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Garçons en première session et soutien à la réussite en français: des termes hautement compatibles

Garçons en première session et soutien à la réussite en français: des termes hautement compatibles

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u Québec, à l’heure actuelle, peu importe l’ordre d’enseignement, davantage de garçons que de filles arrivent mal ou n’arrivent pas à posséder la langue française[1]. Faut-il considérer comme un problème ce classement en défaveur des garçons ? En fait, la situation devient problématique dans la mesure où la compétence langagière de Daniel, Maxime, Grégory… est non seulement inférieure à celle de leurs consoeurs mais, surtout, insatisfaisante au point où elle contrecarre la réalisation d’un rêve : l’obtention d’un diplôme d’études collégiales en français. Voilà bien une situation qui mérite une certaine attention.

Les garçons et les mesures de soutien à la réussite en français

À l’enseignement collégial, le cours de mise à niveau constitue la principale mesure de soutien à la réussite en français à caractère obligatoire. Parmi les élèves dans l’obligation de réussir ce cours avant de pouvoir suivre le premier cours de la formation générale en langue d’enseignement et littérature, soit Écriture et littérature, la proportion de garçons est plus importante que celle des filles — à tout le moins au sein de notre collège. À l’inverse, le Centre d’aide en français du Collège, principale mesure de soutien à caractère volontaire et devant lequel les élèves font la queue pour être l’un des quelque 450 « bénéficiaires » chaque année, reste moins fréquenté par les garçons que par les filles. Ajoutons que, depuis quelques années, le taux de masculinité en première session décroît sans cesse au cégep du Vieux Montréal alors que le taux de masculinité en mise à niveau en français ne connaît pas la même diminution, ce qui explique la couleur garçons de ce cours. Formulons autrement : pour les deux derniers automnes, les garçons ont représenté à peine un peu plus du tiers des admissions en première session, et un nouvel étudiant sur cinq a dû suivre le cours de mise à niveau en français comparé à une nouvelle étudiante sur dix.

Tableau 1
Masculinité en mise à niveau en français et en première session au cégep du
Vieux Montréal pour les sessions d’automne 1998, 1999, 2000, 2001 et 2002

 

SessionMasculinité en
mise à niveau
Masculinité en
première session
Écart
Automne 199854 %41 %+ 13
Automne 199954 %37 %+ 17
Automne 200054 %36 %+ 18
Automne 200153 %35 %+ 18
Automne 200247 %35 %+ 12

Tableau 2
Participation masculine au Centre d’aide en français du cégep du
Vieux Montréal pour les sessions d’automne 1998, 1999, 2000, 2001 et 2002

 

 Automne 1998Automne 1999Automne 2000Automne 2001Automne 2002
Étudiants aidés44 %41 %44 %45 %30 %
Moniteurs15 %11 %10 %12 %20 %

En ce qui concerne le Centre d’aide en français, et que nous considérions la situation du côté de la personne aidée comme de celui de la personne aidante, la couleur filles qui se dégage de la mesure n’est ni une illusion d’optique ni l’effet du daltonisme.

Dans les circonstances, la question reste entière : que faire, défaire, refaire ou ne pas faire pour soutenir la réussite en français de Dominique, Eddy, Aurélien… ces garçons qui rêvent d’un diplôme d’études collégiales en français ? Notre équipe de recherche, en s’attardant d’abord et avant tout aux individus qui affichent une compétence linguistique insuffisante au moment de l’entrée à l’enseignement supérieur, a cherché à comprendre dans un premier temps dans le but d’expérimenter dans un second temps.

De manière à dresser le profil motivationnel des garçons au regard du français

Entre l’automne 2000 et l’hiver 2002, 506 élèves du cégep du Vieux Montréal, la majorité inscrits au cours de mise à niveau en français, ont pris part à la recherche que nous avons menée[2] dans le but de dresser le profil motivationnel des garçons au regard du français, dont nous traitons dans cet article, puis de procéder à la conceptualisation d’un certain nombre d’« objets pédagogiques[3] ». Privilégiant la mixité des méthodes de recherche, nous avons administré un questionnaire aux élèves inscrits en mise à niveau et étudié leur dossier scolaire, puis nous avons réalisé des entrevues avec des garçons, réunis en groupes restreints, pour dresser le profil motivationnel.

