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Un cours de mise à niveau «nouvelle grammaire»

Un cours de mise à niveau «nouvelle grammaire»

Dès l’été 2002, dans certains cas, et à l’automne dans tous les cas, les cours de mise à niveau devront être orientés « nouvelle grammaire ». En ce moment, plusieurs collègues s’interrogent fébrilement sur le contenu et la démarche de ces cours. Huguette Maisonneuve a pris les devants en adaptant, dès l’automne 2001, son cours de mise à niveau à l’approche nouvelle grammaire.

Nul doute que le contenu et la démarche qu’elle propose dans son plan de cours en rassureront et en inspireront plus d’un.

Dans mon collège, c’est l’automne dernier que nous avons amorcé le virage « nouvelle grammaire » dans le cours de mise à niveau. Déjà ?, me demanderez-vous. Mais pourquoi ? Parce que j’en brûlais d’envie et que je ne pouvais attendre un an de plus ! Vous me direz peut-être que les élèves que j’avais devant moi n’étaient pas préparés à ce nouveau langage et qu’il était risqué de les dérouter encore davantage. Je vous répondrai que non, parce que la nouvelle grammaire ne défait en rien les acquis de la grammaire scolaire traditionnelle. Elle vient simplement éclairer le fonctionnement du système de la langue. On n’en comprend que mieux les règles d’accord et de ponctuation. Mais on comprend tellement plus que ces règles.

L’objectif du cours

L’objectif du cours était, comme toujours, d’amener les élèves à développer leurs capacités d’expression écrite et de lecture. Cet apprentissage devait se faire principalement par l’étude de la syntaxe, de l’orthographe grammaticale et de la ponctuation. J’avais prévu également présenter en fin de session quelques notions de grammaire du texte, mais le temps a manqué, et j’ai préféré consacrer les deux dernières semaines du cours à des exercices de consolidation et de synthèse plutôt qu’à l’introduction d’éléments tout à fait nouveaux.

Au terme du cours, les élèves devaient être en mesure de rédiger un texte cohérent de 500 mots portant sur un texte lu et bien compris. Dans ce texte écrit, la fréquence d’erreurs ne devait pas dépasser 20 (pas plus d’une erreur aux 20 mots).

L’accent mis sur la syntaxe

J’avais divisé la matière du cours en sept modules, tous fondamentalement syntaxiques. Dans chacun des modules, je présentais d’abord quelques éléments théoriques importants, puis j’amenais les élèves à utiliser ces notions pour mieux lire, mieux écrire, mieux accorder ou mieux ponctuer. Vous trouverez au tableau I le contenu détaillé du cours. Notez que ce plan de cours n’est pas définitif et qu’il sera revu pour l’automne prochain.

TABLEAU I
Cours de mise à niveau « nouvelle grammaire »

MODULE I
La phrase : modèle de base

 

  • Théorie :
    Constituants de P / Juxtaposition et coordination de constituants
    Fonction sujet — Fonction complément de phrase

     

  • Lecture :
    Découper la phrase en constituants
    Saisir de quoi on parle (thème) et ce qu’on en dit (propos)

     

  • Accords :
    Accorder le verbe avec le sujet
  •  

  •  

 

MODULE II
L’enchaînement des phrases

 

  • Théorie :
    Juxtaposition et coordination

     

  • Lecture :
    Délimiter les P / Découper les P en constituants
    Saisir le fil de la pensée (logique de l’enchaînement)

     

  • Ponctuation :
    Utilisation du point-virgule, du deux-points et de la virgule dans la juxtaposition
    Utilisation de la virgule dans la coordination
  •  

  •  

 

MODULE III
La phrase : modèle de base et phrase transformée

 

  • Théorie :
    Transformation de type et de forme

     

  • Lecture :
    Donner le type et la forme de phrases transformées

     

  • Accords :
    Repérer le verbe principal et le sujet dans des phrases transformées
  •  

  •  

 

MODULE IV
La maturation de la phrase

 

