pour les ateliers thématiques. Je rencontre donc les étudiants chaque semaine, mais eux viennent au cours une fois aux deux semaines, en petit groupe. Entre-temps, ils doivent faire et corriger des exercices en lien avec les ateliers et procéder à la correction d’au moins une production écrite toutes les deux semaines. Après une autocorrection de ses exercices, chaque étudiant est invité à rédiger une question, à la fin de son document de travail, sur les difficultés rencontrées, ce qui me permet d’interagir rapidement et de revenir sur un aspect de la matière, soit avec l’étudiant, soit en petit groupe.

Par ailleurs, ce qui intéresse les étudiants, c’est la possibilité que je leur offre de superviser, en tutorat, la correction des fautes commises dans leurs analyses ou dissertations réalisées dans leur autre cours de français. Cela permet de récupérer la moitié ou le tiers des points perdus dans ce travail, selon la politique annoncée par l’enseignant dans son plan de cours. De plus, certains de ces enseignants, qui accordent quelques points bonis à ceux qui suivent la formation du CAFÉ, ont accepté que le cours de mise à niveau vienne se substituer à cette formation, ce qui récompense les efforts des élèves pouvant profiter de l’offre. Ces quelques avantages sont bien sûr assortis d’une condition nécessaire : que personne ne quitte la table avant la fin du repas !

En fait, ce qu’il faut retenir de cette formule, c’est qu’elle est souple – aucun livre de recettes « prescrit » n’est utilisé – et qu’elle permet à l’étudiant de gérer son temps et son travail de façon plus autonome. S’ajoute à cela l’incidence de ce volontariat sur la note de l’étudiant dans son autre cours de français.

Une évaluation objective du cours a eu lieu à mi-chemin du parcours. Les étudiants se sont montrés très satisfaits[1]. Voilà qui me porte à croire qu’il y a là les prémisses d’une recette qui pourrait devenir « miraculeuse ». À vous d’ajouter, à votre convenance, d’autres ingrédients. À cet égard, une de mes collègues, cette session, a, elle aussi, préparé un joyeux festin, véritablement au goût de chacun. Question de vous mettre l’eau à la bouche, je l’invite à partager sa recette qui, je crois, a déjà du succès.

* * *

Micheline Landriault
Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue
Troisième partie : Les plats de Micheline

Lorsque j’ai accepté de donner le cours 003, j’ai choisi d’expérimenter une méthode en laquelle je croyais, soit un enseignement individualisé. Sans penser vraiment à tout ce que cette façon de faire pouvait impliquer en termes de temps et d’énergie, j’ai rédigé un plan de travail et, le 22 août, j’ai rencontré les élèves. Ensemble, nous avons établi… notre plan d’attaque !

Comme l’ont signalé Hélène et Claude, le cours 003 exige, de la part de ces jeunes « volontaires », une forte dose de motivation et un vrai désir de se corriger. Ils doivent croire en leur capacité de développer l’habileté à bien écrire. J’ai cru (et je continue de croire) que l’enseignement individualisé, jumelé à des rencontres hebdomadaires en classe, peut amener l’élève à améliorer la qualité de sa langue écrite. Le défi est de taille. Voici la démarche favorisée.

Dès la première période en classe, les élèves ont été invités à récupérer leur copie de l’examen final de la session d’hiver. Au cours de cette même semaine, ils ont rédigé, en classe, un texte de 400 mots à partir d’un sujet imposé. Après avoir noté la nature des erreurs dans chacun des travaux, j’entrepris la correction de la langue écrite en tenant compte de la récurrence des erreurs. J’avoue qu’à ce moment-là, les journées étaient beaucoup trop courtes, car, pour commencer les rencontres individuelles le plus tôt possible, j’ai dû monter rapidement le dossier de chacun des élèves. Au début de la deuxième semaine, j’étais prête, et l’horaire des rencontres établi. Le bal pouvait commencer !

La première semaine, l’élève prend connaissance de son dossier. Il constate la nature et la récurrence de ses fautes. Nous choisissons de travailler ensemble à « la possible élimination » de l’erreur qui revient le plus fréquemment. Je rappelle le mode de correction à favoriser, soit la démarche du CAFÉ, et je lui présente les outils dont il a besoin. L’élève dispose d’une semaine pour faire les corrections de la faute dominante. Il doit écrire la règle et le raisonnement qui lui permettent de retrancher les erreurs. La deuxième semaine, je corrige le travail en sa présence et j’ajoute des exercices de consolidation. La troisième semaine, je corrige les exercices de consolidation, puis je remets un examen maison, lequel prend la forme d’un texte dans lequel on ne trouve que le type d’erreurs sur lequel l’élève travaille depuis maintenant deux semaines. La quatrième semaine, le groupe se retrouve en classe, et les heures de cours sont consacrées à une production basée sur un texte littéraire. Une analyse est exigée. La correction de cette production servira à vérifier si l’élève a transféré et intégré ce sur quoi nous nous sommes penchés depuis trois semaines. Puis, le bal des rencontres recommence…

Outre ces rencontres individuelles d’une durée de 30 à 50 minutes (selon la nature des difficultés), l’élève peut, s’il le désire, s’il le juge nécessaire ou si je le lui recommande très fortement, se présenter en classe pour recevoir une formation rattachée à un aspect précis de la langue. J’ai ciblé dix aspects tels les homophones, l’accord des participes passés, la ponctuation, etc. Ces éléments ont été choisis la première semaine et sont connus des élèves. Les 50 minutes de cours permettent de faire un exercice portant sur l’aspect étudié, de donner la théorie qui lui est rattachée et de répondre aux questions. Je prépare, sur papier, une synthèse de la théorie, ce qui donne du temps pour approfondir la matière.

Au moment où j’écris ces lignes, nous approchons de la mi-session. Les élèves font preuve de persévérance : ils travaillent bien et fort. Malgré tout, il est trop tôt pour savoir si cette méthode leur permettra de développer des automatismes et de transférer leurs connaissances. Bientôt, nous en saurons plus, car ces mêmes élèves auront réalisé une analyse littéraire ou une dissertation pour laquelle les professeurs acceptent la remise d’une partie des points perdus en français écrit, si l’élève fréquente le CAFÉ ou le cours 003. Nous verrons à ce moment-là si notre travail porte fruit. Je le souhaite vraiment, car, si l’élève travaille très fort, il en est ainsi de celle qui a choisi l’enseignement individualisé.

Conclusion

L’expérience du 003 est encore jeune dans notre collège. Cependant, il ne fait plus de doute que ce cours constitue un complément à la formation en français écrit qui a son créneau bien à lui. Déjà, les étudiants ont manifesté de la motivation, de l’assiduité et de la satisfaction. Le Collège est maintenant ouvert à satisfaire une motivation si patente des étudiants. Quant aux professeurs, ils doivent faire preuve d’imagination sur le plan pédagogique en « inventant » des façons de faire originales et stimulantes (les étudiants peuvent abandonner leur cours à tout moment sans autres conséquences pour eux… que de perdre l’occasion d’apprendre !). Voilà donc tout un défi à relever qui commande parfois que le devis ministériel soit… interprété avec souplesse.

* * *

  1. Cette session, je donne encore le cours de mise à niveau et, au moment où j’écris cet article, 15 étudiants sur 17 sont toujours présents en classe. Les absences ont été rares, mais je reste prudente, car même si ces étudiants aiment ce qu’on leur offre, la tentation de consacrer leurs efforts à des contenus qu’ils jugent plus prioritaires demeure « un facteur de risque ». Retour

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