Figure 1
Parcours méthodologique en vue de dresser le profil motivationnel

L’architecture d’ensemble de notre projet repose en grande partie sur deux modèles, alliés pour les besoins de la cause : celui de Viau[4], qui définit et illustre la dynamique motivationnelle, et celui de Rivière, Sauvé et Jacques[5], qui définit et illustre les conceptions de la réussite.

Dans La motivation dans l’apprentissage du français, Viau suggère que la dynamique motivationnelle en contexte scolaire est « un phénomène qui tire ses sources des perceptions qu’un élève a de lui-même et de son environnement, et qui a pour conséquence qu’il choisira de s’engager à accomplir les activités qu’on lui propose et persévérera dans son accomplissement et ce, dans le but de réussir » (p. 30). Dans ce contexte, et tel que le montre la figure ci-dessous, la motivation est l’action des forces en présence chaque fois que l’élève doit accomplir une tâche ou réaliser une activité. Dans le cadre de notre recherche, nous avons interrogé les cégépiennes et cégépiens quant aux perceptions qui les animent lors d’activités associées à la lecture, à l’écriture ou à l’aide en français.

Figure 2
Dynamique motivationnelle en contexte scolaire, d’après Viau

Figure 3
Conceptions de la réussite en fonction de l’intégration des dimensions,
d’après Rivière, Sauvé et Jacques

De leur côté, au terme de leur recherche sur Les cégépiens et leurs conceptions de la réussite, Rivière, Sauvé et Jacques représentent au moyen d’une structure pyramidale les stades de conception de la réussite, ordonnés de façon hiérarchique sur un continuum multidimensionnel. Cette proposition a amené notre équipe à interroger aussi les élèves par rapport à une notion fréquemment laissée pour compte dans les travaux portant sur la pédagogie collégiale en matière de français : le plaisir.

Le profil motivationnel en français que nous avons établi a ceci de distinctif : il lie motivation scolaire au regard du français, conceptions de la réussite et données tirées du profil scolaire des sujets qui ont participé à l’étude. Par leur généreuse présence, 319 garçons et 187 filles ont permis de le dresser et de délimiter trois avenues pour mieux soutenir leur réussite en français. Convenons donc avec Martin, Jessy et Erasmo… que l’incohérence, la méconnaissance de la motivation, de ses fondements et de ses possibilités de même que l’insuffisance de relations intersubjectives risquent fort peu de conduire au succès, voire à l’obtention du D.E.C.

Contrer l’incohérence, entre les ordres d’enseignement tout comme à l’intérieur de l’ordre collégial

[…] il m’enlève 30 pour 100 à cause des lacunes que j’avais au secondaire pour des choses que j’ai pas appris au primaire et au secondaire.

(Garçon inscrit en littérature à l’entrée au collégial et qui reçoit de l’aide en français)

Au terme d’au moins 12 années de scolarité sanctionnées par l’État, la qualité du français fait défaut à tel point chez certains garçons que, — rappelons-le –, au cégep du Vieux Montréal, un garçon sur cinq est tenu de suivre un cours de mise à niveau dès sa première session d’études. Ces garçons commettent en moyenne une erreur tous les huit mots, ce qui fait d’eux des scripteurs très faibles[6]. De leur point de vue d’élèves qui arrivent mal à posséder la langue, d’élèves qui n’arrivent pas à satisfaire aux exigences d’entrée de l’enseignement supérieur en matière de français écrit, les garçons interviewés dénoncent l’incohérence du système d’éducation. D’ailleurs, chercher à établir une relation entre leurs notes de français de cinquième secondaire et la note qu’ils obtiennent au terme du cours de mise à niveau en français permet d’entrevoir pourquoi ils remettent en question la cohérence à l’intérieur du système qui les a formés. Dans les faits, une seule des notes obtenues en cinquième secondaire semble expliquer la note du cours de mise à niveau en français, soit la note globale de français. Comment ces élèves peuvent-ils donc évaluer leur compétence, voire leur progrès au fil des cours et des ans ? Certes, l’amélioration notée dans le cadre du cours de mise à niveau est telle qu’ils deviennent moyennement bons, dépassant ainsi légèrement l’objectif visé pour le cours, soit acquérir une autonomie minimale en matière de rédaction. Cela n’est toutefois vrai que lorsqu’ils persistent jusqu’en fin de session, et leur persistance reste un problème entier. En effet, le progrès remarqué cache une réalité plus sombre : la moyenne des notes obtenues à ce cours par l’ensemble des garçons ayant participé à la recherche s’élève à peine à 55 p. 100. Ce groupe fait donc face à un échec cuisant, malgré l’obtention d’un diplôme d’études secondaires et malgré la volonté de remédiation affichée par l’ordre collégial. L’obligation de suivre un cours qui force la régression, puisqu’il porte sur une matière qui devrait être possédée depuis le primaire ou le secondaire, ne conduit donc au succès qu’à certaines conditions, tests statistiques et propos le confirment. Dans les circonstances, peut-on s’étonner du questionnement des garçons au regard des résultats et diplômes qu’ils ont obtenus et qui constituent des exigences incontournables pour accéder aux paliers supérieurs ? Pourrions-nous, en toute honnêteté, passer outre à ce questionnement ?