  • Théorie :
    Groupe nominal (noyau et expansions)

     

  • Accords :
    Accorder le déterminant, le nom, l’adjectif et le participe adjectif

     

  • Ponctuation :
    Ponctuation associée aux éléments explicatifs liés au groupe nominal
  •  

  •  

 

MODULE V
La maturation de la phrase

 

  • Théorie :
    Complément de phrase (variété et mobilité)

     

  • Ponctuation :
    Ponctuation associée au déplacement du complément de phrase
  •  

 

MODULE VI
La conjugaison du verbe et les accords du participe passé

 

  • Théorie :
    Modes et temps verbaux
    Groupes de verbes et terminaisons

     

  • Accords :
    Accorder le participe passé avec auxiliaire
  •  

 

MODULE VII
La grammaire du texte

 

  • Théorie :
    Reprise et progression de l’information

 

C’est en m’appuyant constamment sur les constituants obligatoires de la phrase P (modèle de base), c’est-à-dire sur le fait qu’une phrase P est minimalement formée d’un sujet et d’un prédicat, que j’ai cherché à amener les élèves à mieux comprendre des phrases longues ou présentant des inversions (phrases fréquentes en poésie ou dans les textes narratifs) et à mieux structurer leurs propres phrases (en allant à l’essentiel, mais en n’oubliant pas l’essentiel). L’étude de la transformation de P (types déclaratif, interrogatif, impératif, exclamatif ; formes négative, emphatique, passive, impersonnelle) m’a ensuite permis de faire prendre conscience aux élèves du fait que la diversité des phrases n’est qu’apparente parce que toutes sont analysables selon le modèle de base [sujet + prédicat + (complément de phrase)], et que cette diversité apparente joue pourtant un rôle important du point de vue de l’expression. (L’analyse de la phrase sous cet angle permet, entre autres, de mieux cerner « l’intention de l’auteur ».)

Inspirée de l’étude de Claire Brouillet et Damien Gagnon portant sur la maturation syntaxique[1], j’ai ensuite cherché à amener les élèves à allonger leurs phrases de façon pertinente, en disant plus et mieux. Dans le rapport de recherche de Brouillet et Gagnon, on pouvait lire qu’une « phrase adulte » (tirée d’un corpus de textes rédigés par de bons journalistes, par exemple) comptait en moyenne 25 mots. En sachant qu’une phrase n’est pas ce que l’on retrouve entre la majuscule et le point mais bien ce qui correspond à une structure P, force est de constater que ce qui permet d’allonger une phrase n’est pas la juxtaposition ou la coordination de P, mais principalement l’ajout de compléments de phrase ou d’éléments qui précisent les noms (expansions du GN). Ayant pris conscience de l’existence d’une « phrase-adulte », les élèves ont pu tenter de développer leur expression en se demandant constamment s’ils avaient quelque chose à dire de plus au sujet de tel nom ou de telle P (sujet + prédicat). (Dans un cours de littérature, cette connaissance de la « P allongée » permettrait de la mettre en relation avec la « P courte » ou la « P moyenne » et de dégager les effets de chacune en ce qui a trait au rythme et à l’expression.)

Enfin, j’ai consacré une partie du cours au système verbal du français. J’ai bien sûr revu conjugaisons et accords, mais j’ai aussi porté une attention particulière à la valeur des modes et des temps et à la nécessaire cohérence de leur emploi dans un texte. J’aurais voulu aborder d’autres notions de cohérence textuelle (comme celles de la reprise et de la progression de l’information), mais le temps a manqué.

Bilan et réflexions

À mon avis, il convient de faire deux bilans : l’un portant sur l’effet de la nouvelle grammaire dans un cours de mise à niveau ; l’autre, sur les limites du cours proprement dit, quelle que soit la grammaire enseignée.

