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«Car» et «parce que»

«Car» et «parce que»

Les différences spécifiques qui existent entre les conjonctions car et parce que ne sont pas toujours claires pour bon nombre d’usagers de la langue, et l’idée qu’on s’en fait est souvent plus empirique que rigoureuse. On a l’impression que ces deux conjonctions sont des synonymes qui s’équivalent – ou le devraient –, puisque chacune d’elles marque la cause ; pour cette raison, on comprend mal que l’une agisse comme coordonnant et l’autre, comme subordonnant ; enfin, pour des raisons qu’on ne saurait expliquer, on considère que l’emploi de car présente moins de complications que l’emploi de parce que.

Les différences entre car et parce que sont bien réelles, mais elles ne sont pas si simples à définir. Nous tentons ici quelques explications, sans apporter une solution définitive. La question reste ouverte à la réflexion…

Jules a été congédié parce qu’il a fraudé son employeur.

La conjonction parce que introduit une subordonnée, qui se présente comme la cause directe de ce qui précède. Du point de vue du modèle de base, cette subordonnée fait partie du niveau supérieur dans l’énoncé, puisqu’elle représente l’un des constituants fondamentaux de la phrase et joue le rôle de complément de phrase :

groupe sujetgroupe verbal
Julesa été congédié
complément de phrase
parce qu’il a fraudé son employeur

Si l’on remplace parce que par car (Jules a été congédié, car il a fraudé son employeur), on constate que la subordonnée est devenue une phrase coordonnée à la première et que, syntaxiquement, elle lui est moins étroitement liée. L’information contenue dans cette nouvelle phrase n’est pas exactement la même que celle de la précédente : car exprime une justification plutôt qu’une cause. La différence est encore plus évidente dans les phrases suivantes :

Marie est malade, car je ne l’ai pas vue de la journée.

*Marie est malade, parce que je ne l’ai pas vue de la journée.

Ici, l’emploi de parce que crée une dissonance. On pourrait dire, par exemple, que Marie est malade parce qu’elle a trop mangé, mais difficilement parce que je ne l’ai pas vue. Ce qui est en jeu, c’est la différence entre la cause et la justification. La conjonction car introduit une justification, ou mieux, une explication de ce qui précède, ce qui permet de remplacer car par en effet :

Marie est malade ; en effet, je ne l’ai pas vue de la journée.

Cette analyse nous permet de constater que la phrase introduite par parce que se situe sur le plan de l’énoncé, de ce qui est raconté ; avec car, on est sur le plan de l’énonciation : il s’agit d’une explication, d’un point de vue exprimé par quelqu’un. On comprend mieux alors que la phrase introduite par car ne soit pas une subordonnée : elle exprime plutôt un acte d’énonciation distinct, coordonné au précédent et sur lequel elle s’appuie.

Enfin, la conjonction car permet de lever une ambiguïté lorsque la première des deux phrases coordonnées est négative. Soit les phrases :

Gisèle n’a pas été choisie par le jury parce que l’un des membres est son cousin.

Gisèle n’a pas été choisie par le jury, car l’un des membres est son cousin.

Le subordonnant parce que ne permet pas – hors contexte – de comprendre vraiment cet énoncé. Gisèle a-t-elle été choisie ?…

Deux réponses possibles :

– Oui, mais son cousin n’y est pour rien.

– Non, et c’est parce que son cousin est membre du jury.

En revanche, dans la phrase où car est employé, l’ambiguïté n’est plus possible : Gisèle n’a pas été choisie.

Le fait que la conjonction car introduit un acte d’énonciation est validé par le comportement syntaxique de la phrase coordonnée. Revenons à deux exemples précédents :

Marie est malade, car je ne l’ai pas vue de la journée.

Marie est malade parce qu’elle a trop mangé.

Il est impossible de déplacer la phrase coordonnée :

*Car je ne l’ai pas vue de la journée, Marie est malade.

[Parce qu’elle a trop mangé, Marie est malade.]

Impossible, non plus, de la mettre en relief par le marqueur c’est… que :

*C’est car je ne l’ai pas vue de la journée que Marie est malade.

[C’est parce qu’elle a trop mangé que Marie est malade.]

Impossible pour cette phrase de constituer une réponse valable à la question :

Pourquoi Marie est-elle malade ?

Réponse : *Car je ne l’ai pas vue de la journée.

[Parce qu’elle a trop mangé]

À la lumière de ce qui précède, on conviendra que tout exercice scolaire visant à remplacer parce que par car, et réciproquement, reste un exercice artificiel qui empêche l’élève de saisir les différences subtiles entre les deux conjonctions.

Ajoutons que certaines phrases peuvent accepter l’une ou l’autre de ces conjonctions sans devenir des phrases agrammaticales. Mais la nuance demeure, car c’est d’abord dans l’esprit du locuteur et dans la façon dont il envisage son message que cette nuance existe. Et cette nuance doit être comprise par le destinataire.

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