La recherche de sens et de cohérence qui ressort des propos des garçons n’épargne pas, non plus, l’ordre collégial. Qu’on ne s’y méprenne toutefois pas : les garçons interrogés restent pleinement conscients de leur part de responsabilité par rapport à la situation. Toutefois, à leur avis, maintes questions se posent, par exemple celle du soutien au-delà du seul cours de mise à niveau, de la valeur du français dans la formation générale, voire dans la formation spécifique, ou encore, de cette valeur dans une perspective de réussite scolaire, professionnelle et personnelle. Ainsi, les valeurs véhiculées par les propos ou les actions des personnels, surtout du personnel enseignant, revêtent une importance à exploiter en toute connaissance de cause. Plus les passerelles seront nombreuses et judicieuses, soit entre les cours de français et le reste de la formation, soit entre les mesures de soutien à la réussite en français et l’ensemble de la formation, moins les enjambées seront périlleuses.

Allumer les bougies de la motivation et du plaisir de manière à provoquer un effet de modulation

[…] si je vois le sourire qui devient de plus en plus prégnant dans la rencontre avec l’étudiant, là, je vois que mon objectif se réalise dans le fond. Ça augmente toujours les notes, automatiquement quand il y a la motivation de l’élève. Tu finis par trouver le point qui l’intéresse dans la matière. Il va finir par broder quelque chose autour de cet intérêt-là.

(Tuteur)

Parmi les élèves qui ont répondu au questionnaire, une différence significative existe entre les garçons et les filles pour ce qui a trait au degré de motivation à s’améliorer en français, et les garçons affichent un degré de motivation moindre que celui des filles. Chez ces derniers, ce degré représente d’ailleurs un élément clé pour prédire la note obtenue au terme du cours de mise à niveau. Il constitue même la variable la plus pertinente pour expliquer cette note, comme le suggère l’étude des liens entre, d’une part, les réponses à un questionnaire sur la motivation et le plaisir en français et, d’autre part, la note du cours de mise à niveau. Quelle valeur les garçons accordent-ils à l’écriture, à la lecture ou au soutien à la réussite en français ? Se perçoivent-ils comme compétents pour ce qui est d’écrire, de lire ou de recevoir de l’aide en français ? Considèrent-ils qu’ils exercent un certain contrôle sur les activités liées à l’écriture, à la lecture ou à l’aide qu’ils reçoivent en matière de français écrit ? Le français est-il une source de plaisir pour eux ?

Les réponses fournies par les garçons qui ont répondu au questionnaire et dont le dossier scolaire comprenait une note pour le cours de mise à niveau révèlent qu’il est nécessaire que ceux-ci perçoivent comme élevé ou très élevé leur degré de motivation à s’améliorer en français pour obtenir au moins la note de passage pour ce cours (fixée à 60 p. 100). En revanche, l’échec attend ceux chez qui ce degré est nul, très faible, faible ou, même, moyen. Or, la lecture du tableau 4 permet de constater que près de la moitié des garçons considèrent tout au mieux comme moyen leur degré de motivation à s’améliorer en français, se dirigeant par le fait même vers l’échec.