En ce qui a trait aux bienfaits de la nouvelle grammaire, je dirais qu’ils sont incontestables. Elle excite l’intelligence de l’élève et sa capacité de réflexion, et elle a pour effet de lui « délier la plume » et de le rendre apte à construire des phrases de bonne longueur, qui ont du sens. Cet épanouissement syntaxique est le résultat « émouvant » que le professeur sensible à la beauté d’une langue maîtrisée est en droit de pouvoir espérer obtenir chez un bon nombre de ses élèves avec cette nouvelle approche. Et cet apprentissage ne se fait pas au détriment de l’application d’autres règles de surface (accords et ponctuation) ; au contraire, il en facilite l’accès. Il faut cependant éviter un écueil important : ne pas se perdre dans la théorie de l’analyse syntaxique ni négliger le travail d’écriture. À mon avis, on ne devrait enseigner à l’élève que l’essentiel de la théorie syntaxique de manière à pouvoir consacrer beaucoup de temps aux exercices d’application et à la rédaction. Cette nécessité de faire écrire les élèves m’amène à mon deuxième bilan : celui des limites du cours de mise à niveau.

Je donne ce cours depuis plusieurs années déjà et, à la fin de la session, je ressens toujours le même malaise. Je sais que mes élèves ont appris (leurs résultats au test théorique et la diminution de la fréquence d’erreurs le prouvent), mais je me demande pourtant s’ils ont appris assez. Vous le savez comme moi : certains partent de si loin qu’il serait gênant d’affirmer que, grâce à leur progrès, ils ont atteint le « niveau » collégial. Un élève qui fait plus d’une erreur aux 20 mots n’a pas, selon moi, atteint le niveau d’entrée au collégial. Il ne peut donc pas « passer » son cours de mise à niveau. Que faire alors ? Lui faire reprendre ce cours non « crédité » ? L’obliger à s’inscrire au centre d’aide ? Le mettre à la porte du collège ? Ce qui me trouble, c’est de constater qu’il existe une zone de compétence un peu nébuleuse dans laquelle un élève est assez fort pour obtenir son DES mais pas assez pour suivre et réussir son premier cours de littérature au collégial. Ça m’inquiète un peu. Le système du primaire et du secondaire accompagne les enfants jusqu’aux portes des études collégiales, mais ne les y prépare pas suffisamment. Je me demande toujours comment je réagirais si c’était mon enfant qui se trouvait dans cette zone nébuleuse. Peut-être est-ce d’ailleurs de cette sourde inquiétude que me vient ma puissante motivation à donner à mes élèves le meilleur de moi-même. À cet égard, l’effet est heureux, sauf qu’il n’est pas acceptable qu’après 11 ans sur les bancs d’école, un élève sérieux et travailleur, qui a toujours bien réussi ses cours, lise encore peu et écrive en faisant plus d’une faute aux 20 mots. Fait-on écrire suffisamment les élèves au primaire et au secondaire ? La rédaction hebdomadaire du vendredi, est-ce que ça existe encore ? N’a-t-on pas plutôt tendance à placer les élèves en « situation d’écriture » quatre ou cinq fois par année, le jour de l’évaluation qui sera portée au bulletin ? Je sais, je sais : avec la réforme, les choses sont en voie de changement. Je peux encore vivre d’espoir et de foi. Cependant, quand je constate la lenteur avec laquelle les enseignants du primaire et du secondaire se forment à la nouvelle grammaire et implantent la réforme, je désespère un peu. Je suis convaincue que la plupart sont très consciencieux et qu’ils font de leur mieux, mais le système ne va pas. Je souhaite ardemment que nous, enseignants du collégial, ne fassions pas que juger passivement le travail fait antérieurement par nos collègues et que nous nous donnions les moyens de plonger tous dans cette importante réforme rapidement, simplement et de manière efficace. Chaque année, des élèves nous sont confiés ; ce sont toujours les enfants de quelqu’un.

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  1. BROUILLET, C. et D. GAGNON, La maturation syntaxique au collégial et les structures de base de la phrase, Cégep du Vieux Montréal, Service de recherche, 1990. Retour

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