Tableau 4
Tableau des moyennes
Notes du cours de mise à niveau en français selon la perception du degré
de motivation à s’améliorer en français (garçons)

 

Perception du degré de
motivation à s’améliorer en français
Nombre de réponsesMoyenne des notes du cours de mise
à niveau en français
1. (Nul)328,0 %
2. (Très faible)846,0 %
3. (Faible)1147,1 %
4. (Moyen)5752,7 %
5. (Élevé)3761,1 %
6. (Très élevé)1069,5 %

Considéré de façon globale, le degré de motivation à s’améliorer en français reste un élément fécond, sur lequel appuyer maintes propositions de soutien à la réussite en français. Toutefois, cette globalité offre peu d’emprise pour qui souhaite influer positivement sur l’action des forces en présence dans la motivation, voire pour inviter au plaisir. Heureusement, l’analyse des réponses et des discours permet de dégager un certain nombre d’éléments qui prévalent.

Garçons et filles se démarquent pour ce qui est de la source la plus importante de la motivation, soit la valeur que l’élève accorde à une tâche ou à une activité, qu’il soit question de lecture, d’écriture ou d’aide en français. Les buts de performance[7] que l’élève se fixe, que ceux-ci soient liés uniquement à la lecture ou uniquement à l’écriture, indiquent également une différence significative entre garçons et filles. Il en va de même pour les buts d’apprentissage[8] liés à la lecture et à l’écriture. De plus, les stratégies d’apprentissage utilisées et le plaisir éprouvé diffèrent selon le sexe. Enfin, les réponses fournies par les élèves révèlent, pour chacun des concepts où il existe une différence significative selon le sexe, un degré de motivation moins élevé chez les garçons que chez les filles.

Sans savoir comment s’y prendre pour améliorer leur motivation au regard du français, les garçons soulèvent inlassablement l’importance de ce concept. Ils se rendent compte que la valeur qu’ils accordent à une tâche ou à une activité, que la compétence qu’ils se reconnaissent pour exécuter cette tâche ou cette activité et, enfin, que le contrôle qu’ils exercent sur cette tâche ou cette activité — spécialement en ce qui a trait à la lecture ou à l’écriture — constituent autant de forces qui pourraient contribuer à faire en sorte qu’ils s’engagent, qu’ils persévèrent et, en définitive, qu’ils fournissent un rendement les conduisant à la réussite. Bref, ils sentent toute l’importance de la motivation pour la réussite, reconnaissent qu’il leur appartient d’être motivés mais ajoutent, presque du même souffle, qu’ils ne savent comment y arriver.

Déjouer les stéréotypes : miser sur la « puissance de connexion »

[…] entre le secondaire et le cégep, il y a un mur, carrément un mur. Comme, au secondaire, moi, je pense qu’on voulait vraiment que nos… que le prof voulait nous forcer presque à travailler, puis tout ça. Mais, ici, on n’est plus forcés. On est indépendants. Puis, on est mis à côté ou presque. Ça, je pense que c’était ça, le grand choc. C’est qu’on arrive, on s’attend un peu à être aidés, mais bof, il faut demander de l’aide, et on n’est pas habitués à demander de l’aide. On est habitués à nous faire dire : « Veux-tu qu’on t’aide ? »

(Garçon inscrit en mise à niveau en français à l’entrée au collégial et qui a échoué au cours)

Les réponses fournies au moment de l’interrogation par questionnaire indiquent que un répondant sur cinq ne reçoit aucune aide en français à l’extérieur du cours de mise à niveau pour la raison suivante : la volonté de se tirer d’affaires seul. En apparence respectueuse des conventions qui régissent le code social masculin[9], cette réponse doit toutefois être considérée avec circonspection. En regroupant les sept formes d’aide auxquelles les garçons affirment recourir le plus — le Centre d’aide en français étant la forme la plus fréquemment nommée –, les relations interpersonnelles priment. Si d’aucuns croient que les garçons préfèrent la technique à l’humanité, il faut absolument les en dissuader en ce qui a trait aux garçons que nous avons interrogés. Par ailleurs, parmi les garçons qui avouent recevoir de l’aide à l’extérieur du cours de mise à niveau, deux sur trois indiquent faire appel aux membres de leur réseau naturel pour obtenir du soutien à la réussite en français. Si tel est le cas, pourquoi ne pas repérer le réseau scolaire le plus « naturel » qui soit, par exemple, pour l’étudiant en techniques physiques dont la compétence linguistique est insuffisante ? L’insistance avec laquelle les garçons demandent et redemandent des relations humaines — à tous les moments du cheminement devant conduire à une amélioration de la qualité de leur français écrit et que ce soutien provienne des membres de leur réseau naturel, de leurs pairs ou des personnels, enseignant comme non enseignant, de l’ordre collégial — ne peut que porter fruits. Parce qu’ils éprouvent un réel besoin de soutien à caractère humain, les garçons interviewés déplorent le trop grand nombre d’élèves par classe. La taille des groupes peut, par exemple, constituer un frein lorsque vient le temps de poser des questions. En d’autres termes, ces garçons souhaitent multiplier les possibilités de contact avec la personne la plus en mesure de répondre à leurs questions, de s’intéresser à leur condition, de leur proposer des solutions. Leur expérience les amène à croire que l’enseignante ou l’enseignant reste la personne toute désignée pour ce faire, la plupart du temps. Cette brèche dans un code qui annoncerait, selon une opinion fort répandue, un refus de relation avec l’autre constitue, d’après la compréhension que nous avons développée de la situation, une invitation à déjouer les dispositions plus aliénantes de la socialisation masculine[10].

Interrogés quant à l’aide qu’ils reçoivent à l’extérieur du cours de mise à niveau, garçons et filles indiquent en obtenir dans la même proportion. Dans les deux cas, le nombre d’élèves qui reçoit de l’aide est moindre que celui qui, au contraire, n’en reçoit pas. Pour bien saisir le profil des garçons qui ne reçoivent aucune aide en français à l’extérieur du cours, il faut savoir que un garçon sur quatre invoque le manque de temps pour justifier cette absence de recours à du soutien en français. En fait, le temps ressort tel un facteur à considérer. Qu’ils soient ou non inscrits en mise à niveau en français, les garçons remettent en question l’organisation du temps scolaire et le nombre d’heures de présence continue en classe, ce qui fait du temps l’un des facteurs relatifs à l’école qu’ils discutent abondamment. Afin d’arriver à éliminer du profil motivationnel des garçons le maximum de résistances possible ou, autrement exprimé, afin d’influer positivement sur leur motivation au regard du français, il convient de tenir compte des propos sur les facteurs relatifs à l’école qui ont un effet sur la dynamique motivationnelle.

S’ils parlent abondamment de ce besoin d’un rapport humain qui pourrait servir de tremplin à leur amélioration, les garçons incitent de mille et une façons à la prudence. Conséquemment, il apparaît essentiel de tenir compte des caractéristiques masculines qui veulent que, chez eux, la création de liens repose sur le geste et l’action plutôt que sur les mots et la communication et que la « puissance de connexion » ne saurait en être exempte. Au lieu d’exposer les limites des efforts consentis pour faire en sorte que le plus grand nombre réussisse, de tels éléments permettent de ne pas se laisser berner par le code et ses pièges.

Des objets couleur garçons

Moi, je pense qu’il faut faire quelque chose au cégep, genre, instaurer quelque chose pour aider les garçons en français, là. Je pense que c’est peut-être un petit peu trop tard, là. Je ne sais pas, là. C’est ça que je pense, c’est peut-être un petit peu trop tard pour agir. Il aurait peut-être fallu commencer plus au secondaire ou au primaire peut-être. Je ne sais pas, si on compare les gars puis des filles, les filles ont plus de facilité bien, c’est peut-être à cause de la manière dont se donne le cours, le gars va être moins attentif. Puis, la fille, elle va être plus intéressée par le cours. C’est peut-être là le problème aussi.

(Garçon inscrit en littérature à l’entrée au collégial et qui a réussi le cours)

Le profil motivationnel des garçons qui affichent une compétence linguistique insatisfaisante à l’entrée à l’enseignement collégial porte à croire qu’il est non seulement possible mais souhaitable d’imaginer des objets pédagogiques propres à favoriser l’amélioration du français chez Luc, Iannick ou Edwin. Dans la mesure où ces objets viseraient la cohérence inter-ordres et interdisciplinaire, voire la cohérence entre la formation collégiale et les mesures de soutien à la réussite en français offertes au collégial, dans la mesure aussi où ils proposeraient un mariage fécond entre la motivation et le plaisir, ou encore, dans la mesure où ils miseraient sur la « puissance de connexion », il nous apparaît clair qu’ils risqueraient fort d’être appréciés par les premiers concernés.

Au terme de la première phase de la recherche, nous avons conceptualisé un certain nombre d’objets susceptibles de posséder les qualités nécessaires pour que les garçons s’y intéressent et en profitent : un diagnostic portant sur des facteurs déterminants en ce qui concerne l’amélioration de la qualité de la langue chez les garçons au moment de l’entrée au collégial, sous les angles de la dynamique motivationnelle, des conceptions de la réussite, de la compétence linguistique et des champs d’intérêt ; le « jogging grammatical », soit un ensemble d’activités permettant une progression constante à allure modérée de la compétence linguistique chez les garçons, depuis leur entrée au collégial jusqu’au moment où cette compétence sera satisfaisante, autant de leur point de vue que du point de vue de l’établissement ; la concertation visant à favoriser la cohérence de l’organisation scolaire quant à la formation en français de ces garçons et à soutenir leur réussite en français, concertation entre, d’une part, les ordres d’enseignement primaire, secondaire et collégial et, d’autre part, les mesures de soutien à la réussite en français et l’ensemble de la formation collégiale.

Élaborer, expérimenter et évaluer un certain nombre d’objets couleur garçons constitue l’enjeu de la suite de la recherche Pour une amélioration du français chez les garçons[11]. * * *

  1. Gouvernement du Québec, Pour une meilleure réussite scolaire des garçons et des filles, Québec, Conseil supérieur de l’éducation, 1999, 116 p. Retour
  2. Lynn Lapostolle, François Massé et Jorge Pinho, Les garçons et les mesures d’aide en français, Montréal, cégep du Vieux Montréal, 231 p. : www.cvm.qc.ca/recherche Retour
  3. À propos des garçons et des mesures d’aide en français, Montréal, cégep du Vieux Montréal, 6 p. : www.cvm.qc.ca/recherche Retour
  4. Rolland Viau, La motivation dans l’apprentissage du français, Saint-Laurent, ERPI, 222 p. Collection L’école en mouvement. Retour
  5. Bernard Rivière, Louis Sauvé et Josée Jacques, Les cégépiens et leurs conceptions de la réussite, Montréal, Collège de Rosemont, tome 1, 290 p. Retour
  6. Ce qualificatif renvoie à la classification des élèves inscrits au Centre d’aide en français du cégep du Vieux Montréal, établie selon la fréquence d’apparition des erreurs dans une rédaction. (Voir Damien Gagnon, Alexandre Lazaridès et Michèle Pontbriand, Le Centre d’aide en français. Rapport de l’hiver 1997 : bilan, réflexions et recommandations, Montréal, cégep du Vieux Montréal, 40 p.) Retour
  7. Les buts de performance sont ceux qu’une étudiante ou un étudiant poursuit lorsqu’elle ou il valorise une tâche ou une activité pour l’obtention d’une récompense, de félicitations, ou pour être parmi les premiers de sa classe. (D’après Viau et Louis, 1997, p. 148.) Retour
  8. Les buts d’apprentissage sont ceux qu’une étudiante ou un étudiant poursuit lorsqu’elle ou il valorise une tâche ou une activité pour les connaissances et habiletés qu’elle lui permet d’acquérir. (Idem.) Retour
  9. William Pollack, De vrais gars, adapté de l’américain par Linda Cousineau, Varennes, Éditions AdA inc., 2001, 672 p. Retour
  10. Germain Dulac, Aider les hommes… aussi, Montréal, VLB éditeur, 2001, 192 p. Retour
  11. Lynn Lapostolle, Danielle-Claude Bélanger et Jorge Pinho, Pour une amélioration du français chez les garçons, recherche subventionnée par le PAREA du ministère de l’Éducation du Québec (2002–2004). Retour

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